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Chapitre 4 Analyse empirique

4.3. Coïntégration

Un processus temporel non stationnaire a une moyenne et/ou une variance qui change dans le temps. Lorsque la première différence d’une telle variable est stationnaire, le processus est dit intégré d’ordre 1, écrit I(1). Quand une combinaison linéaire de plus d’une série I(1) est stationnaire, on dit alors que les séries sont coïntégrées d’ordre 1 (Engle and Granger 1987). Cette relation implique qu’une dynamique de long terme existe entre ces deux variables et qu’il est important d’en tenir compte. Deux variables coïntégrées auront tendance à évoluer de manière commune dans le long terme. Un choc sur l’une des deux variables coïntégrées se révèlera donc sur l’autre avec un certain délai, pour qu’éventuellement la dynamique des deux variables retourne à sa tendance de long terme.

Deux questionnements importants existent donc lorsque l’on découvre de la coïntégration entre deux variables. D’abord, quelle est la relation de long terme entre ces variables. Comme les variables sont coïntégrées d’ordre 1, le facteur de coïntégration devrait donc être une constante à estimer, que l’on peut estimer dans un modèle en panel à l’aide des résultats des tests de Pedroni (1999), Kao et Chiang (2000) et Westerlund (2005). Ensuite, la vitesse d’ajustement, ou dynamique de court terme doit également être estimée à l’aide d’une régression de retour à l’équilibre. C’est donc les deux étapes qui devront suivre la découverte de coïntégration entre variables dans le modèle estimé. Mais d’abord, avant de calculer la valeur du coefficient de coïntégration, il faut identifier la présence de coïntégration. Nous évaluons donc la présence de coïntégration entre les variables du modèle proposé à l’aide de trois tests couramment utilisés dans la littérature : (Pedroni 1999; Kao et Chiang 2000; Westerlund 2005).

D’abord, le test de Kao pose l’hypothèse que le coefficient de coïntégration est le même pour tous les panels (les régions dans notre étude). Ainsi, le coefficient dans (1) est contraint en . La puissance du test est favorisée par le fait qu’il utilise tous les panels pour estimer un seul et unique . Toutefois, cette hypothèse est restrictive : on tendra naturellement à penser que l’effet d’une variation du revenu, par exemple, aura plus d’impact sur les prix dans une région densément peuplée que dans une région où l’étalement urbain permet une augmentation de l’offre d’habitations sans grande pression sur les prix de celles-ci. Les deux prochains tests, Pedroni (1999) et Westerlund

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(2005), ne font pas l’hypothèse restrictive d’un commun et permettent plutôt la possibilité que celui- ci diffère d’une région à l’autre.

Comme nous pouvons le constater dans le Tableau 3, les résultats des tests permettent d’affirmer que l’évidence la plus solide relativement à la présence de coïntégration apparaît dans le cas du revenu et du prix (haut du tableau). En effet, la majorité des déclinaisons des tests de Kao, Pedroni et Westerlund rejettent de manière décisive l’hypothèse nulle d’absence de coïntégration. Ensuite, le tableau recense les résultats des tests de coïntégration entre le prix et la population (deuxième panel du Tableau) : les tests de Pedroni concluent majoritairement qu’il y a présence de coïntégration entre la population et les prix tandis que les deux autres séries de tests (Kao et Westerlund) ne peuvent pas exclure l’hypothèse nulle d’absence de coïntégration. Enfin, les deux derniers tests effectués évaluent la présence d’une relation de coïntégration liant les prix non seulement au revenu, mais également à une variable démographique : la population (test 3) et la densité (test 4). Bien que les résultats de ces tests suggèrent une possibilité de coïntégration entre prix, revenu et population (panel 3 du tableau), l’estimation de cette relation est non viable en raison de la taille de l’échantillon. Globalement, les résultats du test de Westerlund se montrent systématiquement plus concluants pour les estimations sans la restriction d’un unique : les résultats sous l’hypothèse d’un propre à chaque région sont plus significatifs que ceux où l’hypothèse est que le est le même pour tous les panels.

La relation de coïntégration que les trois tests identifient comme étant la plus concluante est donc celle entre le prix et le revenu par habitant et ce, en présence d’un différencié selon les régions. Ces résultats sont en phase avec les conclusions d’Oikarinen & Engblom (2016) et c’est cette hypothèse qui sera retenue pour notre travail économétrique. Il est important toutefois de noter que les variables démographiques continueront de pouvoir affecter l’évolution des prix de l’immobilier, à travers les ajustements vers la tendance de long terme décrits par l’équation (3).

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Tableau 3 : Présence de coïntégration entre le prix de l’immobilier et des variables

macroéconomiques ou démographiques

Kao (1999) Pedroni (2000, 2004) Westerlund (2005)

δj δ δj δ δj δ Revenu disponible MPP 0,0397 0,0336 PP 0,0000 0,4976 MDF 0,0305 DF 0,0601 ADF 0,1861 0,0000 0,0000 UmDF 0,0954 mDF 0,1007 VR 0,0031 0,0072 0,0081 Population MPP 0,0114 0,0273 PP 0,0000 0,4680 MDF 0,4101 DF 0,0004 ADF 0,1014 0,0000 0,0000 UmDF 0,1895 mDF 0,0016 VR 0,0000 0,2886 0,3875 Revenu disponible + Population MPP 0,1644 0,1674 PP 0,0000 0,3715 MDF 0,0271 DF 0,0576 ADF 0,1891 0,0158 0,0012 UmDF 0,0932 mDF 0,0999 VR 0,0490 0,0394 0,0630 Revenu disponible + densité MPP 0,0425 0,0498 PP 0,0365 0,1973 MDF 0,0033 DF 0,0117 ADF 0,3217 0,0007 0,4832 UmDF 0,0194 mDF 0,0227 VR 0,0515 0,0272 0,0551

Notes: Le tableau rapporte les p-stats des différents tests de coïntégration proposés dans Pedroni (1999), Kao et Chiang (2000) et Westerlund (2005) : Philips-Perron modifié (MPP), Philips-Perron (PP), Dickey-Fuller Modifié (MDF), Dickey-Fuller (DF), Dickey-Fuller augmenté (ADF), Dickey-Fuller modifié non-ajusté (UmDF), Dickey-Fuller non- ajusté (mDF), Ratio de variance (VR). Tous les tests ont comme hypothèse nulle H0 : absence de coïntégration. Les résultats en caractères gras sont significatifs au seuil de 10 %.

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Nous pouvons donc conclure qu’il existe bel et bien une relation de coïntégration entre le revenu ( ) et les prix ( ) et que le coefficient de coïntégration est différencié selon les régions ( ). En d’autres mots, lorsqu’il y a modification du revenu disponible par habitant dans une région donnée, on s’attend à ce que le prix des habitations dans la région soit modifié en conséquence, mais d’un multiple différent pour chaque région. Il est important d’avoir au préalable testé l’absence de racine unitaire, car la relation de coïntégration aurait pu être attribuée à des variables qui ont une covariance constante simplement dû à une relation temporelle fortuite.

Une fois la présence de coïntégration entre revenus et prix de l’immobilier confirmée, nous estimons maintenant le coefficient de coïntégration ( ) pour chaque région. Le Tableau 4 illustre ces résultats pour chacune des régions pour lesquelles l’estimation était possible. Ces estimations utilisent la méthode PDOLS (Pedroni, 2001).

Tableau 4 : Coefficients de coïntégration entre prix et revenu par habitant (PDOLS en log- niveaux, Pedroni 2001)

Revenu disponible en log-niveaux

Région Constante ( ) Coefficient ( ̂) Test t

1 Bas-Saint-Laurent 2 Saguenay-Lac-Saint-Jean -11,61 2,37 124,2 3 Capitale-Nationale -26,23 3,85 20,7 4 Mauricie -9,12 2,11 64,46 5 Estrie -3,71 1,59 50,41 6 Montréal -36,66 4,94 20,34 7 Outaouais -7,98 2,02 28,32 8 Abitibi-Témiscamingue -10,22 2,21 69,78 9 Côte-Nord -9,45 2,12 27,63 10 Nord-du-Québec 11 Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine 12 Chaudière-Appalaches -14,25 2,64 6,028 13 Laval -36,28 4,88 13,55 14 Lanaudière -14,00 2,62 29,85 15 Laurentides -3,62 1,59 5,25 16 Montérégie -9,64 2,19 15,78 17 Centre-du-Québec Test joint: -14,83 2,70 132,1

Notes: Les résultats des tests t sont normalisés à N(0,1). Il n'y a pas assez de données disponibles dans les panels 1, 10, 11 et 17 pour pouvoir obtenir un résultat. Le test joint est donc effectué uniquement sur les panels ayant une valeur inscrite au tableau.

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Lorsque le revenu disponible augmente dans une région densément peuplée, il est raisonnable de penser que la difficulté de développer rapidement de nouvelles habitations aura comme résultat de faire augmenter la moyenne de prix de vente des unités d’habitation, alors que cette augmentation devrait être plus modérée suite à une modification du revenu disponible dans une région moins densément peuplée. L’élasticité-revenu des prix des habitations est donc normalement plus élevée dans les régions densément peuplées telles que Montréal et Laval que dans les régions relativement moins peuplées telles que l’Estrie et Chaudière-Appalaches. Les résultats illustrés dans le Tableau 4 concordent avec cette intuition : ils démontrent que lorsque le revenu disponible par habitant augmente d’un pour cent, le prix moyen de vente des unités d’habitations est, à long terme, voué à augmenter de 1,59 % en Estrie et dans les Laurentides, par exemple, mais jusqu’à 4,94 % dans la région administrative de Montréal. Ces résultats concordent avec le résultat des recherches de Saiz (2010), qui considère la terre comme un intrant rare et donc très peu élastique. La Figure 2 illustre graphiquement les résultats du Tableau 4 en les plaçant sur une carte du Québec et en identifiant les régions par degré de coïntégration entre revenu et prix.

Il importe de mentionner que les régions pour lesquelles aucun coefficient de coïntégration n’est affiché n’ont pas été incluses dans cette analyse, en raison d’un manque de données disponibles. En effet, la routine PDOLS de Pedroni (2001) nécessite des panels parfaitement équilibrés. Pour la suite, le coefficient de coïntégration qui sera imputé à ces quatre régions est celui du test joint. Imputer une valeur de coïntégration à une région n’a évidemment pas que des avantages. Les régions pour lesquelles des résultats ont été imputés sont des régions à basse densité qui ont vraisemblablement un coefficient d’élasticité relativement bas. Ce processus pourrait donc surestimer l’élasticité-revenu et par conséquent la tendance à long terme des prix de l’immobilier relativement au revenu par habitant de la région. Toutefois, conserver ces régions dans notre analyse permet d’obtenir un point de vue plus clair des dynamiques démographiques ayant cours dans la province. Même si les conclusions seront utiles, il faudra dès lors ajouter un bémol sur les résultats relatifs aux régions pour lesquelles on a imputé des résultats, soit le Bas-Saint-Laurent, le Nord-du-Québec, la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et le Centre-du-Québec.

La Figure 3 illustre la performance de l’équation (2), en rapportant à la fois le prix observé ( ) (ligne

continue) et le prix prédit par la relation de coïntégration avec le revenu ( ) (ligne pointillée), imputée à l’aide des coefficients exposés dans le Tableau 4. On compare donc les résultats de

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l’équation (2) avec les variations réelles du marché immobilier dans les régions du Québec. Une analyse visuelle tend à confirmer que les coefficients estimés par la méthode de Pedroni au Tableau 4 sont relativement performants. On notera toutefois que le modèle n’arrive pas à bien reproduire les diminutions de prix ayant été observées récemment dans certaines régions (Saguenay - Lac - St - Jean, Capitale-Nationale, etc.) : on peut présumer que cela est dû au fait que le revenu disponible a continué de croître dans ces régions alors que l’évolution des prix de l’immobilier affichait un certain essoufflement.

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