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II. Les lymphocytes T CD4 + FoxP3 + régulateurs

4. Plasticité et stabilité

Figure 6 : Mécanismes de régulation du système immunitaire utilisés par les Tregs (Vignali et

al., 2008). Les Tregs contrôlent l’activation des cellules immunes au travers de différents mécanismes.

Ils peuvent : (a) produire des cytokines immunosuppressives comme l’IL-10 et le TGF-, (b) lyser les cellules en sécrétant des perforines et granzymes, (c) altérer le métabolisme des cellules en les privant d’IL-2 ou en produisant de l’adénosine, (d) induire un phénotype tolérogène des DC via une inhibition par CTLA-4 notamment.

Ainsi, les Tregs présentent une grande diversité de mécanismes de suppression qui passent par la régulation de différentes cellules au travers de différentes molécules. Il est supposé que les Tregs vont préférentiellement utiliser un ou plusieurs de ces mécanismes en fonction du tissu, et donc de l’environnement, dans lequel ils se trouvent. En effet, il est notamment observé que les souris déficientes pour l’IL-10 ou le CTLA-4 dans les Tregs ne développent pas les mêmes pathologies (Rubtsov et al., 2008; Wing et al., 2008).

4. Plasticité et stabilité

Ainsi les Tregs jouent un rôle majeur dans le contrôle des réponses immunitaires et dans la prévention des maladies auto-immunes. En particulier, leur stabilité, fonctionnelle et numérique, dans le temps est donc essentielle. Des études récentes mettent en évidence la

comme de la plasticité ; tandis que leur capacité à conserver durablement FoxP3, considéré ici comme de la stabilité, reste débattue.

4.1. Acquisition de nouvelles fonctions

De nombreuses études montrent que les Tregs ont la capacité de s’adapter à leur environnement et ainsi de co-exprimer FoxP3 avec d’autres facteurs de transcription dont

notamment ceux impliqués dans la différenciation des lymphocytes CD4+ Th. Une étude

épigénétique a notamment permis de mettre en évidence qu’au sein des Tregs les loci des facteurs de transcription et cytokines des différents sous-types de Th ne sont pas complétement réprimés (Wei et al., 2009). Ainsi, les Tregs semblent dotés d’une potentielle plasticité.

Tbet-Th1

Il a été montré que les Tregs peuvent exprimer le facteur de transcription Tbet qui à son tour induit l’expression du récepteur CXCR3, deux marqueurs spécifiques des Th1, permettant ainsi aux Tregs de migrer vers le site d’une inflammation induite par des Th1 (Koch et al., 2009). En revanche, si les Tregs ne peuvent exprimer Tbet ils ne sont pas capables de s’accumuler au site de cette même inflammation ni de contrôler les réponses Th1

(Koch et al., 2009).De plus, Müller et al. ont constaté qu’au cours de l’EAE l’expression de

CXCR3 sur les Tregs leur permet de migrer dans le SNC et de s’y localiser en étant au plus près des Teffs (Müller et al., 2007). D’autre part, une forte augmentation du nombre de Tregs produisant de l’IFN a été observée dans des patients atteints de diabète insulino-dépendant. Les Tregs naïfs de ces patients sont également capables d’exprimer Tbet, CXCR3 et de produire de l’IFN suite à une stimulation avec de l’IL-12 in vitro (McClymont et al., 2011).

Irf4-Th2

De façon similaire, il a été montré que la délétion spécifique de Irf4, facteur de transcription exprimé par les Th2, dans les Tregs aboutit à leur incapacité de réguler efficacement les réactions immunitaires induites par les Th2. Ces Tregs expriment moins fortement les gènes codant notamment pour l’IL-10, le granzyme B ou encore CCR8, le récepteur impliqué dans la migration au site d’inflammation de type Th2 (Zheng et al., 2009).

STAT3, RORt – Th17

Des observations identiques ont été faites concernant le facteur de transcription STAT3, impliqué dans la différenciation des Th17. En effet, les Tregs ayant une délétion

spécifique de STAT3 expriment moins les gènes codant pour l’IL-10, l’IL-35 et CCR6, récepteur qui permet la migration des cellules vers le site d’une inflammation induite par des Th17. De plus, ces Tregs ne parviennent pas à contrôler le développement d’une colite, inflammation majoritairement due aux Th17 (Chaudhry et al., 2009). Ces résultats corrèlent avec ceux de Yamazaki et al. qui ont montré que les Tregs expriment CCR6 et que cela leur permet de migrer vers le SNC au cours de l’EAE, pathologie due aux Th17 (Yamazaki et al., 2008). D’autre part, il a été observé que les Tregs humains pouvaient exprimer à la fois FoxP3 et RORt. Ces Tregs expriment ainsi CCR6 et produisent de l’IL-17 tout en conservant une capacité suppressive (Voo et al., 2009).

Bcl6 – Tfh

Enfin, deux équipes de recherche ont mis en évidence l’existence de Tregs localisés au niveau du centre germinatif exprimant le facteur de transcription Bcl6 et le récepteur CXCR5. Ce dernier marqueur est impliqué dans la migration vers les follicules B des tissus lymphoïdes des T follicular helper (Tfh), sous-population de CD4 impliquée dans la maturation des lymphocytes B. Ils ont montré que l’expression de CXCR5 sur les Tregs était dépendante de Bcl6 et indispensable au contrôle des Tfh par ces Tregs, ainsi dénommés Tfr pour Follicular Regulatory T cells (Chung et al., 2011; Linterman et al., 2011).

4.2. Perte de FoxP3

Ainsi, les Tregs peuvent s’adapter à l’environnement dans lequel ils se trouvent pour en réguler au mieux les réponses immunes. Mais cette acquisition de fonctions effectrices peut avoir des conséquences négatives si les Tregs perdent leur phénotype régulateur, dépendant de FoxP3. En effet, cela pourrait notamment contribuer au développement des maladies auto-immunes. De nombreuses investigations ont donc été menées pour étudier la stabilité des Tregs, c’est à dire leur capacité à conserver durablement FoxP3.

CNS2, point clé de la stabilité

L’expression de FoxP3 est notamment régulée par des modifications épigénétiques du promoteur et de 3 séquences conservées non codantes, CNS1, 2 et 3, situées dans le locus du gène. La séquence CNS1 est impliquée dans la génération des pTreg de par sa sensibilité au TGF- et contient des sites de fixation pour les facteurs de transcription NFAT et SMAD3 (Huehn et al., 2009; Müller and Rao, 2010; Zheng et al., 2010). La séquence CNS2, également appelée Treg-Specific Determining Regions (TSDRs), a été décrite comme

2009; Polansky et al., 2008; Zheng et al., 2010; Müller and Rao, 2010). De plus, Zheng et al. ont montré d’une part que FoxP3 s’associe à RUNX1 pour se fixer à CNS2 et ainsi contrôler sa propre expression, et d’autre part que la délétion de CNS2 conduit à une perte de l’expression de FoxP3 au cours des divisions cellulaires (Zheng et al., 2010). Par ailleurs, il a été constaté que, chez l’homme et la souris, cette région est totalement déméthylée dans les tTregs tandis qu’elle ne l’est pas du tout dans les lymphocytes T conventionnels et seulement partiellement dans les pTregs, ce qui est associé à une instabilité de FoxP3 (Baron et al., 2007; Floess et al., 2007). La déméthylation de cette séquence permet la fixation d’un certain nombre de facteurs de transcription tels que CREB et STAT5 (Huehn et al., 2009; Polansky et al., 2010). Enfin, la séquence CNS3 a été décrite comme étant importante pour la génération des tTregs. La fixation de cRel sur cette séquence permettrait en effet d’initier la déméthylation des autres CNS (Huehn et al., 2009; Müller and Rao, 2010; Zheng et al., 2010).

Le grand débat

La stabilité de FoxP3 a notamment été évaluée en utilisant des souris transgéniques dans lesquelles une protéine fluorescente permet de voir les cellules qui expriment ou ont exprimé Foxp3. Ainsi, Rubtsov et al. ont évalué que les Tregs constituent une population stable dans le temps en conditions physiologique et inflammatoires. En effet, ils ont analysé l’expression de FoxP3 dans ces souris sur plusieurs mois et n’ont pas observé de perte significative de celle-ci ni à l’homéostasie ni dans le cas d’une lymphopénie induite par irradiations, d’une infection ou encore d’une réaction auto-immune (Rubtsov et al., 2010). En revanche, en utilisant le même type de souris, Zhou et al. ont mis en évidence un certaine instabilité des Tregs. En effet, ils ont observé qu’une proportion non négligeable des Tregs perd FoxP3 et produit de l’IFN à l’homéostasie, population dénommée « exTregs ». De plus, ils ont constaté que cette proportion d’exTregs augmentait dans les îlots pancréatiques de souris Non-Obese Diabetic (NOD), souris qui développent spontanément un diabète insulino-dépendant, suggérant qu’ils contribuent à la pathologie. Ceci a été confirmé par le transfert de ces exTreg dans des souris immuno-déficientes qui développent alors un diabète auto-immun (Zhou et al., 2009). Par la suite, ils ont observé des résultats similaires dans le cas de l’EAE, corroborant leurs précédentes analyses (Bailey-Bucktrout et al., 2013).

Bien que des explications puissent être apportées à ces résultats contradictoires telles que l’utilisation par Rubtsov et al. d’un gène rapporteur induit par le tamoxifène qui pourrait ne marquer ainsi que les Tregs qui expriment fortement FoxP3 et qui sont donc sûrement les plus

stables ; et la durée de vie courte des protéines fluorescentes utilisées (Bailey-Bucktrout and Bluestone, 2011; Hori, 2014) ; le doute quant à l’instabilité des Tregs semble persister.

Pourtant, comme Zhou et al., d’autres études ont également mis en évidence la capacité des Tregs à perdre FoxP3 dans un environnement donné. En effet, Duarte et al. ont montré que dans des conditions de lymphopénie sévère, environ 50% des Tregs perdaient FoxP3, acquéraient un phénotype de Teffs et n’étaient plus capables de contrôler la prolifération des Teffs (Duarte et al., 2009). Il a également été décrit que les Tregs peuvent perdre FoxP3 et se convertir en Tfh dans les plaques de Peyer (Tsuji et al., 2009). De plus, différentes équipes de recherche ont mis en évidence que des Tregs stimulés avec de l’IL-6 perdent FoxP3 et acquièrent un phénotype de Th17 (Xu et al., 2007; Yang et al., 2008; Zheng et al., 2008). Enfin, il a été constaté que la stimulation répétée du TCR de Tregs humains induisait la perte de FoxP3 et la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires par ces derniers (Hoffmann et al., 2009).

Afin de concilier l’ensemble de ces données, Hori propose un modèle « d’hétérogénéité » des

Tregs. Celui-ci est notamment fondé sur l’observation de son équipe que les Tregs CD25low

sont plus prompt à perdre FoxP3 que ceux CD25hi lorsqu’ils sont transférés dans des souris

immuno-déficientes ou à la suite d’une stimulation in vitro (Komatsu 2009). Ainsi, ce modèle propose que les Tregs constituent une population hétérogène dans laquelle certains Tregs sont pleinement engagés dans la différenciation en Tregs tandis que d’autres, nouvellement générés, peuvent perdre FoxP3 et acquérir de nouvelles compétences en fonction de leur environnement (Hori, 2014).