I. Etude du rôle de la voie canonique de NF-B dans les Tregs
2. Résultats
Le suivi clinique des souris Foxp3Cre Relalox nous a permis de constater que ces souris
développent spontanément une maladie auto-immune sévère vers l’âge de 7-8 semaines qui aboutit au décès de toutes les femelles et à celui de la majorité des mâles. Celle-ci est caractérisée par une alopécie et des lésions cutanées plus ou moins sévère ainsi qu’une adénomégalie et une inflammation des poumons, de l’estomac et et du côlon, caractérisée
notamment pas la présence d’un important infiltrat cellulaire. Les souris Foxp3Cre Relalox
présentaient également une diminution significative de leur poids par rapport aux souris
contrôles Foxp3Cre. La délétion de RelA spécifiquement dans les Tregs conduit donc au
développement d’une inflammation systémique sévère.
Afin de mieux caractériser celle-ci, nous avons analysé les populations lymphocytaires
effectrices des souris Foxp3Cre Relalox âgées de 12 semaines. Nous avons ainsi observé une
augmentation importante du nombre de leucocytes dans les ganglions drainants la peau (sdLN) ainsi que dans les trois tissus majoritairement enflammés, les poumons, le côlon et la peau. Cette augmentation s’explique notamment par un plus grand nombre de lymphocytes T
CD8+ et CD4+ ainsi que de lymphocytes B. De plus, les lymphocytes T de ces organes ont un
phénotype beaucoup plus activé que ceux des souris contrôles Foxp3Cre, défini par la forte
hausse de différents marqueurs d’activation tels que CD44, Ki67 et ICOS exprimés par ces cellules. La même observation a été faite dans la rate, les ganglions profonds (iLN) et mésentériques (mLN), le foie et l’intestin grêle démontrant une activation systémique des
lymphocytes T dans les souris Foxp3Cre Relalox. Celle-ci a été confirmée par la détection d’une
forte quantité de différentes cytokines inflammatoires, IFN, IL-4, IL-10, IL-17, IL-6 et
détecté une augmentation des IgM, IgG1, IgG2b, IgA et IgE ainsi que d’auto-anticorps
anti-ADN dans le sérum des souris Foxp3Cre Relalox.
L’étude du compartiment myéloïde nous a permis de compléter la caractérisation de cette inflammation systémique. Nous avons en effet observé une augmentation du nombre de
cellules CD11b+ dans la rate, les ganglions, le foie, les poumons, l’intestin grêle, le côlon et la
peau des souris Foxp3Cre Relalox par rapport aux souris Foxp3Cre. Celle-ci était due à une
hausse du nombre de monocytes inflammatoires, d’éosinophiles et surtout de neutrophiles dans l’ensemble de ces organes. Il est important de noter que ces augmentations étaient plus marquées dans les organes les plus enflammées i.e. les sdLN, les poumons, le côlon et la peau.
Par ailleurs, l’analyse de souris Foxp3Cre Relalox âgées de 5 semaines nous a permis de
constater que l’inflammation était modérée à cet âge. En effet, le nombre de CD45+ était
augmenté uniquement dans les sdLN, iLN et pas encore dans les poumons, le côlon et la peau. Nous avons également observé une tendance à une augmentation de la proportion de
lymphocytes T effecteurs CD44hiCD62Llow et Ki67+ mais qui restait moindre que celle
observée dans les souris âgées de 12 semaines.
L’ensemble de ces résultats montre que les souris Foxp3Cre Relalox développent
progressivement une inflammation systémique sévère qui semble être de type auto-immun.
De façon surprenante, nous avons observé une augmentation de la proportion des
Tregs dans l’ensemble des organes lymphoïdes des souris Foxp3Cre Relalox. En revanche,
celle-ci était diminuée dans les 3 tissus majoritairement enflammés, les poumons, le côlon et la peau, et ce dès 5 semaines, suggérant un défaut potentiel de migration, survie ou stabilité des Tregs déficients pour RelA dans ces organes. L’étude de l’expression de différents marqueurs d’activation tels que Ki67, GITR et CD103 a permis de mettre en évidence un
phénotype plus activé des Tregs dans l’ensemble des organes étudiés des souris Foxp3Cre
Relalox par rapport aux souris Foxp3Cre. La proportion de Tregs activés/mémoires
CD44hiCD62Llow était diminuée dans les ganglions et le foie, inchangée dans la rate, l’intestin
grêle et le côlon et augmentée dans les poumons et la peau. Les niveaux d’expression de FoxP3 et CD25 étaient quant à eux inchangés dans l’ensemble des organes étudiés. Ces premiers résultats ne mettant pas en évidence un défaut fonctionnel évident des Tregs déficients pour RelA pouvant expliquer la pathologie observée, nous avons réalisé différentes expériences à partir de ces cellules. Nous les avons ainsi stimulées en présence ou non d’IL-2 avec ou non du TNF et avec ou non une stimulation du TCR et avons observé un léger défaut
de survie de ces Tregs comparés aux Tregs sauvages, issus des souris Foxp3Cre, quelles que soient les conditions. Nous avons également évalué leur capacité suppressive in vitro et n’avons pas observé de différence entre ces derniers et les Tregs sauvages. Nous avons en revanche observé que les Tregs déficients pour RelA n’étaient pas capables de contrôler le développement d’une colite induite chez des souris RAG KO, voire même qu’ils l’aggravaient. L’analyse plus poussée de cette expérience nous a permis de constater que l’augmentation de cette sévérité n’était pas due à une augmentation du nombre de lymphocytes T conventionnels ou à un défaut de ces derniers de se convertir en pTregs mais à un défaut de stabilité des Tregs déficients pour RelA qui deviendraient pathogènes.
Ces résultats suggèrent donc que la diminution de proportion des Tregs observée dans les
poumons, le côlon et la peau des souris Foxp3Cre Relalox serait majoritairement due à un
défaut de stabilité de ces Tregs, tandis que l’inflammation augmenterait leur proportion dans les organes lymphoïdes.
L’inflammation systémique développée par les souris Foxp3Cre Relalox impactant très
certainement sur l’homéostasie et la fonction des Tregs, nous avons généré des souris
Foxp3Cre/wt Relalox pour étudier les conséquences de l’absence de RelA dans un contexte plus
physiologique. En effet, ces souris ne présentent pas de signes de maladie ou d’inflammation probablement du fait de la présence de Tregs sauvages en plus de ceux déficients pour RelA. Ce modèle nous a permis de mettre en évidence une forte diminution de la proportion de
cellules CD44hiCD62Llow, Ki67+ et CD103+ parmi les Tregs déficients pour RelA dans les
organes lymphoïdes, le foie et les poumons des souris Foxp3Cre/wt Relalox, comparé aux Tregs
exprimant également la CRE dans les souris Foxp3Cre/wt. Nous avons également détecté une
diminution d’expression de Foxp3, Icos, Ctla-4 et Gitr au sein de ces cellules. Ainsi, en l’absence d’inflammation, RelA semble important pour l’activation des Tregs.
Enfin, afin de pouvoir approfondir l’étude du défaut biologique des Tregs déficients pour RelA nous avons réalisé des expériences de co-transfert de Tregs sauvages et déficients
pour RelA, issus respectivement des souris Foxp3Cre/wt et Foxp3Cre/wt Relalox, distinguable par
l’expression d’un marqueur congénique. Nous avons dans un premier temps réalisé ces co-injections chez des souris sauvages CD45.1 et avons observé, dans ces conditions, une proportion équivalente entre les Tregs déficients pour RelA et ceux sauvages. En revanche, nous avons noté une perte de FoxP3 par une partie des Tregs déficients pour RelA, soulignant
lymphocytes T conventionnels faite chez des souris lymphopéniques CD3 KO a quant à elle mis en évidence un défaut de survie des Tregs déficients pour RelA et a permis de mettre en exergue le défaut de stabilité de ces Tregs. Ainsi, l’absence de RelA dans les Tregs conduit à une perte de FoxP3 par ces derniers aboutissant à la génèse d’ex-Tregs en conditions physiologiques et lymphopéniques.