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La présence de cet ARNt bivalent dans les génomes mitochondriaux de plusieurs espèces d’Isopodes terrestres témoigne d’importantes pressions de sélection pour maintenir ces deux gènes sur le même locus mitochondrial (Doublet et al. 2008 ; résultats brut en annexe 11). Ces pressions de sélection sont vraisemblablement liées aux contraintes fonctionnelles de ces deux ARNt nécessaires pour l’apport des acides aminés Alanine et Valine lors de la traduction. L’hétéroplasmie de l’ADNmt des Oniscidea qui en résulte, entraîne une situation alors très peu observée : deux ARNt différents (Alanine et Valine) possédant la même séquence nucléotidique et formant théoriquement les mêmes structures secondaires et tertiaires. Le seul autre exemple connu de ce type est celui de l’ARNtGly des mitochondries de marsupiaux, pour lequel 50% des transcrits subissent une édition de la seconde base de l’anticodon créant ainsi un ARNtAsp (Janke & Pääbo 1993; Börner et al. 1996; Janke et al. 1997). Mais à la différence de ces ARNt de marsupiaux dont seuls les transcrits divergent, les Oniscidea possèdent les deux ARNt au niveau même de la séquence d’ADN (Marcadé et al. 2007; Doublet et al. 2008).

Malgré la présence partagée de cet ARNt bivalent chez plusieurs espèces d’Oniscidea, témoignant d’une probable fonctionnalité, nous ne savons pas si ces deux gènes différents, mais extraordinairement proches, sont tous les deux réellement utilisés par les mitochondries. Afin de nous en assurer, plusieurs vérifications ont été faites.

1.

Le code génétique mitochondrial d’A. vulgare

De part son origine bactérienne, l’ADNmt possède un code génétique différent de celui de l’ADN nucléaire de ses cellules hôtes. Chez les Métazoaires, ce code génétique a beaucoup évolué, de telle sorte que beaucoup de taxons possèdent leur propre code génétique mitochondrial (Knight et al. 2001). Chez les Arthropodes, il est couramment admis que le code génétique mitochondrial est celui qui a été décrit initialement chez la drosophile (de Bruijn 1983; Clary & Wolstenholme 1985 ; voir annexe 7). Toutefois, récemment, Abascal et al. (2006a) ont démontré que des changements de code génétique se sont régulièrement produits dans l’ADNmt de certains Insectes et Crustacés. Ces changements se font grâce à des mutations au niveau des anticodons d’ARNt, réassignant ainsi un codon vers un nouvel acide aminé (Sengupta et al. 2007).

Dans le cas de l’ARNtAla/Val, il est essentiel avant de vérifier si ces deux ARNt sont fonctionnels, de savoir si le code génétique mitochondrial d’A. vulgare est conservé. Une

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Figure V-1 : Analyse du code génétique mitochondrial d’Armadillidium vulgare avec le programme

GenDecoder (Abascal et al. 2006b), à partir de la portion du génome déposée dans GenBank (Marcadé et al. 2007). La ligne Expected correspond aux acides aminés attendus pour chaque codon. La ligne Predicted correspond aux acides aminés prédits à partir des séquences des gènes mitochondriaux d’A. vulgare. Les lignes First, Second et Third correspondent aux nucléotides composant les codons.

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modification du code qui réassignerait le codon UGC de l’Alanine en Valine, ou le codon UAC de la Valine en Alanine ne donnerait pas le même sens à l’hétéroplasmie sur cet ARNt. Pour réaliser cette analyse, nous avons utilisé le programme de vérification du code génétique mitochondrial GenDecoder (Abascal et al. 2006b). Le résultat de cette analyse, présenté dans la figure V-1, montre qu’il n’y a vraisemblablement pas eu de changement de code génétique mitochondrial chez A. vulgare, par rapport à celui de la drosophile. GenDecoder a néanmoins détecté deux éventuels changements dans le code génétique mitochondrial d’A. vulgare (lettres rouges dans la figure V-1) : un changement du codon TGC de Cystéine vers Alanine, et un changement du codon AGG de Sérine vers Glycine. Toutefois, le programme estime ces changements peu probables : ils sont notés par une lettre minuscule dans la figure V-1. Afin de nous assurer que le code génétique mitochondrial des Isopodes n’a pas subi de changement, nous avons aussi vérifié le code génétique des ADNmt de Ligia oceanica et d’Idotea baltica. Nous n’avons pas détecté de changement chez ces deux espèces (résultats en annexe 12).

Le programme GenDecoder a également permis de vérifier l’utilisation des codons. Dans le génome mitochondrial d’A. vulgare, les codons GCA et GTA sont utilisés respectivement 51 et 118 fois (annexe 13). Leurs codons synonymes GCT, GCC et GCG pour l’Alanine, et GTT, GTG et GTC pour la Valine sont utilisés respectivement 97, 21 et 7 fois pour l’Alanine, et 107, 37 et 11 fois pour la Valine. Ainsi l’hypothèse d’une non utilisation des acides aminés Alanine et Valine dans la traduction des protéines mitochondriales chez A. vulgare est également écartée. Les anticodons UGC et UAC sont donc bien utilisés pour l’Alanine et la Valine dans le génome mitochondrial d’A. vulgare. L’ARNt est bien bivalent pour ces deux acides aminés.

2.

Structure secondaire de l’ARNt bivalent

Après avoir vérifié la bonne assignation des codons GCA et GTA, nous avons examiné la structure et la séquence de cet ARNt bivalent pour déterminer si celui-ci peut être fonctionnel. La recherche de la structure de cet ARNt a été présentée dans le chapitre précédent. Avec le logiciel tRNAscan-SE, nous avons effectivement réalisé une recherche dans le génome mitochondrial d’A. vulgare des ARNt possédant une forme classique. Nous avons vu que ce logiciel avait détecté deux ARNt, dont l’ARNtAla/Val. Ce premier test témoigne que cet ARNt possède une structure conservée.

Pour examiner la séquence nucléotidique de cet ARNt, nous nous sommes ensuite basés sur les travaux de Kumazawa & Nishida (1993). Ces auteurs avaient démontré la

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Figure V-2 : Comparaison entre les bases conservées des ARNt mitochondriaux décrites par

Kumazawa & Nishida (1993), à gauche, et l’ARNt bivalent d’Armadillidium vulgare (dessin de Doublet et

al. 2008), à droite. Les bases conservées sont notées par un cercle orange. V pour les nonuridine (A, G

ou C), Y pour les pyrimidines (C ou U) et R pour les purines (A ou G). Ces bases conservées ne participent pas à l’identité des ARNt. L’ARNt bivalent a été dessiné avec le logiciel RNAviz (De Rijk & De Wachter 1997).

Figure V-3 : RT-PCR sur l’ARNtAla/Val à partir d’ADNc de deux populations d’A.

vulgare (populations « WX » du Danemark et « Al » d’Espagne. M désigne le marqueur de taille.

Tableau V-1 : Résultats de séquençages

des produits de RT-PCR sur l’ARNtAla/Val des populations d’A. vulgare « AL » d’Espagne et « WX » du Danemark.

Alanine Valine AL 4 36,7% 7 63,6% WX 5 50,0% 5 50,0% Total 9 42,9% 12 57,1%

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présence de trois bases conservées dans les ARNt mitochondriaux des Métazoaires. Ces trois bases se retrouvent dans l’ARNtAla/Val d’A. vulgare. Elles se situent à la base du bras « D » (« D stem ») et dans la boucle de l’anticodon (voir figure V-2).

La structure de cet ARNt bivalent s’avère donc bonne et ces deux gènes semblent bien fonctionnels. Néanmoins cette fonctionnalité doit être vérifiée. Pour cela, nous avons réalisé, comme pour les autres ARNt du génome d’A. vulgare (chapitre précédent) des expériences d’expressions des ARNtAla/Val.

C.

C.C.