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indique clairement le défaut de concentration prépondérante. Puisque les volumes

3.3. Mécanismes de relaxation sous irradiation - Discussion

Malgré toutes ses potentialités, l’étude du processus de relaxation sous irradiation aux ions a fait l’objet de relativement peu de travaux. A notre connaissance, les premières études ont concerné la mise en évidence par diverses méthodes (DRX, C-RBS, mesure de courbures) couplées éventuellement à des études cinétiques, d’une relaxation des déformations dans des super-réseaux. Citons, par exemple, les études de Mantl et coll.[Man1987] dans W/Mo, de Hues et coll.[Hues1989] dans le système Ag/Co, de notre groupe dans les systèmes Cu/W[Bad1993], Fayeulle et coll.[Fay1999] dans des multicouches TiN/BCN. Des observations en microscopie électronique ont été également menées sur des hétéro- structures épitaxiées Si1-xGex sur substrat de Si par Holländer et coll.[Hol1999], Glasko et coll.[Gla1999]. Plus récemment, plusieurs études ont été reportées dans des matériaux réfractaires, l’étude de Nowak et coll.[Now1999] dans des films de HfN soumis à de fortes contraintes de compression, celles des groupes de Ziemann à Ulm[Boy2000] et de Möller à Dresde[Fitz2002]

portant sur des revêtements durs de BN cubique. Les réarrangements atomiques provenant des effets de pointe thermique dans les cascades de déplacements sont en général simplement invoqués pour expliquer ce processus, interprétation rejoignant d’ailleurs l’effet de relaxation observé pour des conditions d’assistance ionique très énergétiques lors de la croissance des films minces (cf. résultats expérimentaux cités au III.4.3 et le modèle de Davis, chapitre I.1.2.2). Dans les couches épitaxiées de semi-conducteurs, de qualité quasi-monocristalline, la relaxation ne se produit que pour des irradiations à haute température ou pour des irradiations suivies de recuits thermiques, elle prend place par la formation de défauts étendus (boucles de dislocation, cavités…) pouvant être éventuellement formés dans le substrat, voire par modification de structure de ce dernier.

Un intérêt plus récent aux détails de la cinétique de relaxation et aux mécanismes à l’échelle microscopique a suscité des études spécifiques dans des films métalliques purs ou alliages. Une attention spéciale a été portée à la relaxation des films amorphes stables (verres métalliques à haute température de transition vitreuse Tg, oxydes amorphes) dont les propriétés mécaniques sont connues. C’est une situation simple où les effets de changements de structure, de texture ou de taille des cristallites n’influencent évidemment pas l’état de contrainte du film. Ces travaux ont été menés à la suite de la mise en évidence par C. Volkert du processus de relaxation se produisant dans la phase amorphe du silicium et les analyses calquées sur la sienne. La modélisation repose sur l’idée que la déformation plastique induite sous

produirait donc selon un mécanisme d’écoulement visqueux de type Newtonien, le paramètre fluence remplaçant le paramètre temps. La vitesse de déformation, et par conséquent la vitesse de relaxation de la contrainte, est alors proportionnelle à la contrainte :

B rad

Y

d

d 6

σ

= − σ

φ η

ηrad définissant la viscosité (en GPa.dpa) du film induite sous irradiation, grandeur susceptible de varier avec la fluence. L’intégration de cette équation conduit à une simple fonction exponentielle (comme nous l’avons précédemment postulé par la simple hypothèse que chaque ion provoque la relaxation d’un petit volume, (cf. équation (4.30) : B 0 rad Y ( ) exp 6   σ φ = σ − φ η  

équation qui peut évidemment être transcrite en fonction de la dose en dpa :

B dpa 0 dpa rad Y ( ) exp 6 '   σ ν = σ − ν η   (4.31)

Parallèlement à cette relaxation plastique, il est possible d’envisager la contribution d’une vitesse de déformation provenant de mécanismes de changement de densité du film (densification de l’amorphe, implantation de gaz…). Dans l’hypothèse où cette vitesse de déformation, ε , est constante, c’est-à-dire indépendante de la fluence, l’équation ci-dessus se réécrit selon :

( )

B 0 sat sat rad Y ( ) exp 6   σ φ = σ − σ − φ + σ η  

σ = εη

sat

6

rad est la contrainte à saturation, pouvant prendre des valeurs positives ou négatives selon l’origine du processus.

Cette analyse a été appliquée à la relaxation des contraintes en tension de films amorphes de silice

SiO2[Sno1994], de matériaux covalents tels le silicium amorphe[Vol1992], des verres de borosilicates[Sno1995] ou à

des verres métalliques tels Zr65Al7,5Cu27,5 et Zr65Cu35[Mayr2003 (c)] par des irradiations de plusieurs centaines de keV jusqu’au MeV. Les viscosités, η’rad, observées sous irradiation sont comprises typiquement entre 0,27 et 0,4 GPa.dpa. Ces valeurs, converties en GPa.s (

t= φ φ

. ) sont assez proches de la viscosité d’un amorphe, à température proche de Tg, et intermédiaires de celles d’un liquide et d’un solide à température ambiante. L’étude de l’évolution de la morphologie de surface, ainsi que les simulations en dynamique moléculaire de la relaxation induite par des reculs de 5 keV dans un amorphe, confirment ce mécanisme ainsi que l’amplitude de la vitesse de relaxation observée[Mayr2003 (c)].

Une analyse similaire a été réalisée par Snoeks et coll.[Sno1997] dans un film de tungstène déposé par voie chimique et assisté par plasma, film soumis à une faible contrainte de croissance en tension (0,26 GPa).

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La valeur ηrad normalisée au module biaxial du tungstène,

η

rad

/ Y

BW, s’avère d’un ordre de grandeur plus élevé que celle des amorphes.

Nos films de molybdène sont de bonne qualité cristalline et les contraintes de croissance, associées à l’incorporation d’atomes interstitiels dans le réseau cristallin, sont très fortement compressives, – 3,8 GPa. Les contraintes ont donc une toute autre origine et un signe opposé par rapport aux films amorphes étudiés et sont clairement associées à des distorsions du réseau cristallin ; la relaxation peut a priori difficilement relever d’un mécanisme d’écoulement visqueux. Nos observations de la morphologie de surface ne montraient d’ailleurs aucune modification en faveur de ce mécanisme. Puisque l’évolution cinétique suit également une loi exponentielle, il est intéressant de déterminer la valeur du coefficient de viscosité "apparent" induit sous irradiation. En confrontant les deux équations (4.30) et (4.31), nous avons la

correspondance Mo

rel Y / 6 'B rad

α = η (avec Mo

B

Y ∼447 GPa), ainsi η'rad =9, 2 GPa.dpa, valeur d’un facteur 20 supérieure aux valeurs données par Averback[Mayr2003 (c)] pour les verres métalliques ; si l’on se réfère aux valeurs normalisées

η' / Y

rad B, la valeur est alors d’un ordre de grandeur plus élevée, ce qui met en évidence une résistance plus importante de la matrice cristalline aux réarrangements atomiques. Ceci peut indiquer que le processus de relaxation sous-jacent est différent.

Le scénario que nous avons avancé à la sect. 2.2 pour interpréter la relaxation des déformations élastiques et contraintes comporte plusieurs étapes : i) la croissance de boucles préférentiellement dans les plans de croissance (110) à partir d’amas de petits défauts, voire à partir de petites boucles fautées ii) leur transformation en boucles parfaites et enfin iii) leur élimination pour former des plans atomiques. Un flux atomique, plus précisément un flux de défauts ponctuels est clairement invoqué pour réduire l’état de contrainte. Ce mécanisme pourrait s’apparenter à un mécanisme de fluage observé dans les solides polycristallins déformés à haute température : le mécanisme de Nabarro-Herring, qui est aussi un mécanisme Newtonien. Notre film est soumis non seulement à une contrainte mais également à une irradiation. Il semble donc plus opportun de considérer les mécanismes de fluage observés pour des rubans massifs sollicités simultanément par une contrainte externe et par irradiation avec des fragments de fission.

Dans les solides cristallins isotropes, deux phénomènes ont été observés et ont fait l’objet de diverses études. Le premier, appelé fluage stationnaire, est observé à haute température (quelques centaines de °C), il concerne l’évolution sous flux et en présence de contraintes d’un réseau de dislocations. Par exemple, sous l’action d’une contrainte de tension, la dimension parallèle à cette contrainte augmente continuement. Le stade de nucléation des boucles est court et le phénomène correspond essentiellement à la croissance, c’est à dire l’absorption préférentielle des interstitiels s’échappant des cascades par les boucles orientées en

sympathie avec la contrainte (c’est à dire qui ont leurs plans parallèles (perpendiculaires) à la direction de la contrainte de tension (compression). Ce phénomène est connu sous l’acronyme SIPA, "Stress-induced Preferential Absorption of interstitials by loops". Citons à ce propos les résultats expérimentaux de Gilbert[Gil1976], et les descriptions théoriques de Heald et Speight[Hea1974], de Bullough et Hayns[Bul1975], ainsi que l’article de revue de Matthews et Finnis[Mat1988]. Le trait le plus caractéristique du processus de fluage SIPA est sa double dépendance linéaire avec la fluence et la contrainte appliquée. A basse température, il en

est tout autrement. Une période de fluage beaucoup plus longue, typiquement pour des doses de quelques dixièmes de dpa, permet de suivre la germination des boucles de dislocation individuelles à partir des premières cascades de déplacements, puis leur croissance jusqu’à sa saturation aux doses supérieures à 1 dpa, domaine où l’on atteint un régime stationnaire assez analogue au processus SIPA. Ce second mécanisme est appelé "fluage par germination orientée des boucles", en effet la contrainte appliquée rompt l’isotropie et lève ainsi la dégénérescence d’ordre 6 des boucles insérées dans les plans de type {110} dans les métaux c.c.. Ce processus est identifié par les anglo-saxons sous l’acronyme SIPN "Stress Induced Preferential Nucleation". Un changement de forme en résulte, qui se superpose à un changement de volume. Dans ce cas, la vitesse de fluage n’augmente pas linéairement avec la contrainte appliquée mais sature à 0.4–0.5 GPa : d’une valeur initiale élevée elle décroît avec la fluence pour atteindre une valeur comparable à celle du mécanisme SIPA. Des expériences astucieuses couplant mesures de résistivité et de longueur macroscopique ont été menées sur ce phénomène, plus particulièrement par le groupe de Fontenay aux Roses dans du tungstène et du molybdène irradiés à 20 K par des fragments de fission[Let1972, Leu1973, Pou1976, Zup1977]. Les vitesses de fluage observées diffèrent considérablement entre ces deux mécanismes, elles sont de l’ordre de 10-3 à 10-4 dpa-1 pour le processus SIPA et de 5×10-2 à 2×10-1 dpa-1 dans le stade initial pour le processus de germination orientée. Dans les deux cas, ces vitesses dépendent de la contrainte appliquée. Ces deux mécanismes reposent sur la forte mobilité des défauts au sein des cascades de déplacements que l’on peut associer à une température effective plus élevée que la température d’irradiation[Diaz1989, Nor1997].

Considérons maintenant notre film mince fixé soumis à une forte contrainte de compression selon les deux dimensions du plan du substrat. Nous avons émis l’hypothèse que les défauts de type interstitiel étaient condensés en très petits amas ou petites boucles réparties plus ou moins aléatoirement dans les différents plans {110}. La densité de ces défauts est extrêmement élevée et dépasse de loin celle qui résulte d’une germination sous irradiation à basse température. Ce film est par ailleurs sollicité par une irradiation avec des ions de quelques centaines de keV à température ambiante et donc la contrainte intrinsèque va décroître lors de la relaxation. Nous sommes dans une situation par conséquent très particulière, qui relève du processus SIPA mais réalisée, peut-on dire, ‘à basse température’. Le trait saillant de ce dernier processus est la variation linéaire de la vitesse de fluage avec la contrainte. Dans notre cas, la contrainte évolue au cours de la relaxation et nous retrouvons l’hypothèse émise pour décrire le comportement selon une exponentielle décroissante de la fluence. Nous pouvons estimer très approximativement l’ordre de grandeur de la vitesse de

fluage (ici selon la direction de croissance, donc multipliée par 2 relativement au cas décrit précédemment) à fluence φ tendant vers zéro à partir de nos très "grossières" courbes donnant les variations relatives d’épaisseur du film (Fig. IV-7) ; nous obtenons 5 ± 2 10-2 dpa-1 pour le film Mo(Ar) et 2 ± 1 10-2 dpa-1 pour le film Mo(Xe) et ceci pour des contraintes initiales de – 3,8 GPa et – 2,1 GPa, respectivement. Ces valeurs sont faibles pour un processus de germination orientée et plutôt fortes pour un processus type SIPA. Notons que les vitesses de déformation obtenues pour les deux types d’échantillons, Mo(Ar) et Mo(Xe), sont proportionnelles, aux incertitudes près, à la contrainte initiale, ce qui naturellement plaide pour un mécanisme reposant sur l’absorption des défauts vers les boucles possédant l’orientation appropriée. La population de petites boucles et de défauts préexistants est gigantesque et la contrainte initiale bien

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supérieure aux contraintes appliquées dans les expériences décrites ci-dessus (typiquement de 100 à 700 MPa). Tout ceci concourt à une accélération du flux atomique crée dans et près des cascades, flux évidemment guidé par une minimisation de l’énergie élastique. Il est donc tout à fait plausible que la vitesse de fluage dépasse les valeurs observées à 300-400°C pour les systèmes métalliques irradiés aux fragments de fission.

Nous avons déjà souligné la réduction de la vitesse de déformation, provenant de la décroissance de la contrainte lors du processus de relaxation, conduisant par conséquent à une évolution de type exponentielle ; une seconde différence relativement au processus SIPA réside dans la transformation des boucles bien orientées lors de leur croissance en plans atomiques de dimension finie dans les cristallites. Enfin, notons la résorption des boucles réparties sur les familles d’orientation défavorable à la relaxation, ce qui assure la suppression quasi-totale des déformations du réseau cristallin.

Une question subsiste néanmoins : comment les réarrangements atomiques, qui prennent place localement, c’est-à-dire à l’intérieur des cascades et sous-cascades, permettent-ils de relaxer les contraintes du film, étant donné que ce processus de relaxation implique une augmentation de volume de l’ordre de 1% pour les films Mo(Ar) ? ! L’état structural final de ces cascades à l’issue de la phase de relaxation est en effet contraint par l’adaptation à la matrice cristalline environnante. Si nous considérons le volume affecté par ion incident (100 nm3), volume déduit de la mesure de la section efficace de relaxation, il apparaît grand si l’on se réfère à la répartition des déplacements atomiques balistiques observés par simulation ; il engloberait en fait tous les espaces intercascades. Cette remarque suggère que la relaxation se produirait "d’emblée" sur la quasi-totalité de l’épaisseur du film. Dans l’analyse des déformations, nous ne percevons de plus aucun stade, en particulier à très petites doses, susceptible de caractériser la croissance des boucles (stade durant lequel la déformation dans la direction de croissance serait amplifiée alors que celle parallèlement aux plans diminuerait). Le flux atomique apparaît ainsi très fortement accéléré par la présence des défauts d’irradiation, et la relaxation semble donc se produire en direction de la surface sur l’échelle de temps de la durée de vie d’une cascade et de sa phase de relaxation (quelques picosecondes et plus). Le mécanisme se différentie alors assez peu en apparence, c’est-à-dire du point de vue des évolutions dans le temps et dans l’espace, d’un mécanisme de fluage par écoulement visqueux ! Seuls les mécanismes microscopiques de transport atomique liés à la structure diffèreraient.

Une description de la relaxation de films en tension a été proposée par Jain et Jain[Jain1995], suggérant que la relaxation se réalisait principalement par une germination orientée. La loi de croissance de ces boucles (rayon) était postulée présenter une dépendance avec la dose selon une puissance 1/3, ce qui entraînerait alors une loi de relaxation en phase de croissance selon une puissance 2/3 de la dose. L’application de cette description à la relaxation sous irradiation de films de Cr en tension a été présentée par Misra et coll.[Mis1999]. Les mesures de la contrainte étaient dans leur cas effectuées par mesure de la courbure, et aucune analyse structurale n’était reportée. Ces résultats sont difficilement comparables aux nôtres, l’origine des contraintes étant ici toute autre. L’étude expérimentale de films présentant une contrainte en tension est par ailleurs extrêmement délicate étant donnée l’aptitude de ces films à piéger l’oxygène, phénomène qui peut être amplifié sous irradiation.

Enfin, soulignons que nous n’avons pas réalisé d’études de microscopie électronique en transmission sur les films de molybdène pour tenter de caractériser les défauts de croissance, les boucles étant trop petites pour les identifier facilement et nos grains également trop petits pour tenter de telles observations. Nous pensons néanmoins essayer sur des films dont la croissance se fait en épitaxie à haute température, ces films possédant des grains et des boucles plus grosses. Nous avons cependant relevé les observations du groupe de Linköping relatant la présence de boucles dans les plans de type {111} de films de TiN (structure c.f.c.) déposés sur substrat de MgO à température supérieure à 550°C par technique de pulvérisation magnétron[Hul1988, Hul1991].