CHAPITRE 5. Les relations entre mémoire, métamémoire et fonctionnement cognitif dans
5.1. Etude 1 : La relation monitoring-affects-control dans la schizophrénie (Thuaire,
5.1.3. Résultats
Des analyses de variances (ANOVAs) ont été effectuées sur les pourcentages d’items
correctement rappelés comme variable dépendante en tant qu’indicateur de la performance en
mémoire aux deux phases de rappel. Nous avons procédé de même sur les JOLs moyens, sur
le temps moyen alloué aux items et sur la précision des JOLs mesurée avec le coefficient
gamma (Nelson 1984). Ces analyses étaient menées avec la variable groupe en facteur inter-
sujet et l’association des mots en facteur intra-sujet. Les résultats sont présentés dans le
Tableau 2. Moyennes (M) et écart-types (ET) pour les 2 rappels, les JOLs, les corrélations gamma et
l’allocation de temps pour l’étude 1.
Patients M (ET) Témoins M (ET) p (Groupe) p (Association) p(Groupe* Association) Mots associés 51.74 (24.06) 86.30 (10.25) Rappel (%)
Mots non associés 5.43 (7.06) 21.74 (21.83) <.001 <.001 <.01 Mots associés 78.70 (19.02) 97.39 (4.23)
Rappel 2
(%) Mots non associés 21.09 (21.58) 50.22 (26.43) <.001 <.001 n.s. Mots associés 52.83 (24.27) 81.63 (13.33)
JOL (%)
Mots non associés 22.83 (20.53) 30.65 (20.96) <.001 <.001 <.001 Gamma Tous les mots 0.83 (.38) 0.96 (.04) n.s.
Mots associés 4.91 (4.88) 2.39 (.91) Allocation
(secondes) Mots non associés 6.97 (4.87) 5.73 (2.86) <.10 <.001 <.10
Note : la colonne « p(Groupe) » correspond à la significativité de l’effet principal du groupe, la colonne « p(Association) » correspond à la significativité de l’effet principal de l’association sémantique et la colonne « p(Groupe*Association) » correspond à la significativité de l’effet d’interaction entre les deux variables. n.s. = non significatif.
Mémoire
En ce qui concerne le premier rappel, l’ANOVA a montré un effet principal de
l’association sémantique (F(1, 44) = 314.82, MSE = 70679.35, p < .001) montrant que les
mots associés (M = 69.02%, ET = 25.29) étaient mieux rappelés que les mots non associés (M
= 13.59%, ET = 18.03). De plus, un effet principal du groupe a été montré (F(1, 44) = 39.11,
MSE = 14879.35, p < .001) indiquant que les témoins (M = 54.02%, ET = 14.57) rappelaient
davantage de mots que les patients (M = 28.59%, ET = 12.96). Enfin, un effet d’interaction
significatif a été observé entre groupe et association (F(1, 44) = 8.54, MSE = 1917.39, p <
.01) montrant que la différence de rappel entre patients et témoins était plus importante pour
les mots associés que pour les mots non associés.
Concernant le deuxième rappel, l’ANOVA a également montré un effet principal de
l’association (F(1, 44) = 269.89, MSE = 63131.52, p < .001) indiquant que les paires de mots
associés (M = 88.04%, ET = 16.58) étaient mieux rappelées que les paires non associés (M =
35.65%, ET = 28.04). De même, l’effet principal du groupe était significatif (F(1, 44) =
rappelaient toujours plus d’items que les patients (M = 49.89%, ET = 18.13) lors du second
rappel. En revanche, l’effet d’interaction n’était pas significatif (F(1, 44) = 2.68, n.s.).
Une ANOVA (Groupe X Association sémantique X Occurrence du rappel) a été
conduite sur le pourcentage de rappel correct. Cette analyse a révélé un effet principal du
groupe (F(1, 44) = 35.87, MSE = 28004.89, p < .001) indiquant que la proportion de rappel
correct était inférieure pour les patients (M = 39.24%, ET = 14.40) par rapport aux témoins
(M = 63.91%, ET = 13.53). De plus, un effet principal de l’occurrence du rappel a été observé
(F(1, 44) = 140.67, MSE = 19413.59, p < .001) indiquant que la proportion de rappel correct
était plus faible pour le premier rappel (M = 41.30%, ET = 18.74) que pour le second (M =
61.85%, ET = 20.23). Un effet principal de l’association a également été montré (F(1, 44) =
377.55, MSE = 133704.35, p < .001) indiquant que la proportion de rappel correct était
moindre pour les paires de mots non associés (M = 24.62%, ET = 21.84) que pour les paires
associés (M = 78.53%, ET = 19.77). Enfin, un effet d’interaction entre le groupe, l’association
sémantique et l’occurrence du rappel a été observé (F(1, 44) = 22.70, MSE = 2367.39, p <
.001). Celui-ci montre que, chez les patients, la proportion de rappel correct augmentait entre
le premier et le deuxième rappel pour les paires de mots associés (F(1, 22) = 52.62, MSE
= 8356.52, p < .001). En revanche, chez les témoins, cette proportion augmentait sur les
paires de mots non associés entre le premier et le second rappel (F(1, 22) = 70.49, MSE
Comme pour la performance de rappel, une ANCOVA a été conduite en entrant le QI
comme covariable. L’effet principal de l’association était alors marginal (F(1, 42) = 2.96,
MSE = 653.40, p < .10). En revanche, l’effet principal du groupe (F(1.42) = 10.48, MSE =
6296.68, p < .01) et l’effet d’interaction (F(1.42) = 6.64, MSE = 1463.80, p < .05) étaient
significatifs indiquant que les différences de JOLs entre patients et témoins ne sont pas liées
aux différences de QI.
Précision des JOLs
Comme évoqué pp. 43-44 et pour rappel, le coefficient gamma de Goodmann-Kruskal
(également appelé corrélation gamma, Goodman & Kruskal, 1954; Nelson, 1984) est utilisé
pour mettre en évidence la capacité des participants à discriminer lors des jugements les items
qu’ils pourront rappeler de ceux qu’ils ne rappelleront pas. Les valeurs du coefficient gamma
vont de 1.0 lorsqu’il y a une correspondance parfaite entre JOLs et performance de rappel
(e.g., JOLs élevés pour les mots rappelés et faibles pour les mots non rappelés) à –1.0 lorsque
les jugements sont inversés par rapport à la performance réelle. Une valeur proche de 0
indique qu’il n’y a pas de lien entre jugement et performance. L’ANOVA menée sur ces
mesures pas montré de différence significative entre patients et témoins (F(1, 44) = 2.54,
n.s.).
Allocation de temps d’étude
L’ANOVA conduite sur la moyenne de temps alloué à l’apprentissage des paires de
mots par les participants a montré un effet principal de l’association sémantique (F(1, 44) =
64.66, MSE = 167.72 p < .001), montrant que les participants passaient moins de temps à
apprendre les paires de mots associés (M = 3.65s, ET = 3.70) que les paires de mots non
44) = 3.16, MSE = 81.39, p < .10) indiquant que le temps moyen alloué par les patients (M =
5.94s, ET = 4.75) tendait à être plus élevé que celui des témoins (M = 4.06s, ET = 1.77). De
même, l’effet d’interaction entre groupe et association sémantique n’était que tendanciel,
(F(1, 44) = 3.69, MSE = 9.58, p < .10).
Afin de déterminer si les participants allouaient davantage de temps d’étude lors du
second apprentissage aux items qu’ils n’avaient pas rappelés correctement lors de la première
phase de rappel, nous avons séparé les temps d’apprentissages des items en fonction de
l’exactitude de la réponse au premier rappel. Nous avons ainsi obtenu une moyenne de temps
de réapprentissage pour les items correctement rappelés et une moyenne pour les items non
rappelés. Ensuite, nous avons effectué une ANOVA (groupe X exactitude de la réponse au 1er
rappel) sur l’allocation de temps d’étude au second apprentissage. Cette analyse a révélé un
effet principal de l’exactitude (F(1, 44) = 74.76, MSE = 282.39, p < .001) indiquant que les
mots qui n’avaient pas été rappelés ont été réappris plus longuement (M = 6.66s, ET = 4.35)
que les mots correctement rappelés (M = 3.16s, ET = 3.23). Il n’y avait pas d’effet principal
du groupe (F(1, 44) < 1, n.s.) mais l’effet d’interaction s’est révélé significatif (F(1, 44) =
5.49, MSE = 20.75, p < .05). Ainsi, les patients allouaient plus de temps d’étude (M = 4.13s,
ET = 4.30) que les témoins (M = 2.18s, ET = 0.91) au réapprentissage des paires de mots
précédemment rappelées, (F(1, 44) = 4.54, MSE = 44.03, p < .05). Cependant, il n’y avait pas
de différence de temps de réapprentissage entre patients et témoins pour les mots qui
n’avaient pas été correctement rappelés, (F(1, 44) < 1, n.s.). Ainsi, les patients semblaient
apprendre les items plus longuement que les témoins car ils passaient davantage de temps sur
des items qu’ils savaient déjà.
Afin de déterminer si les participants adaptaient le réapprentissage en fonction de leurs
JOLs, nous avons utilisé une procédure adaptée de Koriat et al. (2006) qui révèle les relations
fonction de la médiane et les moyennes de temps d’étude pour les JOLs sous la médiane
(JOLs faibles) et au-dessus de la médiane (JOLs élevés) ont été calculées. Une ANOVA JOL
(faible vs élevé) X Groupe n’a pas révélé d’effet principal du groupe (F(1, 44) = 2.00, n.s.).
En revanche, un effet principal des JOLs a été montré (F(1, 44) = 81.81, MSE = 184.59, p <
.001) indiquant que les mots ayant reçu un JOL faible sont réappris plus longuement (M =
6.39s, ET = 4.02) que les mots ayant reçu un JOL fort (M = 3.55s, ET = 3.43). Un effet
d’interaction entre JOL et groupe a été observé (F(1, 44) = 8.43, MSE = 19.02, p < .01)
indiquant qu’il n’y a une différence entre patients (M = 4.74s, ET=4.46) et témoins (M =
2.36s, ET = 1.07) que sur les temps pour les JOLs élevés (F(1, 44) = 6.17, MSE = 64.93, p <
.05). La différence entre patients et témoins sur les temps pour les JOLs faibles n’était pas
significative (F(1, 44) < 1, n.s.). Les patients prenaient donc davantage de temps pour
réétudier des items qu’ils jugeaient faciles.
Analyses corrélationnelles
Concernant les patients, nous avons observé des corrélations de Pearson significatives
entre la performance mnésique et le QI verbal (respectivement .42, p <.05 et .58, p < .01 pour
les performances au premier et au second rappel). D’autre part, des corrélations significatives
(p < .05) ont été observées entre le temps d’étude et les symptômes psychiatriques
(respectivement .45, .51 et .43 pour les symptômes négatifs, de psychopathologie générale et
le score global de la PANSS). Aucune corrélation significative n’a été observée chez les
témoins.
Régressions
Afin de déterminer plus précisément si les différences de performances de rappel et de
régressions linéaires incluant les données de QI comme variables indépendante sur le rappel
puis les JOLs. Ces régressions n’ont pas montré de résultat significatif confirmant que les
différences de QI entre patients et témoins ne semblent pas expliquer les différences sur les
mesures de mémoire et du monitoring.