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Le test de Chow permet de détecter la présence de bris structurel sur une série de données. Ce test a été réalisé sur les données américaines et canadiennes pour la période allant de 1995T1 à 2019T2. Les résultats montrent qu’il y a eu un bris dans la relation entre la courbe de rendement et le taux de croissance futur du PIB.

Sur données canadiennes, la statistique de test de Chow calculée est supérieure au F théorique (la statistique F empirique a une valeur de 28,08 et la statistique F théorique, une valeur de 1,63). On ne peut donc rejeter la présence de bris structurel. On obtient des résultats semblables avec les données américaines (la statistique de test F est de 27,99 alors que la valeur critique est de 1,63). Ces résultats confirment effectivement la présence d’un bris dans la relation entre la courbe de rendement et la croissance économique future, autant au Canada qu’aux États-Unis pour la période allant de 1995T1 à 2019T2.

Chapitre 5

Interprétation des résultats

En comparant les résultats avant la crise financière avec ceux de la période après la crise financière, autant pour le Canada que pour les États-Unis, il est possible de remarquer que la capacité de la courbe de rendement à prévoir le taux de croissance futur s’est beaucoup amoindrie.

Sur la période avant la crise financière, l’écart de rendement permet de prévoir le taux de croissance économique jusqu’à un horizon de 20 trimestres, pour le Canada comme pour les États-Unis. Après la crise financière, on remarque que le coefficient de l’écart de rendement n’est pas significatif pour les huit premiers trimestres. Le coefficient devient significatif seulement à partir de l’horizon k = 12 trimestres. Ce résultat montre que sur la période après la crise financière, les variations de l’écart de rendement contiennent davantage d’informations sur le taux de croissance du PIB de long terme que sur un horizon de court terme.

Plusieurs auteurs ont montré que la courbe de rendement est un bon indicateur de l’activité économique future mais aussi que sa capacité de prévision peut varier au fil du temps. Giacomini and Rossi (2006) ont montré par exemple qu’un changement de régime en ce qui concerne la politique monétaire peut affecter la capacité de la courbe de rendement à prévoir la croissance économique future. En utilisant des données américaines, ils ont montré que la courbe de rendement est un meilleur indicateur du taux de croissance du PIB pendant le régime de la politique monétaire d’Alan Greenspan que pendant celui de Burns-Miller et Volker. Estrella and Mishkin (1997) ont montré que la politique monétaire est un déterminant majeur de la relation entre la courbe de rendement et le taux de croissance futur du PIB, même s’il en est pas le seul déterminant. Dans un régime de politique monétaire où l’inflation est persistante

par exemple, la banque centrale est plus crédible et les anticipations concernant les taux de court terme futurs sont plus précises. Dans ce cas, la courbe de rendement est un meilleur indicateur du taux de croissance futur. Ceci peut expliquer la raison pour laquelle la qualité de la prévision du taux de croissance en utilisant l’écart de rendement était meilleure pendant le régime de la politique monétaire d’Alan Greenspan.

Nous pensons donc que l’une des raisons qui explique l’instabilité de la relation entre nos deux variables est le changement de politique monétaire au cours de la crise financière de 2008.

La courbe de rendement reflète les anticipations des investisseurs concernant l’inflation et la production future. Pour anticiper l’inflation et la production future, les inves- tisseurs prennent en compte non seulement la politique monétaire actuelle mais aussi leurs anticipations concernant la politique monétaire future. En absence d’une orienta- tion claire concernant la politique monétaire, les anticipations des investisseurs peuvent se révéler fausses. Pendant la crise financière de 2008, plusieurs banques centrales, dont celles du Canada et des États-Unis, ont adopté des politiques monétaires non conven- tionnelles. Face à ces mesures, les anticipations des agents concernant l’évolution des taux d’intérêt ont pu être biaisées. Dans ce cas l’information reflétée par la courbe de rendement ne permet pas de faire des prévisions adéquates sur le taux de croissance futur du PIB. Ce fait pourrait expliquer la raison pour laquelle la courbe de rendement a été un moins bon indicateur du taux de croissance du PIB pendant la période après la crise financière.

De plus, le test de Chow effectué pour le Canada et les États-Unis a révélé la présence de bris structurel dans la relation entre l’écart de rendement et le taux de croissance du PIB. Nous pensons donc que la baisse de la qualité de la prévision de la courbe de rendement est principalement attribuable au changement de politique monétaire lors de la crise financière.

Les tableaux de variation à travers les deux sous-échantillons montrent que l’impact des variations de la courbe de rendement sur le taux de croissance du PIB américain est plus élevé avant la crise financière qu’après la crise. Ce fait pourrait s’expliquer par le changement de politique monétaire en présence de taux directeur plancher. Lorsque les taux directeurs sont à leur borne inférieure, les banques centrales peuvent avoir recours à d’autres moyens pour influencer l’économie. On parle par exemple des politiques d’assouplissements quantitatifs qui consistent en des rachats importants d’actifs en vue d’accroître la liquidité sur le marché. L’impact de ces politiques sur le taux de croissance

du PIB pourrait être différents de l’impact d’un choc direct sur le taux directeur. Au Canada par contre, les résultats montrent que les variations de la courbe de rendement ont le même effet sur le taux de croissance du PIB, d’une période à une autre.

5.1

La courbe de rendement est-elle encore un

indicateur fiable du taux de croissance du PIB ?

Les différents test de régression effectués nous montrent clairement que la crise financière de 2008 a eu un impact majeur sur la capacité de prévoir la conjoncture économique en utilisant la courbe de rendement. Pouvons nous conclure que l’écart de rendement ne devrait plus faire partie des indicateurs utilisés dans les prévisions économiques ? Les travaux de recherche antérieurs ont montré clairement que l’écart de rendement entre les obligations de long terme et de court terme est un bon indicateur du taux de croissance du PIB. La capacité de la courbe de rendement à prévoir le taux de croissance futur du PIB dépasse de loin celle de plusieurs autres indicateurs dont le taux d’intérêt de court terme.

Cependant d’autres recherches ont également mis en évidence le caractère instable de cet indicateur de prévision. La qualité de prévision d’un indicateur peut varier dans le temps. De plus, un indicateur peut prévoir adéquatement dans un pays et être moins performant pour prévoir dans un autre pays. Aussi en ce qui concerne l’écart de ren- dement, la politique monétaire est un facteur déterminant de sa qualité de prévision, et le régime de politique monétaire pouvant varier, la qualité de prévision s’en trouve aussi affecté.

Nous pensons donc que l’écart de rendement demeure un indicateur utile pour prévoir la croissance économique mais un indicateur à utiliser avec minutie. Idéalement les indicateurs économiques devraient toujours être combinés à d’autres indicateurs dans le but d’améliorer la qualité de prévision.

Conclusion

Ce mémoire évalue la relation entre la courbe de rendement et le taux de croissance du PIB et l’impact de la crise financière de 2008 sur cette relation. Les données couvrent la période allant du premier trimestre 1995 (1995T1) au deuxième trimestre de 2019 (2019T2). Nous effectuons une régression linéaire de l’écart de rendement sur le taux de croissance futur du PIB et procédons à une analyse par les moindres carrés. Pour évaluer l’impact de la crise financière sur la relation entre la courbe de rendement et le taux de croissance futur du PIB, nous subdivisons notre échantillon en deux sous échantillons couvrant respectivement la période 1995T1 à 2007T4 et la période 2008T1 à 2019T2, soit les périodes avant et après crise financière.

Les résultats ont montré que la courbe de rendement était un meilleur indicateur de prévision du taux de croissance du PIB avant la crise financière de 2008. Le test de Chow a également détecté la présence d’un bris structurel dans la relation entre nos deux variables. De plus, une variation de l’écart de rendement a un plus grand impact sur le taux de croissance du PIB avant la crise qu’après la crise pour les États-Unis, tandis que l’impact est le même d’une période à l’autre pour le Canada.

La politique monétaire étant un déterminant majeur de la qualité de la prévision du taux de croissance en utilisant la courbe de rendement, nous pensons que la détérioration de la qualité de prévision est attribuable au changement de politique monétaire pendant la crise financière de 2008.

Afin d’approfondir la recherche sur le sujet, il serait intéressant d’utiliser des données couvrant une plus longue période. De plus, dans le cadre de cette étude, on s’intéresse surtout à la pente de la courbe de rendement. Des analyses plus poussées pourraient s’étendre au rôle joué par le niveau et la courbure de la courbe de rendement. Pour finir, bien que la politique monétaire joue un rôle majeur dans la qualité de la relation entre la courbe de rendement et le taux de croissance futur, d’autres éléments tels que la prime de liquidité peuvent entrer en ligne de compte. La prime de liquidité peut avoir une

influence directe sur les taux d’intérêt et par conséquent sur les variations de la courbe de rendement. Il peut donc être intéressant, dans les recherches futures, d’analyser l’impact de cette prime sur la qualité de la relation entre la courbe de rendement et le taux de croissance du PIB.

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