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Résultats de l’estimation des ajustements de court-terme

Chapitre 4 Analyse empirique

4.4. Résultats de l’estimation des ajustements de court-terme

terme

Une fois muni des estimés des coefficients de coïntégration, la mesure d’écart entre prix actuel et prix de long terme indiqué en (2) peut être construite pour chacune des régions. Nous devons vérifier qu’il y a absence d’autocorrélation des erreurs pour que l’estimation de (3) puisse ensuite être effectuée. Un test d’autocorrélation des erreurs de Wooldridge effectué sur le modèle utilisé en différences ne nous permet pas d’exclure l’hypothèse H0 d’absence d’autocorrélation des erreurs, nous pouvons donc procéder avec la régression MMG-ABBB.

Le Tableau 5 à la page suivante présente donc les résultats d’estimation de 3 versions de l’expression (3) à l’aide de la méthode ABBB (xtdpdsys sous Stata). Dans la première version (« Modèle 1 »), la spécification utilisée par Oikarinen et Engblom (2016) est retenue. En plus des termes liés à la correction d’erreurs et de la croissance retardée du prix, celle-ci inclut les variables explicatives suivantes : le revenu réel par habitant ( ), le taux d’intérêt réel ( ), le stock d’habitations ( ), et la population totale ( ). Rappelons que ces variables sont différentes pour chaque région, à l’exception du taux d’intérêt. De plus, les variables sont différenciées et retardées, de manière à éviter des problèmes d’endogénéité. Dans les 2e et 3e colonnes du tableau, les modèles 2 et 3

modifient la version de base par une spécialisation des variables démographiques utilisées. En effet, le modèle 2 sépare la variable de population en ses deux sources de variation potentielle, soit l’accroissement naturel (naissances moins décès) et la migration nette (immigration moins émigration). Le modèle 3, quant à lui, y ajoute les indicateurs des deux cohortes les plus actives sur le marché de l’immobilier, soit les 25 à 54 ans et les 65 ans et plus.

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Tableau 5 : Estimation de la dynamique d’ajustement (3): (Arellano-Bover/Blundell-Bond)

Modèle 1 : Modèle d’Oikarinen & Engblom

Modèle 2 : séparation du ∆ population

Modèle 3 : Modèle avec cohortes distinctes Coefficient Écart-type Coefficient Écart-type Coefficient Écart-type -0.278*** (0.088) -0.215*** (0.050) -0.185*** (0.062)

∆pi,t-1 0.413*** (0.075) 0.397*** (0.057) 0.180* (0.103)

∆yt-1, revenu disponible 0.359* (0.206) 0.296 (0.196) 0.397* (0.221) ∆it-1, taux d'intérêt -0.009* (0.005) -0.013** (0.005) -0.010* (0.006) ∆St-1, stock d'habitations 4.336*** (0.943) 3.913*** (0.717) 1.523** (0.767) ∆ population t-1 1.226 (1.604) ∆ accroissement naturel t-1 0.162*** (0.054) 0.089 (0.067) ∆ migration nette t-1 0.044** (0.029) 0.056** (0.022) ∆ 25 à 54 ans t-1 0.009 (0.028) ∆ personnes âgées t-1 -0.129** (0.045)

Notes: Estimation de (3) via ABBB. Le modèle 1 est celui d’Oikarinen & Engblom (2016) avec le taux d'intérêt retardé. Le modèle 2 différencie la variation de la population selon sa source. Le modèle 3 inclut quant à lui tous les facteurs considérés dans la présente recherche. La notation *, ** et *** représente des coefficients statistiquement significatifs au seuil 10 %, 5 % et 1 %, respectivement. Les coefficients de la section du bas ont été multipliés par 100 pour en faciliter la lecture.

Plusieurs résultats intéressants émergent de l’estimation du modèle. Tout d’abord, voyons les résultats liés au Modèle 1. Le paramètre d’ajustement , qui indique la vitesse à laquelle les déséquilibres entre et se résorbent, est de -0.278. Cela indique qu’un choc qui amène un

déséquilibre donné entre et se sera résorbé à 28 % dès l’année suivante. La demi-vie du

choc (la période de temps nécessaire pour résorber la moitié d’un choc donné) est donc de 2,13 périodes, soit un peu plus de deux années. Le coefficient de momentum, lié aux augmentations de prix passées, est positif et statistiquement significatif (0,413), ce qui tend à soutenir l’hypothèse selon laquelle les augmentations de prix ont des caractéristiques d’entraînement, où une partie de la variation future peut être expliquée par la variation passée des prix.

Le changement dans le revenu disponible a lui aussi un coefficient positif, ce qui signifie qu’une variation du revenu disponible par habitant aura un impact à la hausse sur le prix moyen à la période suivante. L’amplitude de cet effet rapporté dans le Tableau 4 implique qu’une accélération dans la croissance du revenu disponible égale à un point de pourcentage est liée à une augmentation de la croissance des prix de 0,4 points de pourcentage. De plus une hausse d’un point de pourcentage dans le taux d’intérêt réel aurait comme effet de baisser la croissance des prix de l’immobilier d’environ un point de pourcentage dès la période suivante.

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Les mises en chantier ( ) affichent un coefficient positif et significatif, ce qui est contre-intuitif. En effet, une augmentation du stock d’habitations devrait être associée à une augmentation de l’offre et ainsi, ceteris paribus, faire pression à la baisse sur les prix. Toutefois, ce n’est pas ce que l’on observe. Une hypothèse est que la construction pourrait capter d’autres indicateurs, possiblement d’ordre démographique, qui ne sont pas pris en compte dans le modèle. En effet, un entrepreneur qui anticipent de grands changements démographiques sera enclin à augmenter son offre de manière à maximiser ses profits. À l’inverse, il diminuera la construction de nouvelles habitations dans le contexte d’une région aux prises avec une migration nette négative, une baisse de l’accroissement naturel ou lorsqu’elle est constituée de plus de vendeurs que d‘acheteurs. Le modèle 1 pourrait donc avoir la lacune de ne pas prendre en considération les dynamiques démographiques, outre la population totale.

Passons maintenant à l’analyse du modèle 2 (2e colonne du Tableau 5) Le modèle sépare la

variation de la population selon sa source, en en remplaçant le changement de population totale par les changements dans l’accroissement naturel et dans la migration nette. Plusieurs constats intéressants peuvent être tirés de cette modification. Par exemple, la vitesse d’ajustement est légèrement plus basse que dans le modèle 1 (21,5 % d’ajustement au choc par année, donnant à celui-ci une demi-vie de 2,86 périodes). Le coefficient de momentum semble également plus faible et est maintenant légèrement plus bas que 0,4. De manière générale toutefois, les coefficients du modèle 2 ont les mêmes signes et le même ordre de grandeur que ceux obtenus au modèle 1. Il est à noter que les mises en chantier, notre proxy pour le changement du stock d’habitations ( ), a toujours un impact positif et significatif, mais plus modeste que dans le modèle 1.

Voyons maintenant les résultats liés au fait de séparer la croissance de la population dans ses deux composantes. La croissance naturelle aurait un impact significatif à la hausse sur le prix de l’immobilier, avec une augmentation d’un point de pourcentage dans la croissance naturelle faisant augmenter le taux de croissance des prix de 0,16 % à la période suivante. La migration, quant à elle, aurait un impact moindre, s’établissant à moins de 0,05 % pour un choc de même amplitude.

Voyons maintenant les résultats associés au modèle 3. Pour ce dernier modèle, la vitesse d’ajustement est de -0,185, ce qui signifie qu’un choc se résorbe de 18,5 % dès la période suivante, pour une demi-vie de 3,4 périodes. Les coefficients liés au momentum et au revenu sont toujours positifs et statistiquement significatifs, alors que le taux d’intérêt ( ) conserve un coefficient

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significativement négatif (une hausse de ce dernier ayant un impact à la baisse sur la capacité de payer des ménages et donc sur les prix). Fait intéressant, la variable du stock d’habitations ( ) a perdu beaucoup de son amplitude, ce qui pourrait vouloir dire que nous réussissons à capter quelques-uns des indicateurs à l’origine des décisions des constructeurs en ajoutant au modèle les facteurs démographiques.

Le modèle 3 rapporte également quelques dynamiques démographiques intéressantes. D’abord, la partie de la variation de la population influençant significativement l’ajustement des prix vers leur tendance de long terme est la migration. En effet, une hausse d’un point de pourcentage de la migration nette (émigration – immigration sur population totale) ferait augmenter de 0,056 % la croissance des prix de l’immobilier dans la région l’année suivante tandis qu’une hausse de l’accroissement naturel de la population n’aurait aucun impact significatif sur cette même période, même si le signe du coefficient estimé est positif, comme attendu.

Enfin, une hausse de 1 point de pourcentage dans la proportion de personnes de 65 ans et plus ferait baisser de 0,13 % la croissance du prix des habitations le long de l’ajustement vers la tendance de long terme, un résultat tout à fait conséquent avec le fait que cette population est majoritairement active en termes de vente d’habitations. Une hausse de la prédominance de ce groupe d’âge dans la population fait donc augmenter la vente nette d’habitations, faisant également baisser le prix auquel les unités d’habitation sont échangées. Les résultats pour la cohorte d’acheteurs nets (25 à 54 ans) ne sont pas significatifs même si, ici également, le signe positif du coefficient est celui attendu. Il est donc impossible de dire si l’hypothèse qu’une cohorte d’acheteurs nets influence de manière statistiquement significative la valeur des unités d’habitation est vérifiée.

Il est possible de constater au Tableau 5 que, de manière globale, lorsque l’on intègre l’importance relative des deux principales cohortes actives sur le marché de l’habitation, le changement du stock d’habitation perd une partie de sa significativité et de son amplitude. Ce résultat est probablement lié avec la construction même de notre variable dépendante. En effet, comme l’ont montré Case & Shiller (1990), la moyenne des prix de vente comme principal estimateur des dynamiques dans le domaine de l’immobilier est biaisé par construction. En effet, celui-ci ne tient pas compte de l’évolution réelle de chaque maison, mais plutôt d’un agrégat de toutes les unités vendues, sans égard à leur qualité ni même à leur âge. Ces chercheurs proposaient donc un estimateur qui prendrait en compte l’augmentation de valeur d’une seule et même maison entre deux ventes

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distinctes. Cela permettrait de limiter le biais associé à la construction neuve en périphérie des villes, souvent à des coûts moindres sur le plan de l’espace. Cet estimateur est aujourd’hui nommé l’index

Case-Schiller et il est disponible pour les États-Unis ainsi que quelques villes canadiennes. Dans le

cas présent, les données aussi précises, nombreuses et différenciées selon les régions, ne sont pas disponibles pour notre recherche.

Le fait que l’impact du changement dans le stock d’habitations perde beaucoup d’amplitude dans le modèle 3 permet de croire qu’on limite l’importance accordée à l’augmentation du stock d’habitation sur la valeur des unités d’habitation. Comme, logiquement, une hausse du stock d’habitations aurait plutôt un impact à la baisse sur la valeur des habitations que le contraire, le signe positif et significatif du changement dans le stock d’habitations est plutôt un signe que l’offre s’ajuste dans le même sens que la variation des prix de vente. Une hausse du prix ferait augmenter la construction tandis qu’une baisse la ralentirait. Ce raisonnement implique que les modèles 1 et 2 donnent une importance relative trop grande à la construction. Le modèle 3, quant à lui, remet l’accent sur les variables démographiques telles que nous le désirons pour évaluer leurs impacts de manière plus efficace en éliminant le plus possible les erreurs de prédictions dues à la construction de la variable dépendante. Les Figures 4 et 5 illustrent graphiquement la performance du modèle dynamique estimé (3), relativement à celle du modèle incluant uniquement la relation de coïntégration (2). Dans les figures, les régions ont été classées selon un ordre décroissant de volatilité dans les taux de croissance des prix sur toute la période (2002-2016). Dans l’ensemble, les figures révèlent que l’addition du modèle de dynamique de court terme (3) permet d’améliorer la performance du modèle. Nous pouvons constater toutefois que la baisse de croissance, voire même la décroissance des prix dans les dernières années de l’échantillon pour certaines régions, n’est pas bien captée par le modèle. En prenant par exemple la région de la Capitale-Nationale, on constate que le modèle réussit relativement bien à répliquer la dynamique de la région jusqu’en 2012, moment où la valeur prédite continue de croître et la valeur réelle décroit. Une explication de cet effet pourrait être que le modèle ne rend pas en compte l’endettement. Ainsi, comme le revenu disponible croît, le modèle prévoit une hausse des prix réels. Toutefois, la croissance exacerbée de l’endettement dans les dernières années, difficilement soutenable, pourrait expliquer la décroissance des prix immobiliers. Cette dynamique n’étant pas prise en compte dans le présent modèle, il est donc difficile pour le modèle de prévoir une baisse de la valeur de l’immobilier alors que le revenu disponible continue de croître.

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