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Nous avons réalisé un ajustement global des 5 courbes de la figure 8.2 selon l’expression

8.1. Il n’y a que 2 paramètres pour l’ensemble des courbes réalisées. La comparaison entre les données et l’ajustement est présentée figure 8.3. Le schéma réactionnel proposé permet de comprendre qualitativement l’essentiel des informations accessibles sur ces expériences. Il reproduit correctement la dépendance en [FhuA] du processus d’éjection : le régime à basse concentration où l’étape de fixation est cinétiquement déterminante et le régime à forte con- centration en FhuA où l’étape de fixation, quasi immédiate, est imperceptible devant les étapes suivantes du mécanisme. Du point de vue du schéma réactionnel, la frontière entre ces deux régimes se situe lorsque le temps caractéristique de fixation du récepteur 1/kb[FhuA], devient négligeable devient le temps caractéristique d’éjection à récepteur fixé 1/kout.

L’ajustement n’est pas parfait. En ce qui concerne les cinétiques à concentration saturante en FhuA, on peut voir un décalage net entre l’ajustement et la courbe mesurée pour les vingt derniers pourcents de l’éjection. Ce désaccord fait l’objet d’une discussion plus approfondie section8.7.

Les paramètres donnant le meilleur ajustement sont :

kb(37˚C ) = 3.106M−1.s−1

kout(37˚C ) = 4.5.10−3.s−1

La valeur de kout nous donne un ordre de grandeur du temps d’éjection de l’ADN sitôt FhuA fixé. Il faut environ k−1

out = 4 minutes à 37˚C pour que l’ADN soit éjecté après fixation du récepteur. Nous discuterons cette valeur dans la partie 8.6.3, après avoir précisé à quelle étape du mécanisme correspond cette constante.

8.5 Ajustement des données expérimentales 71 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

fraction d'ADN éjecté

60 50 40 30 20 10 0 temps(min) [FhuA] 2000nM 80nM 10nM 1nM 0.6nM 0.3nM control

Figure 8.3 – Courbes expérimentales similaires à la figure8.2. Voir la légende précédente pour le détail des courbes expérimentales. Les courbes en pointillés noirs sont le résultat de l’ajustement global de ces données selon l’expression8.1déduite partie8.4.

0.5 et 5.106M−1.s−1.7 Notons qu’une telle valeur est cohérente avec les résultats montrant la

formation d’un complexe très stable (dénaturation à 85˚C) entre FhuA et la protéine de queue pb5 de T5 in vitro[100,101].

Il existe une limite ultime d’environ 7.109M−1.s−1 pour la constante d’association entre

deux protéines de taille standard (≈ 2nm) (constante d’association de Smoluchowski [119], purement limitée par la diffusion). Cette valeur correspondrait à une situation où toutes les collisions entre pb5 et FhuA seraient réactives. Si l’on suppose que les collisions réactives sont celles où les surfaces de contact entre les 2 protéines sont bien orientées, une approche simple fixerait cette limite à 7.102M−1.s−1, plus de 1000 fois inférieure aux valeurs expérimentales !

Pour expliquer ce paradoxe, le travail théorique de Northrup et coll.[95] propose que lorsque deux protéines se rencontrent, elles restent longtemps à proximité l’une de l’autre, car elles sont piégées par l’eau qui les entoure. Les protéines disposent alors de beaucoup de temps pour “trouver” leurs surfaces complémentaires ; beaucoup plus en tout cas, que lors d’un simple choc entre deux molécules de gaz.

Les expériences de suivi par fluorimétrie d’éjection de l’ADN d’une population de phages T5 en fonction de [FhuA] ont éclairé deux points :

– la constante d’association de FhuA sur T5 en solution est de 3.106M−1.s−1, une valeur

élevée typique d’une association spécifique protéine-protéine

– Il existe une cinétique d’éjection limite à saturation en FhuA ([FhuA]>10nM) dont le temps caractéristique est de k−1

out= 4 minutes à 37˚C.

7. Certaines associations protéiques sont plus rapides, comme la dimérisation de l’insuline k ≈ 108M−1.s−1,

72 Cinétique globale de l’éjection de l’ADN d’une population de phages.

8.6 L’étape d’activation est l’étape limitante de la cinétique

On s’intéresse maintenant à la courbe obtenue à saturation de FhuA, afin de comprendre le rôle respectif des étapes d’activation et d’éjection d’ADN dans cette cinétique. Nous avons mis au point plusieurs expériences pour suivre l’éjection d’ADN à l’échelle du virus unique. Nous montrerons que l’une des étapes est limitante dans la cinétique d’éjection, entre l’étape d’activation de constante kop et l’étape d’éjection de constante ke.

A l’échelle du virus unique nous pouvons aisément discriminer les deux hypothèses extrêmes suivantes :

– Soit l’étape d’éjection de l’ADN est limitante, c’est-à-dire que kout = ke. Suivant cette hypothèse, le canal à ADN s’ouvre immédiatement suite à la fixation de FhuA sur le phage et l’ADN est éjecté à une vitesse lente puisqu’environ 4 minutes sont nécessaires pour éjecter les 120kbp du génome. La vitesse d’éjection serait en moyenne de 150 paires de bases par seconde.

– Soit l’étape d’activation, d’ouverture du canal à ADN, est limitante. Suivant cette hy- pothèse, il existe un délai d’activation de l’ordre de quelques minutes, entre la fixation de FhuA et l’initiation de l’éjection du génome. L’éjection est alors rapide, de l’ordre de quelques secondes. C’est le cas où kout = kop.

Précisons ce que nous appelons étape d’activation. On la définit comme étant l’étape située entre la fixation de FhuA sur le phage8 et l’apparition des premiers signaux de fluorescence dus à l’ADN éjecté. Les signaux fluorescents d’ADN sont suffisamment forts pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ce point.

8.6.1 Dispositif expérimental

Dans le dispositif expérimental détaillé section 15.1, nous adsorbons des phages liés à FhuA9 sur une surface de chambre de microscopie et nous suivons les ADNs éjectés par les phages, en microscopie de fluorescence.

8.6.2 Résultats

Les résultats de cette expérience sont conformes à la deuxième hypothèse (voir figure

8.4) : en virus unique, nous observons un délai variable pour chaque phage entre le début de l’expérience, c’est-à-dire la fixation de FhuA, et le commencement de l’éjection de l’ADN. Comparativement, plusieurs minutes peuvent s’écouler avant qu’un phage initie l’éjection de son ADN, tandis que sitôt l’éjection initiée, quelques secondes suffisent pour que tout l’ADN soit éjecté. L’étape cinétiquement limitante du processus d’éjection est donc l’étape d’activa- tion, d’ouverture du canal à ADN. Ainsi, le paramètre kout = 4.5.10−3s−1, mesuré dans les paragraphes précédents, est en fait la constante d’activation kop. L’étape d’éjection de l’ADN, 8. Dans ces expériences, la fixation de FhuA sur les phages est effectuée avant le début de l’expérience, en incubant les phages et leur récepteur à 4˚C. Cette méthode est justifiée après l’encadré.

8.6 L’étape d’activation est l’étape limitante de la cinétique 73

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