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Dans cette partie, nous revisitons les principaux résultats de notre étude et soulignons leurs conséquences pour la politique et la recherche à venir. À l’aide du PEICA, nous avons examiné les caractéristiques contextuelles sociodémographiques des jeunes NEET au Canada et la façon dont les scores aux évaluations en littératie, en numératie et en résolution de problèmes diffèrent entre les jeunes NEET et les autres jeunes. Le suivi longitudinal qui s’appuie sur l’ELIA nous a permis de savoir s’il pouvait y avoir un lien entre les activités axées sur les compétences à la maison et la disposition à apprendre en 2012, et la probabilité de tomber dans la catégorie NEET en 2014 chez les jeunes qui appartenaient et n’appartenaient pas à la catégorie NEET en 2012.

À l’appui des études antérieures présentées dans la revue de la littérature, les résultats de la régression logistique illustrent le fait que les jeunes plus âgés (20 à 24 ans) et les jeunes Autochtones, au Canada, étaient plus susceptibles que les jeunes d’autres groupes sociodémographiques de faire partie de la catégorie NEET en 2012. Facteur qui met en relief l’importance du capital culturel et du statut socioéconomique (Xu et Hampden-Thompson, 2011), les jeunes, dont les parents ne détenaient qu’un diplôme d’études secondaires ou moins, et qui avaient moins de 100 livres à la maison à l’âge de 16 ans, étaient plus susceptibles de se retrouver dans la catégorie NEET en 2012. Les statistiques descriptives montrent aussi que les immigrantes et immigrants de la première génération étaient plus susceptibles de faire partie de la population NEET, même si le contrôle d’autres variables sociodémographiques influe sur l’écart entre les immigrantes et immigrants récents et les non-immigrantes et non-immigrants. Contrairement aux études antérieures, nous n’avons observé aucun écart dans les taux du statut NEET par sexe ou handicap chez les jeunes ayant participé au PEICA. Néanmoins, les études ayant recours à des variables moins grossières quant à un éventuel handicap ou qui tiennent compte des différences selon les sexes pour ce qui est de l’âge révéleront peut-être des distinctions entre ces sous-groupes.

Les résultats des régressions descriptives et linéaires illustrent le fait que les scores aux évaluations en littératie et en numératie se situaient à environ un demi-niveau plus bas (27 à 36 points) chez les jeunes NEET par rapport aux autres jeunes. Nos résultats laissent croire qu’il y avait un écart plus petit dans les scores de RP-ET (19 points). Parmi tous les pays qui ont participé au PEICA, le niveau des diplômes et les activités axées sur les compétences à la maison et au travail sont les prédicteurs les plus solides des scores aux évaluations (Statistique Canada, 2013; OCDE, 2013a).

En effet, selon de nombreux indices, les activités à la maison comptent. Premièrement, les jeunes NEET étaient plus susceptibles d’avoir moins de livres à la maison à l’âge de 16 ans. Deuxièmement, ils ont déclaré moins d’activités axées sur la numératie, la littératie et les TIC à la maison pendant leur période NEET. Troisièmement, une plus grande fréquence dans les activités axées sur la compréhension de l’écrit et les TIC à la maison a réduit la probabilité de se retrouver dans la catégorie NEET deux ans plus tard, en 2014.

Nous ne pouvons passer sous silence les raisons qui peuvent expliquer le petit écart dans les scores aux évaluations en RP-ET et l’écart plus important dans les scores aux évaluations en numératie qui existent entre les jeunes NEET et les autres jeunes. Malgré l’inégalité d’accès à la technologie au Canada (Haight, Quan-Haase et Corbett, 2014), les répondantes et répondants au PEICA âgés de 16 à 24 ans — donc nés entre 1988 et 1996 — sont probablement exposés à la technologie depuis leur tendre enfance (Gilmore, 2010). En effet, les jeunes avaient de meilleurs scores, en moyenne, que ceux des cohortes plus âgées. En revanche, l’écart entre les scores aux évaluations en numératie des jeunes NEET et des autres jeunes était plus prononcé, résultat correspondant à ceux de travaux de recherche antérieurs portant sur les inégalités dans les domaines d’évaluation cognitive du PEICA. En outre, cet écart dans les scores aux évaluations en numératie tend à être plus prononcé entre les locutrices et locuteurs natifs et les non natifs (OCDE, 2013a), même lorsque le niveau de scolarité est pris en compte (Ford, 2018).

Les scores des indices mesurant les compétences en RP-ET et la disposition à apprendre affichent les plus petits écarts entre les jeunes NEET et les autres jeunes. Même si, dans le cadre du PEICA, les jeunes NEET ont obtenu des scores moyens inférieurs aux évaluations cognitives, ce groupe a déclaré un intérêt légèrement moindre, seulement, pour l’apprentissage. Évalués par la variable de la disposition à apprendre, les jeunes NEET ont affirmé une volonté d’apprendre de nouvelles choses, de découvrir comment les idées s’organisent entre elles et de faire le lien entre de nouvelles informations et leur vie à un taux similaire à celui des autres jeunes. Même s’il est important de tenir compte de la disposition à apprendre, nous soulignons que ce point n’est pas associé à la probabilité de se retrouver dans la catégorie NEET deux ans plus tard, soit en 2014. Les ramifications théoriques et empiriques appuient la théorie de la motivation par la pratique (Reder, 1994, 2016) et indiquent que l’orientation envers l’apprentissage est un attribut distinct qui fonctionne différemment des activités axées sur les compétences à la maison.

Pour mieux comprendre la relation entre les jeunes NEET et les déterminants des compétences, nous proposons plusieurs pistes pour les travaux de recherche à venir. Avant tout, il est primordial d’effectuer des travaux de recherche qui permettront d’en savoir plus sur les explications au niveau individuel et structurel des écarts de compétences.

Comme l’écrit Thompson (2011), [Traduction]

« … les expériences des jeunes NEET ne peuvent être comptabilisées uniquement selon les dispositions et les choix de chacun. Il faut tenir compte d’importants facteurs subjectifs, mais ceux-ci font partie intégrante des conditions objectives dont ils découlent, entre autres structures locales de possibilités et interactions plus générales entre les marchés du travail et la répartition sociale du rendement scolaire ».

(p. 798)

Dans notre étude, nous avons commencé cette analyse en démontrant que le niveau de compétences est lié à des facteurs contextuels d’ordre social, comme le niveau de scolarité des parents et le nombre de livres à la maison à l’âge de 16 ans. Les recherches devront se pencher sur la façon dont les expériences scolaires et professionnelles sont associées à la probabilité de se retrouver dans la catégorie NEET et aux écarts de compétences entre les jeunes.

À mesure que de nouvelles vagues de l’étude ELIA seront accessibles, dans le cadre d’approches longitudinales, nous pourrons nous pencher sur les variables individuelles (niveaux scolaires) et structurelles (type d’école) et aborder les limites de notre étude. Comme nous l’avons indiqué, il est important d’envisager l’étude de l’éducation et des

compétences chez les jeunes NEET comme susceptible de causalité simultanée, surtout du fait que les données colligées en un seul point temporel ne peuvent être utilisées pour déterminer un ordre temporel (Cox, 1992). Nous ne savons toujours pas si des scores inférieurs chez les jeunes NEET sont dus au fait de n’être ni aux études ni en emploi, deux situations possibles d’éducation et de formation, ou si le niveau de compétences du jeune NEET est un obstacle aux études et à l’emploi.

Pour conclure, nous aimerions souligner que toutes les personnes et tous les groupes devraient pouvoir bénéficier de possibilités gratifiantes d’acquérir des compétences. Le niveau de compétences est associé à un vaste éventail de résultats sociaux. Ainsi, les adultes ayant un faible niveau de compétences en littératie sont plus susceptibles de connaître des taux élevés de chômage et de vivre avec un revenu plus bas (OCDE, 2013a). Ces personnes sont aussi plus susceptibles de déclarer une moindre participation citoyenne, une moindre participation à des activités bénévoles et d’avoir une moins bonne santé générale (OCDE, 2013a). Certes, il est important de s’intéresser à la question de l’écart de compétences et à la façon dont il survient pour réduire les inégalités sociales, mais il est tout aussi essentiel d’offrir un soutien social pour améliorer cette situation et les autres résultats pour toutes les personnes, quel que soit leur niveau de compétences.