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3.2. Résultats antérieurs

Nous les avons très brièvement rappelés dans l’introduction générale de ce mémoire, nous les présentons un peu plus explicitement dans cette section et en donnons quelques illustrations.

Il est aujourd’hui reconnu que des anomalies élastiques existent effectivement dans de nombreux systèmes c.c./c.f.c. (Nb/Cu[Kue1982, Far1991], Fe/Cu[Ful1993 a)], Mo/Ni[Khan1983, Sch1986, Cle1988, Ric1992]) et plus rarement dans des systèmes c.c./c.c. (Mo/Ta[Bell1987]) voire c.f.c./c.f.c. (Ag/Pd[Dut1990]). Un fort adoucissement de certains modules élastiques, et plus particulièrement du module de cisaillement, est observé lorsque la période de ces super-réseaux décroît. Ce comportement est d’autant plus fréquent et prononcé que le désaccord paramétrique est grand et la miscibilité des deux éléments est faible, c’est-à-dire pour des systèmes où des interfaces incohérentes et abruptes sont attendues. Le système Mo/Ni a fait l’objet de plusieurs études au laboratoire, la première étude (thèse de F. Tamisier[Tam1998]) concernait des multicouches de composition équiatomique et était essentiellement motivée par l’interdépendance entre les mécanismes de mélange par faisceau d’ions et la transition cristal/amorphe des couches. Il était montré dans ce travail que la fluence critique pour observer une transition vers une phase amorphe se produisait, non pour un taux de mélange donné (transition aux interfaces), mais variait de manière quadratique avec la période. Ceci mettait en évidence que les mécanismes d’interdiffusion et la redistribution atomique ne sont pas le résultat d’un mélange purement balistique mais sont guidés par des forces thermodynamiques. La seconde étude (thèse de F. Martin[Mar2003]. portait sur l’interdépendance entre la microstructure, les contraintes et les propriétés élastiques des multicouches Mo/Ni dont le rapport des épaisseurs était 1:2. Les travaux que nous présentons dans ce mémoire et les objectifs de la présente étude ont été motivés par les résultats relativement récents obtenus par F. Martin, résultats que nous souhaitons donc exposer brièvement.

Afin d’expliquer la présence d’anomalies élastiques observées dans différents systèmes multicouches, de nombreuses études quantitatives sur la microstructure, l’état de déformation et le désordre structural ont été menées dans le système Mo/Ni mais aussi dans d’autres systèmes essentiellement par DRX. La diminution des modules de cisaillement (C44, qui traduit un cisaillement de plans parallèles aux interfaces) et de compression (C33, parallèle à la direction de croissance), était corrélée à une expansion de la distance interplanaire moyenne dans la direction de croissance[Khan1983, Sch1986, Cle1988] ou associée à un possible désordre interfacial capable d’induire une transition cristal/amorphe aux plus petites périodes[Khan1983, Sch1986, Cle1988, Ric1992, Ful1993 b)].

Différents modèles théoriques ont été proposés afin de relier les propriétés élastiques à des mécanismes électroniques ou structuraux :

i) la présence de déformations en volume induites par une modification de la structure de bandes due soit à une modulation de composition périodique artificielle de dimension caractéristique nettement plus importante que la distance interatomique moyenne[Pic1982, Wu1982] soit à la différence entre les niveaux de Fermi des deux matériaux[Hub1989] (les constantes d’élasticité étant intimement liées à la structure électronique du cristal, un changement de cette dernière peut conduire à leur modification ;

ii) des contraintes superficielles aux interfaces produisant une contraction du paramètre de maille dans le plan des couches et une expansion dans la direction de croissance, et ce pour les deux constituants[Cam1989] ;

iii) des déformations induites par des interfaces cohérentes[Jan1985] ;

iv) l’existence d’interfaces assimilables à des joints de grains et présentant par conséquent un fort désordre structural au niveau atomique[Wolf1988, Jas1991].

Le système Mo/Ni présente les anomalies élastiques les plus prononcées comparativement aux données rapportées dans la littérature : un fort adoucissement de C44 (~ - 44%) et de C33 (~ - 33%) a été observé aux petites périodes par Khan et coll.[Khan1983], Schuller et coll.[Sch1983] et Clemens et coll.[Cle1988] dans des multicouches déposées par une technique de pulvérisation magnétron. Si la corrélation entre l’adoucissement des constantes d’élasticité et l’expansion de la distance interplanaire moyenne était fréquemment admise, l’origine de cette dernière était sujette à controverse, puisque des interprétations contradictoires étaient avancées : Khan et coll. et Schuller et coll. attribuaient ce phénomène à des déformations en volume dans les sous-couches de nickel dues à des effets de transferts électroniques, alors que Clemens et coll. concluaient à des effets interfaciaux ; enfin, Bain et coll.[Bain1991], par une détermination complète de l’état de contrainte des couches élémentaires, démontrèrent que cette expansion pouvait être entièrement expliquée par les contraintes de cohérence dues à la croissance épitaxiale du système Mo/Ni et par les contraintes d’interaction-substrat (ou contraintes de croissance), rejetant ainsi tout effet de contraction aux interfaces (associées évidemment à une dilatation dans la direction de croissance).

Partant de ces résultats un peu discordants, notre groupe a décidé de réexaminer le système Mo/Ni afin d’apporter des éléments complémentaires de compréhension et d’explication aux phénomènes d’anomalies élastiques. Des multicouches Mo/Ni de différentes périodes ont donc été élaborées par pulvérisation par faisceau d’ions, donc dans des conditions de dépôt énergétiques. Elles ont été déposées sur un substrat neutre de silicium et présentaient alors une croissance à texture de fibre Mo(110)/Ni(111) ou bien sur substrat de saphir orienté [1120] pour obtenir une croissance épitaxiale. L’effort a consisté à coupler des études structurales approfondies à l’aide de techniques conventionnelles (DRX, METHR) ou plus pointues (EXAFS sur synchrotron pour les solutions solides), à des techniques de mesure de propagation des ondes acoustiques excitées par une impulsion laser (Acoustique pico-seconde en coll. avec le LMDH, Paris VI et

Diffusion Brillouin en coll. avec le LPMTM, Université Paris-Nord) permettant des mesures fiables adaptées à la caractérisation de films minces sur substrat. L’originalité du travail a été d’utiliser l’irradiation aux ions dans le domaine des moyennes énergies (quelques centaines de keV) dans le but d’induire, de manière contrôlée, des changements structuraux (relaxation des contraintes de croissance, interdiffusion aux interfaces…) et d’en examiner l’influence sur les propriétés élastiques.

Une caractérisation complète des distances interplanaires dans les couches individuelles a été obtenue en fonction de la période des multicouches, et ce pour des multicouches brutes de croissance et des multicouches relaxées par irradiation aux ions. La détermination des propriétés élastiques a été menée parallèlement. L’étude des propriétés élastiques et structurales des solutions solides MoxNi1-x a indéniablement apporté un éclairage nouveau et permis d’étayer les interprétations proposées.

0.306 0.308 0.310 0.312 0.314 0.316 0.318 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 0 0.1 0.2 0.3 0.4 aMo (n m) 2/Λ (nm-1) CNi bulk Mo Λ (nm) 2.5 5 10 20 0.03 0.02 0.01 1/ C44 (GP a -1 ) 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 2/Λ (nm-1) 30 10 5 2.5 2 1/C∞44 1/2tint Λ (nm) 1/Cint44

FIG. I-12 : Principaux résultats obtenus par Martin et coll. a) Evolution du paramètre de maille moyen des couches de

Mo aMo après relaxation des contraintes par irradiation aux ions et concentration moyenne en Ni correspondante (déduite d’une loi de mélange) ; b) Evolution de (1/C44) en fonction de la densité d’interfaces (2/Λ) dans des multicouches Mo/Ni (Λ variant de 55 à 1,6 nm) et ajustement des données à un modèle prenant en compte l’existence d’une couche interfaciale très douce (C44int = 31 GPa) ; c) Evolution de la constante élastique C44 de solutions solides MoxNi1-x ; notons le fort adoucissement observé dans les solutions solides sursaturées riches en Mo (structure c.c.) ou riches en Ni (structure c.f.c.) et l’effet de relaxation observé lors de la transition cristal/amorphe ; d) Image METHR d’une multicouche Ni/Ni0,6Mo0,4 mettant clairement en évidence la stabilisation par épitaxie de solutions solides sursaturées très loin de l’équilibre et très instables mécaniquement.

a) b) d) c) 30 40 50 60 70 80 90 100 110 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 C 44 (G P a ) x Mo structure FCC structure CC région d'amorphisation

Les résultats essentiels, illustrés par les figures I-12-a) à I-12-d), sont les suivants[Mar2003, Mar2005] : - démonstration que les déformations élastiques provenant des contraintes de croissance et à

l’origine de l’expansion des distances interplanaires moyennes (relativement à la valeur prédites) ne

sont pas responsables de l’adoucissement élastique observé ;

- mise en évidence d’un effet d’alliage aux interfaces provenant principalement d’une ségrégation de Ni dans les couches de Mo ; ce mélange interfacial se traduit par une réduction du paramètre de maille intrinsèque aMo du Mo lorsque Λ diminue (valeurs de aMo bien inférieures à celles du massif, cf. Fig. I-12-a)) ;

- démonstration de la corrélation directe entre la diminution du module de cisaillement C44 mesuré dans les multicouches et la présence du mélange interfacial ; la prise en compte d’une couche "élastiquement douce" aux interfaces permet de décrire correctement l’évolution de cet effet d’adoucissement en fonction de la densité d’interfaces 2/Λ (cf. Fig. I-12-b)) ;

- confirmation, dans des solutions solides MoxNi1-x, de la relation entre instabilité structurale et

instabilité mécanique observée dans les multicouches (Fig. I-12-c)) et mise en évidence de la stabilisation par un mécanisme interfacial de solutions solides sursaturées très loin de l’équilibre thermodynamiques (Fig. I-12-d)).