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Mécanismes des réarrangements de l’ordre des gènes

C. Résultats préliminaires sur la Résultats préliminaires sur la Résultats préliminaires sur la Résultats préliminaires sur la synténie de l’ADNmt des synténie de l’ADNmt des synténie de l’ADNmt des synténie de l’ADNmt des Oniscidea

2. Mécanismes des réarrangements de l’ordre des gènes

Chez les Métazoaires, les réarrangements de l’ordre des gènes mitochondriaux sont fréquents. L’accumulation de séquences d’ADNmt ces dernières années a permis d’étudier ce phénomène et dorénavant il est largement admis qu’un phénomène particulier est à l’origine de ces réarrangements : le mécanisme de « duplication + perte aléatoire ». Ce phénomène se caractérise par une duplication, qu’elle soit totale ou partielle, en tandem ou en opposition, suivi de la perte aléatoire d’une copie de chacun des gènes dupliqués (Macey et al. 1998; Boore 2000). Ce modèle suppose donc une absence de pression de sélection pour le maintien des deux copies de chacun des gènes.

Cette théorie peut-elle s’appliquer aux Oniscidea ? Dans le génome mitochondrial atypique, présent chez un grand nombre d’Oniscidea, il existe une molécule « naturellement » dimérisée. Ces dimères pourraient alors être impliqués dans des réarrangements. De tels réarrangements de gènes suite à une dimérisation complète du génome mitochondrial ont déjà été proposés chez d’autres Arthropodes (Lavrov et al. 2002).

Pour vérifier l’hypothèse de l’implication des dimères dans d’éventuels réarrangements de gènes mitochondriaux chez les Oniscidea, nous n’avons pas obtenu assez de résultats. Nous venons de voir que des changements de synténie se sont probablement produits chez deux espèces d’Oniscidea, A. officinalis et A. floridana, mais nous ne connaissons pas la structure de leur ADNmt. En revanche, nous pouvons nous intéresser au résultat obtenu par Roehrdanz et al. (2002) pour un Oniscus sp. Ces auteurs ont en effet observé une suite de gènes Nad1-12SARNr-16SARNr-Nad6-Nad4L-Nad4 chez cette espèce non déterminée. Cette suite de gènes ne se retrouve pas dans les génomes séquencés des Isopodes I. baltica, L. oceanica et A. vulgare. Nous avons donc analysé cette séquence de gènes et tenté d’expliquer les étapes nécessaires pour passer de l’ordre des gènes d’origine (celui observé chez les trois Isopodes) à cette suite de gènes observée par Roehrdanz et al. (2002). En comparant ces deux génomes (figure VI-6), nous avons déterminé qu’il fallait

Distribution de l’ADNmt atypique

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Figure VI-6 : Représentation schématique du réarrangement génique observé chez un Oniscus sp. par

Roehrdanz et al. (2002). En haut est représenté l’ordre des gènes mitochondriaux observé chez les Isopodes A.

vulgare, L. oceanica et I. baltica, et en bas l’ordre des gènes observé chez un Oniscus sp. (Roehrdanz et al.

2002). La flèche désigne le changement d’orientation et de localisation du groupe de gène 16SARNr – Nad6 –

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deux étapes pour obtenir la synténie observée chez l’Oniscus sp. : (i) un changement d’orientation du groupe de gène Nad4-Nad4L-Nad6-16SARNr par rapport au reste du génome et (ii) un changement de brin de ce même groupe de gène. Pour obtenir un tel changement dans un génome dupliqué en tandem (avec des jonctions de type « tête-queue »), ces deux étapes devraient se faire séparément. En revanche, dans un génome dupliqué présentant des dimères de type palindromiques, comme ceux que l’on observe dans les génomes atypiques des Oniscidea (avec des jonctions « tête-tête »), un seul événement de réarrangement est nécessaire (figure VI-6).

Dans le cas de cet Oniscus sp. décrit par Roehrdanz et al. (2002), nous ne savons pas s’il s’agit d’une espèce qui possède un génome mitochondrial atypique. Il est cependant possible que cela soit le cas s’il s’agit réellement d’une espèce du genre Oniscus. Nous avons démontré dans ce chapitre que l’espèce Oniscus asellus présente bien un ADNmt atypique. De plus, nous avons aussi démontré que le génome mitochondrial atypique de l’espèce Oniscus asellus présente une taille totale de ~48 kb, soit 3x~16 kb, ce qui correspond à une augmentation de la taille de ~2 kb par monomère par rapport aux autres Oniscidea au génome atypique (Doublet et al. en prép.). Dans le cadre de réarrangements géniques, il a justement été démontré qu’une augmentation de la taille du génome peut être la conséquence de ce mécanisme de duplication + perte aléatoire, due à la présence de copies de gènes non fonctionnelles (pseudogènes) qui n’ont pas encore été éliminées par la sélection (Macey et al. 1998; San Mauro et al. 2006; Fujita et al. 2007). Evidemment, pour l’instant aucune donnée ne confirme les liens entre l’augmentation de la taille du génome mitochondrial d’Oniscus asellus, l’observation d’un nouvel ordre génique et la présence de pseudogènes. D’ailleurs nous n’avons pas retrouvé chez Oniscus asellus le même ordre des gènes observé par Roehrdanz et al. (2002). Cependant, si l’Oniscus sp. de Roehrdanz et al. (2002) possède bien un ADNmt atypique, nous pourrions imaginer que ce réarrangement se soit réalisé en une seule étape, par duplication + perte aléatoire, à partir d’un dimère d’ADNmt palindromique, comme cela est représenté dans la figure VI-6.

Néanmoins, si des réarrangements géniques se font grâce à la dimérisation, il faudra éclaircir un point important : est-il possible qu’une perte aléatoire de gène se produise sur un dimère et que l’ADNmt reste sous la conformation atypique (dimères + monomères) ? En effet, on peut se demander ce que devient le dimère s’il y a une perte de gènes : la disparition d’une copie de chacun des gènes d’un dimère conduira à la formation d’un monomère à la synténie différente. Ainsi, soit le génome perd sa structure atypique, soit le génome retrouve une structure atypique à partir de ce nouveau monomère possédant une nouvelle synténie.

Distribution de l’ADNmt atypique

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Dans cette troisième partie, nous avons montré que la structure atypique du génome mitochondrial observée chez A. vulgare et P. pruinosus est également présente chez un très grand nombre d’Oniscidea. A l’heure actuelle, seule l’espèce L. oceanica a été observée avec un génome mitochondrial de type classique, présentant seulement des molécules circulaires monomériques.

Nous avons également démontré en élargissant cette étude à deux espèces d’Isopodes aquatiques non-Oniscidea que la structure atypique du génome mitochondrial pouvait être largement répandue chez les Isopodes. En effet, nous avons découvert que cette structure atypique existait également chez l’espèce d’eau douce Asellus aquaticus (Asellota). Cette observation est à mettre en parallèle avec la probable présence d’un ADNmt atypique chez une espèce d’Isopode marin Idotea baltica, dont le génome mitochondrial n’a pas pu être séquencé entièrement.

En revanche, l’observation d’un ADNmt de type classique chez l’Isopode marin Sphaeroma serratum, ainsi que chez L. oceanica, suppose que des événements de réversion ou de convergence de la structure atypique de l’ADNmt ont eu lieu au cours de l’évolution des Isopodes.

La forte corrélation observée entre la présence d’ADNmt atypique et la présence de l’hétéroplasmie sur le gène de l’ARNtAla/Val suggère également que les deux phénomènes sont liés. Ainsi, nous pensons que la mise en place de la structure atypique de l’ADNmt des Isopodes est l’étape cruciale qui a permis l’apparition de l’ARNt bivalent chez les Oniscidea. De plus, il est probable que cette hétéroplasmie soit ensuite devenue un facteur de maintien de la structure atypique chez ces espèces.

Enfin, nous avons discuté dans cette partie d’une possible évolution de l’ordre des gènes mitochondriaux dans les génomes d’Oniscidea. A partir de résultats préliminaires, ainsi que de données issues de la littérature, il semblerait que quelques espèces d’Oniscidea ne présentent pas le même ordre des gènes qu’A. vulgare et L. oceanica. Toutefois, nous ne connaissons pas la structure de l’ADNmt de ces espèces. Il serait donc intéressant de poursuivre cette analyse afin de voir si les dimères d’ADNmt des Oniscidea peuvent être des catalyseurs de réarrangements géniques.

Histoire évolutive de l’ADNmt atypique

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VII.

VII.VII.

VII.

Reconstruction de l’histoire évolutive de l’ADNmt Reconstruction de l’histoire évolutive de l’ADNmt Reconstruction de l’histoire évolutive de l’ADNmt Reconstruction de l’histoire évolutive de l’ADNmt