6.5 Simulations de champ hypern
6.5.5 Résumé sur les modélisations de textures
Grâce aux simulations de champ hypern aux sites de sodium que nous venons de
présenter, nous avons pu exclure une répartition aléatoire des diérents sites de cobalt
(l'invalidation d'un site unique étant déjà acquise). Pour valider un modèle d'ordre
particulier, il aurait été nécessaire de réaliser des simulations similaires sur les noyaux
59Co. La présence de seulement trois sites RMN sur les spectres RMN du cobalt devrait
à priori imposer, elle aussi, de fortes contraintes sur le type d'organisation des charges.
Malheureusement la situation pour les noyaux59Co est plus complexe. En eet, il faut
à priori tenir compte de deux types de couplage hypern dans le cas du cobalt : un
couplage sur site, qui a pour origine la polarisation de coeur et le couplage dipolaire,
ainsi qu'un couplage hypern transféré qui, via l'oxygène et l'interaction de contact,
couple un noyau de cobalt avec les moments magnétiques électroniques de ses plus
proches voisins Co (voir chapitre 2). Si ce couplage transféré existe bel et bien (comme
nous l'avons proposé pour justier le champ hypern faible mais non-nul aux sites
Co3+), alors nous nous retrouvons avec beaucoup de paramètres ajustables...
En conclusion, nous avons tenté d'illustrer par des exemples l'inuence des diérents
paramètres sur les spectres RMN mais nous sommes encore loin d'avoir déterminé
l'ordre spatial exact des états électroniques dans les plans de cobalt ! Cependant, la
146 Chapitre 6. Texture électronique et ionique dans Na0.75CoO2
RMN des noyaux 23Na s'est révélée être très contraignante pour les ordres de charges
dans les plans CoO2 et les ordres d'ions Na+ dans les plans cationiques. Associée aux
simulations de champs hyperns, elle constitue donc un outil très ecace pour valider
ou non les scénarios d'ordres envisageables. Elle connaît néanmoins une limitation
importante : la connaissance précise des couplages hyperns. De plus, si l'ordre des Na
a pour l'instant été révélé par des expériences de diraction, il n'en n'est pas de même
pour l'organisation spatiale des charges dans les plans de cobalt, beaucoup plus dicile
à mettre en évidence. Pour le moment, cette texture électronique peut seulement être
"postulée" à partir de l'ordre des sodium, en considérant que les variations du potentiel
électrostatique créé dans les plans CoO2 par les ions Na+ imposent (ou dominent) la
répartition spatiale des charges.
6.6 Conclusion
L'étude RMN de la phase paramagnétique du composé Na0.75CoO2 nous a permis
de parvenir à d'importantes conclusions. Les spectres des noyaux 59Co montrent
clai-rement trois sites RMN bien distincts, qui n'avaient été jusqu'alors observés que par
Mukhamedshin et collaborateurs. Un des sites correspond à des noyaux de cobalt non,
ou très peu, magnétiques (Co3+), d'abondance relative proche de 27 %. On est donc
très loin des 75 % d'ions Co3+ attendus dans l'image classique Co3+/Co4+. Les deux
autres sites correspondent à un, voire probablement deux états de valence intermédiaire
du cobalt : Co(3+δ)+ et Co(3.3+δ
′)+. Même si nous n'avons pu déterminer les diérences
entre ces deux derniers sites électroniques, l'existence d'environ 75 % de sites de cobalt
magnétiques est, en soit, un résultats très important : elle permet en eet d'éliminer
le paradoxe de l'existence d'une phase magnétique dans cette zone de dopage puisque
nous sommes nalement très loin de l'image de moments magnétiques dilués. Les
si-mulations de champ hypern aux sites de sodium nous ont, de plus, permis de montrer
que ces trois états électroniques du cobalt doivent être spatialement ordonnés. L'ordre
exact n'a pu être déduit, mais les résultats placent un certain nombre de contraintes
fortes. Enn, les mesures 23T−1
1 nous ont apporté des preuves du mouvement de
cer-tains ions sodium dans Na0.75CoO2 jusqu'à basse température, sans que cela n'inue
apparemment sur les états électroniques du cobalt.
Cette image nouvelle du magnétisme devra être prise en compte pour comprendre
les propriétés thermoélectriques de Na0.75CoO2, qui sont les plus spectaculaires dans la
Chapitre 7
La phase magnétique ordonnée dans
Na
0.75
CoO
2
Motivation
Hormis la découverte de supraconductivité dans un composé NaxCoO2 intercalé
en eau [Takada03], l'élément qui a réellement suscité notre intérêt pour les cobaltates
à base de sodium est la mise en évidence en 2003 d'un ordre magnétique statique à
basse température dans Na0.75CoO2 [Motohashi03, Sugiyama03]. La découverte d'une
phase magnétique, dans une région du diagramme de phase où le nombre (1−x) de
moments magnétiques dans les plans CoO2 devait théoriquement être faible, était très
surprenante. Même si, au vu de nos résultats, ce paradoxe est aujourd'hui résolu, cette
constatation fût à l'origine de notre décision d'étudier les propriétés magnétiques de
Na0.75CoO2. Dans un premier temps, notre but principal visait à caractériser la phase
magnétique grâce à l'étude RMN des noyaux 59Co et 23Na. Cependant, les propriétés
complexes de ce composé nous ont contraints à consacrer une large part de cette thèse
à l'étude de la phase paramagnétique (T >22 K). De plus, durant cette période
d'in-vestigation, des progrès signicatifs ont été réalisés sur la compréhension de la phase
magnétique, notamment grâce à des études de diusion de neutrons. Dès lors, l'étude
RMN de cette phase apparaissait nettement moins cruciale. Elle nous permettra
néan-moins de conrmer certains résultats obtenus par le biais d'autres techniques, comme le
moment magnétique par site de cobalt ou l'existence d'une transition métamagnétique
vers H0 = 8 T. Nous présenterons aussi brièvement des propriétés très particulières
d'oscillation des courbes d'écho de spin et d'une modication radicale des spectres
sous l'eet des impulsions RMN.
7.1 Résultats connus
Des mesures de résonance de spin de muons [Sugiyama03], de résistivité, de
cha-leur spécique et d'aimantation [Motohashi03], ont permis de mettre en évidence une
transition magnétique dans Na0.75CoO2 à T ≃ 22 K. Sugiyama et collaborateurs ont
148 Chapitre 7. La phase magnétique ordonnée dans Na0.75CoO2
suggéré que cette phase ordonnée était de type ferrimagnétique ou de type onde de
densité de spin (ODS) commensurable (la modulation de la densité de spin est un
mul-tiple du pas de réseau) et ont évalué le moment magnétique au site de cobalt à environ
0.18µB [Sugiyama03]. Cette valeur est relativement faible en comparaison du moment
magnétique d'un ion Co4+ dans son état bas spin (S = 12) qui est théoriquement égal
à 1µB. Il était cependant nécessaire de considérer ces résultats avec prudence puisque,
pour ces deux études, la transition magnétique ne concernait qu'une faible fraction du
volume total de l'échantillon (respectivement ∼ 21 % [Sugiyama03] et ∼ 1 %
[Moto-hashi03]). On pouvait alors se demander si la transition magnétique était réellement
intrinsèque à Na0.75CoO2.
En 2004, des mesures de diusion inélastique de neutrons, réalisées sur un
mono-cristal de même composition, ont mis en évidence l'existence de corrélations
ferroma-gnétiques fortes dans les plans CoO2 [Boothroyd04]. Dans le même temps, des mesures
de transport, de chaleur spécique, de magnétorésistance et d'aimantation ont renforcé
l'hypothèse d'une phase ODS pourT < 22 K [Sales04] et suggéré une orientation des
moments magnétiques parallèle à l'axe c. Une étude de Luo et collaborateurs dans
Na0.85CoO2 (Tmag ≃ 20 K) a, de plus, mis en évidence une transition métamagnétique
pour un champ proche de 8 T [Luo04].
Courant 2005, Mendels et collaborateurs ont conrmé, par l'intermédiaire de
me-sures de relaxation de muons, que la phase magnétique observée précédemment est
bien intrinsèque à Na0.75CoO2 (la transition concerne 100 % du volume total de leur
échantillon). Ils ont aussi rapporté l'existence d'une transition magnétique àT = 27 K
pour la composition x= 0.85. La phase magnétique correspondant à ces deux
compo-sitions est assimilée à une ODS commensurable [Mendels05]. Finalement, des études
par diusion de neutrons dans Na0.75CoO2 [Helme05] et dans Na0.82CoO2 [Bayrakci05]
ont permis d'importantes avancées : elles établissent un ordre de type ferromagnétique
dans les plans CoO2 et antiferromagnétique entre les plans (structure
antiferromagné-tique de type A), comme indiqué sur la gure 7.1, avec une orientation des moments
magnétiques parallèle à l'axe c. Il est important de noter que la structure décrite
consiste en une répartition homogène de l'aimantation sur tous les sites de cobalt
(0.13 µB/Co dans Na0.82CoO2 [Bayrakci05]). Ceci est très surprenant si on considère
les résultats de notre étude RMN de la phase paramagnétique de Na0.75CoO2 où
l'exis-tence d'une texture électronique non-homogène a clairement été mise en évidence (voir
chapitre 6). Une autre caractéristique déroutante de ces études réside dans la similarité
des constantes d'échange magnétique intra-plan (Jab ≃ −6 meV dans Na0.75CoO2 et
−9 meV dans Na0.82Co02) et inter-plan (Jc ≃12.2 meV dans Na0.75CoO2 et et 6 meV
dans Na0.82Co02) [Helme05, Bayrakci05]. Le caractère 3D des corrélations magnétiques
contraste donc avec le caractère bidimensionnel de la structure cristallographique et
du transport électronique.
Enn, durant l'année 2006, Helme et collaborateurs ont pu conrmer l'existence
d'une transition métamagnétique (H0 ≃8 T) dans Na0.85CoO2 grâce à des mesures de
diraction de neutrons [Helme06]. Ils ont réussi à interpréter cette transition comme
une transition spin-op dans la structure AF de type A et rapportent qu'elle s'étalerait
Dans le document
Etude par Resonance Magnétique de Cobaltates NaxCoO2
(Page 152-156)