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CHAPITRE 5. Les relations entre mémoire, métamémoire et fonctionnement cognitif dans

5.2. Etude 2a : Les relations entre performance en mémoire, monitoring, control et

faisabilité

5.2.1. Introduction

Notre première étude ayant montré que les patients schizophrènes, comme les témoins,

étaient sensibles aux qualités intrinsèques du matériel à apprendre, nous avons souhaité

déterminer si les patients prenaient en compte les indices intrinsèques et extrinsèques de la

même manière que les participants sains. En effet, Koriat, (1997) a montré que chez des

participants sains, les indices intrinsèques étaient légèrement surestimés dans les JOLs

immédiats et les indices extrinsèques étaient décomptés. Cependant, ne disposant pas de

données indiquant l’effet de ces indices sur les JOLs délai, nous avons donc mené une étude

préliminaire auprès de participants sains afin d’examiner le profil attendu en l’absence de

déficit. Le matériel variait en fonctions d’indices auxquels les patients schizophrènes sont

sensibles : la répétition des items (Bacon et al., 2007) et l’association sémantique des paires

de mots (expérience 1). Les JOLs délai étant plus précis (Dunlosky & Nelson, 1992, 1994 ;

Kelemen & Weaver, 1997 ; Koriat & Bjork, 2006 ; Nelson & Dunlosky, 1991), nous

supposons donc que les participants sains utiliseront les indices intrinsèques et extrinsèques

de manière précise et donc que ceux-ci ne seront pas ou peu décomptés ou surestimés.

5.2.2. Méthode

Participants

27 étudiants (20 femmes et 7 hommes) en psychologie de l’Université Blaise Pascal,

Clermont-Ferrand, ont été recrutés pour cette étude. Leur âge moyen était de 20.5 ans (Ecart-

Matériel

Le matériel était constitué de 24 paires de mots fortement associés (ex : alligator-

crocodile) et 24 paires de mots faiblement associés (ex : aigle-vautour) issues des normes

d’association verbale de Ferrand & Alario (1998) (annexe 2, p. 254).

Procédure

Le test de mémoire était informatisé. Les participants étaient évalués individuellement,

en présence de l’expérimentateur. Lors de la phase d’apprentissage, les 48 paires de mots,

dont la moitié étaient présentées une deuxième fois, apparaissaient une par une à l’écran. La

présentation des paires répétées était contrebalancée afin d’éviter qu’un effet de la répétition

sur la mémoire ou la métamémoire puisse être expliqué par la présence d’une liste plus facile

que l’autre. Les participants avaient pour consigne d’apprendre ces paires de mots de façon à

pouvoir rappeler le deuxième mot en présence du premier. Il leur était également possible de

contrôler le temps de présentation des paires de mots en appuyant sur une touche du clavier

pour passer à la paire suivante. Suite à cet apprentissage et après avoir effectué une tâche

distractive non verbale de 4 minutes (Kelemen & Weaver, 1997), une phase de jugement

débutait. Les participants devaient estimer pour chaque mot indice, sur une échelle en cinq

points (0%, 25%, 50%, 75%, 100%) leur capacité à rappeler le deuxième mot de la paire.

Ensuite lors de la phase de rappel, les mots indices étaient de nouveau présentés et le

participant devait essayer de rappeler le mot cible. Par la suite, ces trois phases

(apprentissage, JOL, rappel) étaient répétées mais, en raison d’un effet plafond chez ces

5.2.3. Résultats

Comme dans l’étude précédente, des analyses de variances (ANOVAs) ont été

effectuées sur les performances en mémoire, sur les JOLs, sur le temps moyen alloué aux

items et sur la précision des JOLs mesurée avec le coefficient gamma (Nelson, 1984) avec les

variables « répétition » et « association » des mots en facteur intra-sujet. Les interactions

significatives sont ensuite décrites avec des analyses d’effets simples. Les résultats sont

présentés dans le Tableau 3.

Tableau 3. Moyennes (M) et écart-types (ET) pour le rappel, les JOLs et l’allocation de temps pour

l’étude 2a. Association forte M (ET) Association faible M (ET)

p (Association) p(Répétition) p(Répétition* Association) Mots répétés 90.74 (10.92) 86.11 (12.87) Rappel (%) Mots non répétés 82.01 (13.81) 73.46 (19.34) <.01 <.001 n.s. Mots répétés 92.21 (8.12) 88.12 (13.21) JOL (%) Mots non répétés 81.17 (12.82) 77.62 (15.87) <.10 <.001 n.s. Mots répétés 2.24 (0.61) 2.53 (0.90) Allocation

(secondes) Mots non répétés 5.06 (2.94) 5.36 (2.94) <.01 <.001 n.s.

Note : la colonne « p(Association) » correspond à la significativité de l’effet principal de l’association sémantique, la colonne « p(Répétition) » correspond à la significativité de l’effet principal de la répétition et la colonne « p(Répétition*Association) » correspond à la significativité de l’effet d’interaction entre les deux variables. n.s. = non significatif.

Mémoire

L’ANOVA conduite sur les performances en mémoire a montré un effet principal de

la répétition des mots, (F(1, 26) = 39.30, MSE = 3061.34, p < .001). Ainsi, les mots répétés

étaient mieux rappelés (M = 88.43%, ET = 9.82) que les mots non répétés (M = 77.78%, ET =

13.62). Un effet principal de l’association des mots a également été montré, (F(1, 26) = 7.66,

MSE = 1188.91, p < .05) indiquant que les mots fortement associés étaient mieux rappelés (M

= 86.42%, ET = 10.75) que les mots faiblement associés (M = 79.78%, ET = 14.33).

Cependant, l’effet d’interaction entre ces deux variables n’était pas significatif, (F(1, 26) < 1,

Métamémoire : Monitoring

La même ANOVA a été conduite sur les JOLs des participants et a montré un effet

principal de la répétition des mots, (F(1, 26) = 43.83, MSE = 3128.25, p < .001). Les

participants estimaient donc pouvoir rappeler davantage de mots répétés (M = 90.16%, ET =

9.65) que de mots non répétés (M = 79.40%, ET = 12.60). En revanche, l’effet principal de

l’association n’était que tendanciel, (F(1, 26) = 3.85, MSE = 393.88, p < .10) suggérant des

JOLs moyens sensiblement supérieurs pour les mots fortement associés (M = 86.69%, ET =

9.67) que pour les mots faiblement associés (M = 82.87%, ET = 13.18). L’effet d’interaction

n’était pas significatif, (F(1, 26) < 1, n.s.).

Contribution des indices intrinsèques et extrinsèques aux JOLs

Conformément à Koriat (1997), nous avons traité les JOLs et le rappel comme facteur

répété (appelé mesure) afin d’examiner si les variations des jugements en fonction des indices

étaient semblables aux variations de rappel. Ce traitement permet d’examiner s’il existe une

interaction entre le type de mesure et la présence d’indices, indiquant alors que l’indice

n’affecte pas de la même manière les JOLs et le rappel.

Concernant l’indice intrinsèque, l’ANOVA (Association X Mesure) a montré un effet

principal de l’association, (F(1, 26) = 6.30, MSE = 737.86, p < .05) et un effet d’interaction

significatif entre association et mesure (F(1, 26) = 4.62, MSE = 53.54, p < .05). Cette

interaction indique que l’association sémantique des mots serait légèrement décomptée lors

des jugements car alors que sur le premier rappel, la différence entre mots faiblement associés

(M=79.78%, ET=14.33) et fortement associés (M=86.42%, ET=10.75) était de 6.64%, elle

n’était que de 3.82% sur les JOLs entre mots faiblement associés (M=82.87, ET=13.18) et

Concernant l’indice extrinsèque, l’ANOVA (Répétition X Mesure) n’a révélé d’effet

principal significatif que pour la répétition (F(1, 26) = 48.02, MSE = 3094.71, p < .001).

L’absence d’effet d’interaction (F(1, 26) < 1, n.s.) indique que la répétition des mots est un

indice qui est pris en compte de manière précise par les participants lors de l’évaluation des

JOLs délai car il n’était ni décompté ni surestimé. Ainsi, la différence entre le rappel des mots

répétés (M=88.43%, ET=9.83) et non répétés (M=77.78%, ET=13.62) était de 10.65% alors

qu’elle était de 10.76% sur les JOLs entre mots répétés (M=90.16, ET=9.65) et mots non

répétés (M=79.40, ET=12.60). La répétition avait donc le même effet sur le rappel et sur les

JOLs.

Allocation de temps d’étude

La particularité de l’analyse sur les temps d’étude est que 48 paires de mots ont été

présentées une première fois puis seulement 24 d’entre elles ont été présentées une seconde

fois. Il y a donc deux manières d’analyser ces données : comparer les temps d’étude pour les

48 paires présentées une première fois à ceux des 24 paires répétées ou comparer les 1e et 2e présentations des 24 items répétés. Conformément à Moulin et al. (2000), nous avons effectué

ces deux analyses (annexe 3, p. 255) et, comme elles sont consistantes, nous ne rapporterons

que la première. Ainsi, en comparant à l’aide d’une ANOVA (Association X Répétition) les

temps alloués aux 24 items présentés une seule fois aux temps alloués aux items répétés lors

de leur seconde présentation, nous avons observé un effet principal de la répétition des mots

(F(1, 26) = 35.90, MSE = 215.84, p < .001) indiquant que les mots répétés sont étudiés moins

longuement (M = 2.39s, ET = 0.71) que les mots non répétés (M = 5.21s, ET = 2.91). Un effet

principal de l’association des mots a également été observé, (F(1, 26) = 11.71, MSE = 2.41, p

ET = 2.00) que les items faiblement associés (M = 3.95s, ET = 2.00). L’effet d’interaction

n’était pas significatif (F(1, 26) < 1, n.s.).

5.2.4. Discussion

L’objectif principal de cette étude était d’examiner l’utilisation d’indices intrinsèques

et extrinsèques par des participants lors de JOLs délai. Nos résultats ont montré que les

participants étaient sensibles à ces indices lors de leurs jugements, de l’allocation de temps

d’étude et du rappel des mots. Ainsi, en accord avec Moulin et al., (2000), les participants

sains allouaient moins de temps aux items répétés et les JOLs pour ces items étaient plus

élevés, de même que la performance en mémoire. La répétition de certains mots de la liste est

donc un indice extrinsèque influençant à la fois la mémoire, le monitoring et le control de

participants sains.

De même, la force de l’association sémantique entre les paires de mots a été prise en

compte par les participants sains afin d’adapter leur temps d’étude car ils apprenaient moins

longuement les items fortement associés. La tendance de ces participants à effectuer des JOLs

plus élevés pour les paires de mots fortement associés suggère également que, comme lors de

JOLs immédiats (Koriat, 1997), les participants seraient sensibles à cet indice intrinsèque lors

de JOLs délai. En accord avec ces JOLs, les participants rappelaient également davantage de

paires de mots fortement associés. Nos résultats indiquent donc que l’association sémantique

influence la mémoire et la métamémoire des participants sains.

D’autre part, les résultats ont montré qu’en accord avec les recherches précédentes

(Dunlosky & Nelson, 1992, 1994 ; Kelemen & Weaver, 1997 ; Koriat & Bjork, 2006 ; Nelson

& Dunlosky, 1991), les JOLs délai sont particulièrement précis. Ainsi les participants

évaluaient le bénéfice lié à la répétition des mots de manière très précise mais sous-estimaient

résultats soient très différents de ceux obtenus par Koriat (1997) sur les JOLs immédiats

semblent directement lié à la présence d’un délai entre l’apprentissage et le jugement. Ainsi,

Carroll, Nelson et Kirwan (1997) ont observé les JOLs de participants après un délai de 30

secondes ou d’une journée. Dans cette expérience, l’indice intrinsèque au matériel à

apprendre était également l’association sémantique entre les deux mots d’une paire mais

l’indice extrinsèque était le critère d’apprentissage. Deux conditions ont ainsi été testées : les

paires de mots associés étaient apprises jusqu’à un critère faible (deux rappels corrects

consécutifs) et les paires de mots non associés étaient apprises jusqu’à ce que 8 rappels

corrects consécutifs soient effectués. Les résultats ont montré que lorsque le délai entre

apprentissage et jugement était de 30 secondes (conformément à Nelson & Dunlosky, 1991),

les résultats concordaient avec ceux de Koriat (1997). En effet, les participants accordaient

des JOLs plus élevés aux mots associés alors que, les ayant appris moins profondément, ils

rappelaient moins de mots associés que de mots non associés. L’indice intrinsèque était donc

surestimé alors que l’indice extrinsèque était décompté. En revanche, lorsque le jugement

avait lieu le lendemain de l’apprentissage, ces biais disparaissaient. Ces résultats suggéraient

soit, que les indices étaient mieux pris en compte, soit qu’à l’image de l’effet de la pratique

(Koriat, 1997), le délai entraînerait un changement de la base des JOLs des indices

intrinsèques vers des indices mnésiques internes comme la trace en mémoire à long terme.

Ainsi, dans nos résultats, le délai entre apprentissage et JOL aurait rendu ces jugements très

précis car les indices intrinsèques et extrinsèques auraient été pris en compte très précisément

5.3. Etude 2b : Les relations entre performance en mémoire, monitoring,