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CHAPITRE VI : Mutations du gène EPM1 et épilepsie myoclonique progressive de

3.1. Résultats de l’analyse clinique et généalogique

Cette famille est originaire de Ain Tadeles, une petite commune de la wilaya de Mostaganem, à 91km d’Oran. Elle compte 38.823 habitants38 pour une superficie de 86km2.

Les 5 générations d’ascendants sont natives de la même commune. La famille possède de nombreuses boucles de consanguinité qui font supposer que le trait peut être transmis de manière autosomique récessive, et déterminé par une mutation provenant d’un fondateur commun (Figure 31).

37 Laboratoire qui a découvert l’expansion du dodécamère CCCCGCCCCGCGn en 1997. 38 https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%AFn_Tedles.mise à jour le 16/01/2016

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Figure 31: Pedigree de la famille EPI-ORA-BEL

L’individu II-08 est le probant de l’étude. Il est né le 15/05/1980 à Oran, issu d’un mariage consanguin au 2ème degré. Célibataire et sans profession, il a un niveau élémentaire de 6 années d’études. Un diabète de type 2 a été découvert chez lui en 2013 suite à un bilan de routine, et depuis, il est sous metformine® (1700 mg/j). Ce patient est suivi à notre niveau depuis 2007 pour épilepsie myoclonique progressive de type 1. La maladie a commencé insidieusement vers l’âge de 10 ans, avec un myoclonus d’action survenant le matin au réveil. Le patient n’a consulté que deux années plus tard, à l’occasion d’une crise morphéique tonicoclonique généralisée (TCG).

Les myoclonies, très discrètes au début, sont devenues progressivement invalidantes. Elles rendaient progressivement certains mouvements difficiles, comme le lever à partir d’une position assise ou couchée, ou les changements de direction pendant la marche, ou encore la montée et la descente des escaliers. Avec le temps, manger et boire étaient devenus difficiles. De rares absences ont été rapportées par l’entourage. En dépit d’une bithérapie à doses optimales adaptées en fonction du poids et de la tolérance (Valproate® 1500 mg/j et Clonazépam® 4mg/j), les myoclonies tendaient à être permanentes, avec cependant des fluctuations importantes dans la journée (maximum le matin au lever, et le soir à l’occasion de fatigue), ou d’une journée à l’autre.

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L’examen neurologique mettait en évidence une ataxie cérébelleuse statico-cinétique avec tremblement intentionnel et une dysarthrie. Les myoclonies étaient déclenchées au moindre bruit. Les capacités cognitives étaient conservées, mais les troubles psychologiques réactionnels et l’hyperémotivité étaient constants. Il n’y avait aucune atteinte sensorielle.

Le premier EEG de veille réalisé à l’âge de 12 ans, montrait une activité de fond normale, avec peu d’éléments lents, mais un certain ralentissement était constaté avec la progression de la maladie. On enregistrait des bouffées courtes et infracliniques de pointes-ondes (PO) et polypointes ondes (PPO) généralisées avec photosensibilité clinique et électrique.

Ces anomalies électriques étaient toujours présentes sur le dernier enregistrement effectué le 03/12/2015 (Figures 32 a et b). Par ailleurs, son IRM cérébrale était sans particularités.

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Figure 32 a et b: Tracé EEG de l’individu EPI-ORA-BEL-II-08

Fig. a

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Aux dernières nouvelles (20/01/2016), le patient était sous Valproate® (1500mg/j) et Lévétiracétam® (3g/j) avec disparition des crises TCG, la dernière remontant à 2009 ; mais persistance des myoclonies rendant la marche très difficile et occasionnant des chutes fréquentes confinant le patient au fauteuil roulant. Nous avons également préconisé une kinésithérapie ainsi qu’un accompagnement psychologique du patient et de sa famille.

L’individu II-07 est né le 17/06/1978 à Oran. Célibataire et sans profession, de niveau scolaire élémentaire (7 années d’études), il a présenté en Novembre 2001 une tuberculose pulmonaire pour laquelle il a été mis sous traitement spécifique durant six mois.

A l’âge de dix ans, il a présenté exactement le même tableau clinique que le probant, a bénéficié des mêmes examens complémentaires et du même traitement, avec cependant une meilleure évolution, marquée par la disparition des crises TCG, la discrétion de l’ataxie cérébelleuse, la persistance de quelques myoclonies matinales non invalidantes et la conservation de l’autonomie dans les tâches quotidiennes.

L’EEG du 17/06/2008 montrait un rythme thêta de 6 c/sec peu structuré, polymorphe et ample de répartition diffuse sur tout le scalp. La réaction d’arrêt visuel était partielle et l’hyperpnée (HPN) ne modifiait pas considérablement le tracé. La SLI suscitait dès les basses fréquences, des décharges de pointes, PP et PPO de moyen voltage, bilatérales et synchrones (Figures 33 a et b). Par ailleurs, son IRM cérébrale était normale.

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Figure 33 a et b: Tracé EEG de l’individu EPI-ORA-BEL-II-07

Fig. a

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II-10 est née le 28/01/1984 à Oran. Sa mère rapporte une enfance sans problèmes de santé ni retard du développement. La maladie s’est manifestée chez elle à l’âge de neuf ans par des myoclonies massives des quatre membres occasionnant des chutes fréquentes et traumatisantes, et des crises TCG quasi-quotidiennes. Elle était suivie en pédiatrie et mise sous Valproate® et Clonazépam®. L’évolution fut marquée par la recrudescence des crises et l’installation de troubles de l’équilibre invalidants. Son enregistrement EEG intercritique était très perturbé par des décharges de PPO généralisées occupant la quasi-totalité du tracé, mais son imagerie cérébrale était normale. Elle est décédée le 23/05/1998 suite à un état de mal épileptique.

La mère ainsi que les collatéraux (individus I-02, 01, 02, 03, 04, 05, II-06, II-09 et II-11) sont indemnes de toute pathologie. Ils ont tous bénéficié d’examen neurologique et d’enregistrements électroencéphalographiques qui se sont révélés normaux.

3.1.2. Famille EPI-ORA-BER

Cette famille est originaire de Sidi Ali, une commune de la wilaya de Mostaganem, anciennement appelée Cassaigne pendant la colonisation française. Il s’agit de la troisième commune la plus peuplée de la wilaya de Mostaganem. Selon le recensement général de la population et de l'habitat en 2008, la population de la commune de Sidi Ali est estimée à 37 230 habitants39. Tous les ascendants de cette famille, jusqu’à la 7ème génération sont originaires de cette même région géographique et conservent une préférence pour les mariages consanguins (Figure 34). Là aussi, la transmission de la maladie est clairement autosomique récessive, étant donné que les individus atteints appartiennent à la même génération, et qu’ils sont issus de parents indemnes, apparentés au premier degré.

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Figure 34: Pedigree de la famille EPI-ORA-BER

L’individu II-01 est le cas index. Il est né le 24/03/1982 à Oran, issu d’un mariage consanguin au 1er degré. Ses parents rapportent un développement psychomoteur normal, et une enfance sans problèmes de santé. Il a quitté les bancs de l’école après 5 années d’études en raison de difficultés d’apprentissage (lecture et calcul), et est actuellement célibataire et sans profession.

Sa maladie s’est manifestée de façon insidieuse à l’âge de 11 ans par des myoclonies d’action survenant avec prédilection le matin au réveil. Ces myoclonies étaient également déclenchées par différents stimuli sensoriels. Il a présenté sa première crise TCG à l’âge de 13 ans, suivie deux années plus tard de troubles de l’équilibre. Au début, son pédiatre lui a prescrit un traitement à base de Carbamazepine® 400mg durant 03 mois avec aggravation du tableau clinique ; les crises TCG étaient devenues plus fréquentes, l’ataxie s’était accentuée occasionnant des chutes fréquentes et les myoclonies étaient quasi-permanentes.

Il s’est présenté au service de Neurologie du CHU d’Oran le 17/03/2003, adressé par son médecin de famille. L’examen retrouvait alors un syndrome cérébelleux avec dysarthrie, tremblement intentionnel gênant l’écriture, et discrète ataxie statico-cinétique.

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Son premier EEG de veille datant du 30/04/2003, montrait une activité spontanée faite d’un rythme thêta de 6-7 c/sec, bien structuré, normovolté, diffusant sur tout le scalp d’une façon synchrone et symétrique ; l’HPN déclenchait quelques bouffées de PO et PPO généralisées (3-4 bouffées) brèves et de faible amplitude. Ces anomalies étaient accentuées par la SLI. Le dernier EEG du 07/12/2015: retrouvait les mêmes anomalies

(Figure 35). Par ailleurs, son imagerie cérébrale était normale.

Il a été mis sous Clonazépam® 2mg/j et Valproate de sodium® 1000mg/j. L’évolution fut marquée par la disparition des crises TCG, la dernière remontant à 2004, avec stabilisation des myoclonies. Aux dernières nouvelles (13/01/2016), le patient était toujours autonome et menait une vie sociale normale.

Figure 35: Tracé EEG de l'individu EPI-ORA-BER-II-01

II-06 est née le 16/01/1990 à Oran. Elle est célibataire, a fait 6 années d’études, et est actuellement sans profession. Son développement psychomoteur est décrit comme normal par ses parents. Le début de ses troubles remonte à l’âge de 13 ans par des myoclonies d’action quotidiennes occasionnant des chutes fréquentes avec lâchage

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d’objets. Son examen neurologique est normal, ne retrouvant notamment pas de syndrome cérébelleux ni déficit sensoriel.

Le premier EEG de veille dont nous disposons date du 21/07/2008 et montre une activité de fond faite d’un rythme alpha de 8 c/sec, bien structuré, normovolté, diffus et symétrique, interrompu par de brèves bouffées de PO et PPO rapides de faible amplitude, diffuses, synchrones et symétriques. L’HPN altère beaucoup plus le tracé mais la SLI ne le modifie pas. Le dernier tracé EEG datant du 16/04/2015 ne différait pas du premier

(Figure 36).

L’IRM cérébrale avec injection de gadolinium faite le 12/09/2013 était normale. La patiente a été mise sous Lévétiracétam® 1000 mg/j et Valproate® 500 mg/j, avec disparition des crises TCG et diminution de la fréquence des myoclonies qui ne survenaient que le matin au réveil. Cette patiente est autonome et mène une vie sociale normale.

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II-07 est née le 20/05/1991 à Oran. Elle aussi est célibataire, a fait 6 années d’études, et est actuellement sans profession. Après un bon développement psychomoteur, elle présente depuis l’âge de 13 ans des myoclonies matinales rarement suivies de crises TCG.

L’examen neurologique est normal. Le premier EEG datant du 16/04/2005 montre un tracé comportant des décharges d’ondes lentes, PO et PPO de moyen et haut voltage diffuses plus prononcées sur les régions frontales ; ces anomalies sont exacerbées par l’HPN et la SLI (Figure 37).

L’IRM cérébrale est sans particularités. La patiente a été traitée par Lévétiracétam® à raison de 1500 mg/j avec disparition des crises grand mal et atténuation des myoclonies.

Figure 37: Tracé EEG de l'individu EPI-ORA-BER-II-07

Les parents ainsi que les collatéraux (individus I-01, I-02, II-02, II-03, II-04, II-05, II-09, II-10 et II-11) sont indemnes de toute pathologie. Ils ont tous bénéficié d’examen neurologique et d’enregistrements électroencéphalographiques qui se sont révélés normaux.

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