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CHAPITRE 5. Les relations entre mémoire, métamémoire et fonctionnement cognitif dans

5.1. Etude 1 : La relation monitoring-affects-control dans la schizophrénie (Thuaire,

5.1.4. Discussion

Cette expérience avait pour objectif de déterminer si les patients schizophrènes étaient

sensibles à un indice intrinsèque au matériel tel que l’association sémantique entre les mots et

si la relation monitoring-affects-control était préservée dans cette pathologie. Nos résultats ont

montré que les patients schizophrènes adaptaient leurs jugements d’apprentissage en fonction

de l’association sémantique des mots. Bien que leurs jugements soient en moyenne plus

faibles que ceux des participants sains, ils sont en adéquation avec leur performance en rappel

et sont donc aussi précis que ceux des témoins. Les recherches précédentes avaient montré

que les patients schizophrènes étaient sensibles aux indices extrinsèques comme la répétition

des items (Bacon et al., 2007) et l’accès à des informations partielles sur la cible (Bacon &

Izaute, 2009). Cette étude étend ces résultats aux indices intrinsèques et confirme que les

capacités de monitoring des patients schizophrènes sont préservées lors de jugements

prospectifs.

De plus, les résultats de cette expérience ont montré que les patients schizophrènes,

comme leurs témoins adaptaient leur temps d’étude lors du réapprentissage des items à la fois

en fonction de leur performance au premier rappel et en fonction de leurs JOLs. Ainsi, ils

allouaient davantage de temps aux items qu’ils n’avaient pas rappelés correctement et aux

items qu’ils avaient jugés comme mal appris. Les patients schizophrènes sont donc, comme

les participants sains, capables d’utiliser la métacognition de manière stratégique en prenant

réapprentissage (Son & Metcalfe, 2000) et améliorer leur performance en mémoire. Ainsi,

bien que le control soit parfois déficitaire dans la schizophrénie (Bacon et al., 2007), la

relation monitoring-affects-control semble au contraire préservée dans cette pathologie et la

stratégie d’apprentissage peut donc être efficace si les patients peuvent s’appuyer sur leur

évaluation de l’apprentissage. Toutefois, une réserve peut être émise au regard de nos

résultats. En effet, les participants allouaient significativement plus de temps que les témoins

aux items qu’ils avaient déjà rappelés ou qu’ils avaient jugés faciles suggérant que

l’adaptation stratégique de l’apprentissage pour ces items ne serait pas optimale chez les

patients schizophrènes.

Néanmoins, nos résultats montrent également que bien que les patients améliorent leur

performance autant que les témoins, celle-ci reste inférieure aux participants sains. Ceci

confirme le déficit en mémoire épisodique observé chez les patients schizophrènes dans de

nombreuses recherches (Aleman et al., 1999 ; Bora, Yücel, & Pantelis, 2010 ; Danion et al.,

2007 ; Dickinson, Iannone, Wilk, & Gold, 2004 ; Leavitt & Goldberg, 2009 ; Lewis, 2004).

D’autre part, dans cette expérience, les patients schizophrènes allouaient davantage de temps

aux items qu’ils avaient déjà correctement rappelés par rapport aux témoins alors que cela ne

leur a pas permis d’obtenir une performance de rappel équivalente. Il semble donc que les

patients schizophrènes montrent un effet de « travail en vain » (Nelson & Leonesio, 1988) sur

les items correctement rappelés car ils étudient plus longuement ces items sans que cela ne

leur permette d’améliorer leur performance de rappel. Toutefois, ces différences entre patients

et témoins peuvent également être vues comme une adaptation stratégique en fonction des

possibilités d’amélioration. Ainsi, les témoins qui rappelaient déjà 86% des paires de mots

associés ne pouvaient plus s’améliorer beaucoup sur ces paires et ont donc consacré du temps

que 52% des paires de mots associés et ont pu choisir de s’améliorer sur ces paires plus

faciles.

Enfin, les différences observées entre patients et témoins sur les performances en

mémoire et les JOLs ne semblent pas pouvoir être expliquées par les différences de QI entre

les deux groupes. Ce résultat est en accord avec ceux de Paul et al. (2005) et Kopald et al.

(2012) qui n’ont pas observé de covariance entre le QI et la performance de reconnaissance en

mémoire épisodique (Paul et al., 2005) ni entre le QI et la performance à des tests classiques

de mémoire comme le California Verbal Learning Test ou le test de mémoire logique de la

Wechsler Memory Scale (Kopald et al., 2012).

En conclusion, cette étude a montré que les patients schizophrènes étaient capables

d’adapter une stratégie d’allocation de temps d’étude lorsque les conditions de

l’expérimentation leur permettent de s’appuyer sur leur évaluation de l’apprentissage. De

plus, cette première expérience a également montré qu’un indice intrinsèque comme

l’association sémantique était précisément pris en compte par ces patients. Or, Bacon et al.,

(2007) ayant montré que les patients schizophrènes tenaient compte de l’indice extrinsèque de

la répétition des mots dans leurs JOLs délai, nous avons souhaité déterminer si l’une de ces

classes d’indices pouvait davantage aider les patients à effectuer des jugements précis. De

plus, les difficultés des patients schizophrènes à initier une stratégie d’apprentissage efficace

de manière plus autonome suggère que le fonctionnement exécutif pourrait être lié aux

différences de performance de mémoire et de métamémoire des patients schizophrènes.

L’étude 2 avait donc pour objectif d’observer l’utilisation d’indices intrinsèques et

extrinsèques par les patients d’une part et d’autre part, d’évaluer le fonctionnement exécutif

de ces patients afin d’observer d’éventuels liens avec leur performance en mémoire et en

5.2. Etude 2a : Les relations entre performance en mémoire, monitoring,