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Le rétrécissement du champ pénal. Pour un auteur, la désescalade pénale est

LE PRINCIPE DE NECESSITE ET LA DISPARITION DE L’INCRIMINATION

51. Le rétrécissement du champ pénal. Pour un auteur, la désescalade pénale est

fondée « légitimement sur le principe de nécessité »186. Il s’agit du degré le plus faible de la

dépénalisation et consiste en une acceptation partielle du comportement prohibé, le droit pénal

183 J.-H. ROBERT, « Tableau récapitulatif des dépénalisations opérées depuis 2003 dans le droit des sociétés par actions », Dr. pén., févr. 2005, p. 6.

184 V. BUCK, « Le Conseil constitutionnel peut-il imposer des limites aux politiques de pénalisation ou de dépénalisation ? », RSC 2002, p. 672.

185 M. VAN DE KERCHOVE, Le droit sans peine, F.U.S.L., coll. « Droit », 2002, p. 323.

186 S. JACOPIN, « Le recul de la sanction pénale ou la dépénalisation du droit moderne des affaires », in Actes du colloque le renouveau de la sanction pénale : évolution ou révolution ?, dir. S. JACOPIN, Bruylant, 2010, p. 58.

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opérant une certaine mise en retrait progressive. Ce mouvement a notamment été rencontré à propos de l’émission de chèque sans provision. A l’origine, ce comportement fut incriminé par une loi du 14 juin 1865 puis par une loi du 2 août 1917 qui le punissait des peines délictuelles prévues pour l’abus de confiance. Par la suite, la loi du 3 janvier 1972 est venue contraventionnaliser l’émission de chèque sans provision d’une valeur inférieure à 1 000 francs, tout en maintenant la qualification délictuelle pour les chèques d’une valeur supérieure. Une dépénalisation plus forte est intervenue par la loi du 3 janvier 1975 dans la mesure où seul subsiste le délit d’émission de chèque sans provision dans l’intention de porter atteinte aux droits d’autrui. Le champ d’application du droit pénal s’en trouvait particulièrement réduit dans la mesure où l’intention devait être clairement établie. Enfin, depuis la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991 modifiée par celle du 16 juillet 1992, l’émission de chèque sans provision n’est plus une infraction pénale. Dans le même sens, il est également possible de noter le cas de la banqueroute qui était un crime avant l’ordonnance du 23 novembre 1958 et qui a fait l’objet d’une désescalade progressive jusqu’à sa dépénalisation par la loi du 25 janvier 1985. Dans ces hypothèses, le droit pénal a vu son champ d’application se réduire progressivement jusqu’à disparaître complétement du domaine concerné. Ceci illustre parfaitement une certaine mise à jour du principe de nécessité, par étapes, pour juger de l’utilité de recourir au droit pénal et du caractère nécessaire de ce dernier.

52. Le retrait total du comportement anciennement prohibé. Il s’agit de la forme la plus poussée de la dépénalisation puisqu’ici le comportement n’est plus considéré

comme portant atteinte à une valeur sociale187. Ce n’est pas l’inutilité de la norme pénale qui

ressort de ce schéma mais plutôt l’acceptation de l’ancienne atteinte, du comportement jusque-là prohibé. En d’autres termes, « la valeur protégée qu’elle a vocation à défendre ne se justifie

plus »188. Pour un auteur, cette désincrimination dite « sèche » permet également de repenser la

fonction globale du droit pénal au sein de la matière économique189, où les exemples ne

manquent pas. Ainsi, la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques a procédé à la suppression totale de plusieurs incriminations. En premier lieu, l’article L. 242-2 du Code

187 J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE, « 1789 : un nouveau droit pénal est né », in Etudes offertes à Pierre Jaubert,

op. cit., p. 175.

188La dépénalisation de la vie des affaires, dir. J-M. COULON, op. cit., p. 20.

189 Y. MULLER, « La dépénalisation de la vie des affaires ou … de la métamorphose du droit pénal », art. préc.,

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de commerce a vu ses 1° et 2° abrogés pour ne concerner que la majoration frauduleuse des apports en nature. Ainsi, la fictivité des souscriptions, la simulation de souscription ou l’indication fausse de personnes attachées à la société sont désormais exclues du champ

pénal190. Ensuite, la loi a abrogé le 3° de l’article L. 242-3 relatif à la négociation de promesses

d’actions, l’article L. 242-22 à propos de l’amortissement des actions par tirage au sort ainsi que l’article L. 243-2 qui sanctionnait le gérant d’une société en commandite qui commençait les opérations avant l’entrée en fonction du conseil de surveillance. Sont enfin abrogées les dispositions relatives au défaut d’appel de fonds pour réaliser la libération intégrale du capital, l’émission d’obligations avant la libération intégrale du capital, mais également l’article L. 245-2 à propos de la distribution de prospectus ne mentionnant pas la signature du représentant qualifié de la société et l’article L. 245-6 relatif à la création de parts de fondateurs. La loi n°

2003-721 du 1er août 2003 a également procédé à diverses dépénalisations191. En premier lieu,

l’article L. 241-1 du Code de commerce relatif aux fausses déclarations concernant la répartition des parts sociales, la libération des parts ou le dépôt des fonds a été modifié pour ne sanctionner que les omissions et non plus les simples inexactitudes. Le comportement anciennement

prohibé est dès lors exclu du champ pénal192. Ce texte a été aujourd’hui totalement abrogé par

la loi du 22 mars 2012193. Enfin, l’article L. 244-2 du Code de commerce, qui prévoyait une

peine de 6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende pour le dirigeant d’une SAS qui ne consultait pas les associés pour la nomination des commissaires aux comptes, l’approbation des comptes annuels et la répartition des bénéficies, est modifié. Dès lors, ces comportements

sont exclus du champ pénal et les incriminations disparaissent. La loi n° 2003-706 du 1er août

2003, en son article 134, a opéré de multiples dépénalisations194. Tout d’abord s’agissant de la

protection des actionnaires, la loi a supprimé l’incrimination de celui qui, pour participer au vote d’une assemblée, se présente faussement comme actionnaire. La dépénalisation s’est également étendue à l’article L. 242-11 concernant la non-convocation d’un actionnaire titulaire d’un titre nominatif, ainsi que le défaut de tenue d’une feuille de présence (art. L. 242-15, 1°). Dans tous ces cas, le législateur a eu le souhait d’exclure totalement les anciens comportements

190 B. BOULOC, « Brèves remarques sur les aspects de droit pénal de la loi sur les nouvelles régulations économiques », Rev. sociétés, 2001, p. 645.

191 L. n° 2003-721 du 1er août 2003 pour la simplification de l’économie, JORF du 5 août 2003, p. 13449.

192 B. BOULOC, « La dépénalisation dans le droit pénal des affaires », D. 2003, p. 2492.

193 L. n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JORF du 23 mars 2012, p. 5226.

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prohibés du champ du droit pénal, sans y substituer une autre forme de répression, marquant son acceptation vis-à-vis de l’ancienne infraction. Ici, le droit pénal n’a plus été jugé nécessaire et s’est vu mis à l’écart par le biais de l’abrogation des incriminations.

2) La dépénalisation par l’autorité judiciaire

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