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8.3.1 Cinétique typique

Le résultat d’une expérience typique d’éjection est représenté figure 8.1. L’éjection com- mence dès l’ajout du récepteur du bactériophage. A partir de ce moment, environ 30 minutes à 37 degrés sont nécessaires afin d’obtenir un plateau de fluorescence, signifiant que tous les phages “actifs” ont éjecté leur ADN. Les cinétiques sont normalisées par rapport à la quantité totale d’ADN éjecté 2 heures après le début de l’expérience, ce qui exclut de l’analyse les phages “inactifs” qui seront ignorés dans l’analyse qui suit.3

1. Les solutions concentrées de phages (1013particules par ml) sont d’ailleurs troubles, d’un blanc laiteux.

2. Voir le manuel de Molecular Probes sur invitrogen.com.

3. Pour l’expérience contrôle présentée figure8.2, la normalisation est effectuée a posteriori : à la fin des 2 heures d’acquisition, FhuA est ajouté pour faire éjecter les phages. La courbe est alors normalisée par rapport

8.3 Résultats 67 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 DNA(t) 40 30 20 10 0 temps (min)

Figure 8.1 – Cinétique d’éjection de l’ADN d’une population de phages T5 suivie par fluorimétrie après ajout de la molécule réceptrice FhuA à t=0. La concentration en FhuA est de 10nM et la température de 37˚C. La quantité d’ADN éjecté est normalisée vis à vis de la fluorescence totale mesurée 2 heures après le début de l’éjection (i.e. lorsque le signal de fluorescence atteint un plateau).

8.3.2 Dépendance de la cinétique en fonction de la concentration en récep- teur

En faisant varier la concentration de FhuA entre chaque expérience, nous pouvons modifier et étudier la cinétique de fixation du phage sur son récepteur en solution. Le processus d’éjection est constitué de trois étapes successives (fixation, activation, éjection). En utilisant une gamme de concentrations en FhuA suffisamment large, la cinétique globale sera, tour à tour, dominée par l’étape de fixation puis par une des deux autres étapes. Ainsi l’étude de la cinétique en fonction de [FhuA] nous permet d’extraire des informations sur la fixation de FhuA par T5.

Les cinétiques d’éjection ont été réalisées pour une gamme de concentrations en FhuA s’échelonnant de 300pM à 2µM. Les résultats sont résumés sur la figure8.2. Cette gamme de concentrations permet de distinguer les deux régimes attendus, le seuil entre ces deux régimes se situant autour de [FhuA]=10nM.

– A faible concentration en FhuA, c’est-à-dire pour [FhuA]«10nM, la vitesse de réaction diminue lorsque [FhuA] diminue. C’est l’étape de fixation du phage sur son récepteur qui est cinétiquement déterminante.

– A forte concentration en FhuA, la cinétique tend vers une limite qui ne dépend pas de la concentration en récepteur, puisque l’on observe les mêmes courbes que ce soit pour [FhuA]=10nM, 80nM ou 2µM. Le temps de fixation de FhuA sur le phage est négligeable devant une autre étape du processus d’éjection, qui est soit l’étape d’ouverture du canal soit l’étape de translocation de l’ADN. Nous ne pouvons pas déduire laquelle de ces

68 Cinétique globale de l’éjection de l’ADN d’une population de phages. 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

fraction d'ADN éjecté

60 50 40 30 20 10 0 temps(min) [FhuA] 2000nM 80nM 10nM 1nM 0.6nM 0.3nM control 0.20 0.15 0.10 0.05 0.00

fraction d'ADN éjecté

8 6 4 2 0 temps(min) [FhuA] 2000nM 80nM 10nM 1nM 0.6nM 0.3nM control

Figure 8.2 – Cinétique du processus d’éjection de l’ADN d’une population de phages T5 St(0) pour différentes valeurs de [FhuA]. La cinétique est suivie par fluorimétrie à 37˚C avec le mar- queur d’ADN fluorescent SYBR Green I (1x). A t=0, l’éjection débute suite à l’ajout de FhuA dans la solution, sauf pour le témoin négatif, la courbe bleue, où FhuA est absent. La proportion d’ADN éjecté est calculée en faisant le rapport de la fluorescence mesurée sur la fluorescence finale, après soustraction d’une ligne de base correspondant à la fluo- rescence de FhuA et de quelques ADNs libres présents dans la préparation de phages avant l’ajout de FhuA. Six concentrations croissantes de FhuA sont utilisées : 0.3nM, 0.6nM, 1nM, 10nM, 80nM et 2µM. A faible concentration, la cinétique est lente, dominée par l’étape de fixation du phage sur son récepteur tandis qu’à forte concentration la cinétique tend vers une courbe limite : les cinétiques à [FhuA]=10nM et [FhuA]=2000nM peuvent difficilement être distinguées malgré une augmentation de concentration en FhuA d’un facteur 200.

8.4 Schéma réactionnel du processus d’éjection 69

8.4 Schéma réactionnel du processus d’éjection

Afin de valider notre modèle en trois étapes, nous avons essayé d’ajuster les cinétiques sur un schéma réactionnel reproduisant les trois étapes de l’éjection.

φ + FhuA fixation z}|{ kb −→ φFhuA activation z}|{ kop −−→ φFhuAéjection z}|{ ke −→ φFhuAe+ DNA

Précisons les notations de ce schéma réactionnel :

– DNA(t) est la quantité totale d’ADN éjecté, il s’agit de la quantité mesurée dans les expériences de fluorimétrie

– φFhuA représente le complexe phage-récepteur

– φFhuAreprésente le même complexe “activé”, c’est-à-dire ayant sa protéine portale

ouverte pour laisser passer l’ADN

– φFhuAe est le fantôme du phage, c’est-à-dire sa structure protéique sans ADN – kb est la constante cinétique de fixation de FhuA

– kop est la constante réactionnelle d’activation du complexe phage-FhuA – ke est une constante cinétique traduisant l’étape de translocation de l’ADN

kb, kop et ke sont les constantes réactionnelles respectives des trois étapes de l’éjection. On suppose dans ce modèle que toutes les étapes sont irréversibles et que le phage ne se fixe que sur une molécule de FhuA4.

8.4.1 Simplifications et solution analytique du schéma réactionnel

L’expression analytique de DNA(t) correspond à une réaction en trois étapes. Il y a trois paramètres d’ajustement : kb, kop et ke, qui sont les constantes cinétiques de chacune de ces étapes. On note que la concentration de FhuA est connue dans les expériences. C’est un paramètre de contrôle. Afin de réduire le nombre de paramètres pour ajuster de manière pertinente nos expériences, nous avons effectué deux simplifications :

– La molécule de FhuA est toujours présente en large excès, puisque qu’au minimum, il y a 300 fois plus de molécules de FhuA que de phages5. On peut donc négliger la quantité de FhuA consommée lors de la réaction devant sa concentration initiale : [FhuA](t) ≈ [FhuA](0) = [FhuA] pour tout t. Pour une expérience réalisée à [FhuA] donné, la probabilité de rencontre entre le phage et FhuA reste constante et cette première étape peut être vue comme une étape monomoléculaire de constante cinétique

kb[FhuA]6 :

φ−−−−−→ φFhuAkb[FhuA] −−→ φFhuAkop ∗ ke

−→ φFhuAe+ DNA

– Il est impossible d’avoir une information sur la cinétique de formation de l’intermédiaire réactionnel φFhuAen ne mesurant que DNA(t). Par souci de simplicité, et en utilisant

4. A ce jour, c’est l’hypothèse la plus probable : T5 fixe FhuA par l’intermédiaire de sa protéine de queue pb5, (1 pb5 par phage) et pb5 se fixe dans un rapport 1 :1 à FhuA in vitro (Plancon et coll. [101].)

5. C’est le cas lorsque [φ]=1pM et [FhuA]=300pM.

70 Cinétique globale de l’éjection de l’ADN d’une population de phages.

un résultat qui sera justifié a posteriori, nous allons supposer que l’une de ces deux étapes est très rapide. Nous regroupons alors les deux dernières étapes en une seule étape de constante kout. Suivant que l’étape limitante soit l’étape d’activation ou de translocation nous aurons respectivement kout= kop ou kout = ke.

φ−−−−−→ φFhuAkb[FhuA] kout

−−→ φFhuAe+ DNA En utilisant de plus le fait que nous avons normalisé nos courbes, ( lim

t→∞DNA(t) = 1 ), nous trouvons l’expression suivante pour DNA(t) :

DNA(t) = 1 − kout kout− kb[FhuA]

e−kb[FhuA]t kb[FhuA]

kb[FhuA] − kout

e−koutt (8.1)

Cette expression a deux paramètres d’ajustement : kbet kout. Le premier traduit la facilité qu’a le phage à fixer FhuA et le deuxième nous donne un temps typique d’éjection de l’ADN une fois FhuA fixé.

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