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Le projet C3-Alps (Capitalisation of Climate Change knowledge in the Alps) présenté

briève-ment dans le chapitre C a pour but principal de faciliter le transfert des connaissances générées

lors de précédents projets de l’Espace Alpin afin de conduire des actions pour l’adaptation au changement climatique au niveau local et régional.

La naissance du programme C3-Alps vient donc du constat que les projets européens conçus pour explorer différentes dynamiques en cours sur le territoire ne parviennent pas facilement à un transfert des connaissances générées et à une application concrète des avancées découvertes pendant les projets. Il y a donc un décalage entre la production de connaissances et son application sur le terrain pourtant souhaitée par l’Europe. Fort de cette constatation le projet C3-Aps a été conçu pour capitaliser les connaissances générées de précédents projets afin de conduire des actions d’adaptation ciblées au niveau local et régional.

H - II - 1 Simplification de l’accès à l’information par des outils de synthèse

La première contribution de C3-Alps pour faciliter la mise en oeuvre de l’adaptation au change-ment climatique d’un point de vue politique et juridique a été de réaliser des synthèses facilechange-ment accessibles aux décideurs politiques et aux citoyens intéressés par le sujet.

Dans cet objectif, une plateforme internet regroupant l’ensemble des connaissances générées pendant les projets de l’Espace Alpin ainsi que toutes les informations utiles pour la mise en œuvre de l’adaptation du changement climatique au niveau local a été créée. Le but est de facili-ter l’accès à une littérature déjà existante, utile et nécessaire pour les décideurs politiques (figure

H.2). Dans une enquête réalisée pendant le projet C3-Alps seuls 20% des répondants trouvent

que l’accès à une information jugée de qualité à propos de l’adaptation au changement climatique est aisée. Cela révèle que la documentation facile d’accès est rarement satisfaisante pour ceux qui la lisent. La plateforme créée permet de trier par domaine de connaissances (scénarios futurs,

(a)

(b)

Figure H.2 – Les objectifs de la base de données sur l’adaptation au changement climatique

générée pendant le projet C3-Alps : classer et faciliter l’accès à l’informationSource :(a) Jochen

risques et vulnérabilités, options d’adaptation, politiques d’adaptation, outils de gouvernance, outils d’évaluation des vulnérabilités, exemple d’application déjà réalisée pour l’adaptation), par secteurs (gestion de l’eau, agriculture, tourisme, foresterie, aménagement du territoire, etc.) et par région d’application dans l’espace alpin, les différents documents et études existants sur l’adaptation au changement climatique. Le moteur de recherche permettant une recherche ci-blée et l’interface facile d’accès de la plateforme cherchent à permettre aux décideurs politiques ou citoyens de trouver efficacement l’information qu’ils recherchent et ainsi d’éviter le désinté-ressement du sujet par manque de temps ou par une complexité trop importante. En effet, la littérature sur les changements climatiques est riche et nombreuse. Le décideur politique n’a pas forcément ni le besoin, ni le temps et ni l’envie de feuilleter l’ensemble de cette littérature pour obtenir l’information nécessaire pour son territoire. La plateforme développée pendant C3-Alps cherche donc à simplifier les démarches volontaristes.

La deuxième synthèse réalisée pendant le projet C3-Alps est celle des politiques d’adaptation développées dans l’Espace Alpin. Partant du constat que les sept états ayant une portion de leur territoire dans l’Espace Alpin ne sont pas tous au même niveau de développement des stratégies d’adaptation au changement climatique, la synthèse réalisée pendant le projet souhaite recenser les différents documents politiques existants dans le domaine afin d’en évaluer les points forts et les points faibles. De cette synthèse et évaluation ressort des préconisations pour une gouvernance plus active dans le domaine de l’adaptation au changement climatique.

Les résultats de cette étude mettent en évidence les mêmes problèmes pour la mise en place d’une gouvernance efficace pour l’adaptation au changement climatique, que pour une commu-nication efficace de cette problématique. Tout d’abord les décideurs politiques locaux perçoivent le changement climatique comme un phénomène lointain et donc non urgent. De plus les incerti-tudes perçues par rapport au changement climatique font que de sérieux doutes sont émis quant au retour sur investissements des mesures d’adaptation, phénomène aggravé par les horizons à courts-termes des politiques. Cette perception a des impacts importants dans la priorisation des problèmes par les politiques qui se fait d’autant plus ressentir lorsque des urgences comme des crises financières ou électorales occupent l’agenda politique.

La synthèse [Menzel et Pütz,2013] montre aussi que la première attention portée sur

l’atté-nuation du changement climatique, qui a été la réponse politique initiale au problème de l’impact

des changement climatique (cf.chapitreC), a en quelque sorte miné le terrain pour l’adaptation.

Lorsqu’au niveau local des efforts ont été engagés pour contribuer à l’atténuation du changement climatique, il reste peu de motivation pour s’investir dans l’adaptation au changement climatique. Cela est d’autant plus vrai au niveau local où les financements pour traiter ces problématiques sont limités. Une des préconisations de la synthèse sur les gouvernances est donc de distinguer l’adaptation au changement climatique comme un domaine à part entière et de lui allouer des financements propres distincts des financements fournis pour l’atténuation.

L’absence de guides de mises en œuvre ainsi que des responsabilités mal définies et parfois chevauchantes sont des facteurs freinant le développement de politiques d’adaptation. Le manque de stabilité de l’administration, avec des changements fréquents d’institutions particulièrement

vrai dans le domaine de la gestion de l’eau (cf. chapitre A) ainsi que l’absence de département

également des freins au développement de telles politiques. L’ensemble de ces facteurs ajoutés à la perception du caractère non prioritaire du changement climatique par les politiques achève toute bonne volonté de mettre en place une gouvernance sur l’adaptation au changement climatique.

Ainsi le programme C3-Alps préconise quelques recommandations dans l’initialisation d’une gouvernance pour l’adaptation au changement climatique au niveau local. Il préconise notamment au stade embryonnaire de rassembler une masse critique de décideurs politiques un minimum conscients du problème du changement climatique et qui ont la volonté de s’engager dans un processus de développement de politique d’adaptation. Ces individus seront utilisés comme res-sources clés pour diffuser le message et regrouper les décideurs politiques plus sceptiques quant à l’utilité du processus. L’autre clé du développement est également des finances allouées exclusive-ment à l’adaptation au changeexclusive-ment climatique. Des lignes budgétaires claires et ciblées sur cette problématiques sont indispensables pour motiver les décideurs politiques locaux à entreprendre le développement d’une gouvernance en faveur de l’adaptation au changement climatique.

Enfin, le projet C3-Alps identifie précisément un problème de langage entre les scientifiques et les décideurs politiques menant à de fortes incompréhensions. Côté décideurs politiques et acteurs du territoire, la connaissance scientifique est souvent jugée comme non exploitable di-rectement pour une application de terrain. Trop de jargon, un manque de perspective pratique dans leur travail quotidien et dans leur capacité à communiquer les résultats ou à mettre en évidence la pertinence pratique de leurs recherches sont souvent énoncés comme critiques. Côté scientifique, les décideurs sont perçus comme n’ayant pas les connaissances suffisantes pour com-prendre l’importance des enjeux liés aux changements climatiques et comme plus intéressés par des considérations politiques que des évidences scientifiques. Il ressort clairement de ces postures une incompréhension mutuelle et un problème de langage dans le dialogue. L’un ne recevant pas l’information qu’il espérait et l’autre échouant à faire passer son message. Il y a donc un chantier important à mener dans la communication entre scientifiques et décideurs pour mettre en place une gouvernance effective de l’adaptation au changement climatique.

La dernière synthèse réalisée pendant le projet C3-Alps est un calendrier reprenant un en-semble de préconisations pour le développement d’actions simples et de gouvernance en faveur

de l’adaptation au changement climatique (figure H.3). Si cette publication a l’avantage d’être

facile d’accès et attrayante, on peut lui reprocher d’avoir peu d’impacts dans les faits sur la mise en place concrète de mesures d’adaptation. Compte tenu des éléments démontrés dans la partie

H - I de ce chapitre, il est peu probable que le fait de lire ce calendrier incite profondément les acteurs du territoire à s’engager dans l’adaptation au changement climatique. Ce calendrier a néanmoins le mérite de porter à connaissance des mesures d’adaptation simples et des bases de ressources complémentaires pour développer cette problématique. Il n’est pas en lui même un outil de mise en oeuvre de l’adaptation au changement climatique au niveau local.

H - II - 2 Les sites pilotes pour la mise en place de l’adaptation au changement climatique local

Le projet C3-Alps a également développé des actions pour le développement de l’adaptation au changement climatique plus ciblées localement. Ainsi, ce sont treize sites pilotes qui ont été

Figure H.3 – Ensemble de mesures préconisées par le programme C3-Alps regroupé sous la forme

d’un calendrier distribué aux acteurs du territoireSource : www.c3alps.eu

mis en place dans les différents secteurs de l’Espace Alpin. Nous exposerons ici brièvement les résultats du site pilote de la Savoie dont nous étions responsables, les résultats des autres sites pilotes sont disponibles sur le site web du projet (www.c3alps.eu).

L’objectif du site pilote sur le département de la Savoie était de contribuer au développement d’une gestion durable de l’eau dans un contexte de changement climatique. Dans ce contexte, nous avons été invité par le Conseil Général de Savoie à participer à l’élaboration d’un schéma de conciliation des usages de l’eau sur la commune de Lans-Le-bourg et Lans-Le-Villard. Ce projet de nouveau document de planification à l’initiative du Conseil Général de Savoie montre l’émergence de la volonté d’initier un développement durable des communes du département. L’origine du projet vient de la constatation que le partage de la ressource en eau peut devenir problématique dans un futur proche compte-tenu des changements climatiques en cours. Les collectivités territoriales en imposant le développement de plan de gestion durable de l’eau obligent la concertation en amont des différents acteurs de l’eau. Ainsi pendant cette thèse un comité regroupant l’ensemble des acteurs de l’eau du territoire de Val-Cenis a été formé. Grâce à une étude quantitative de l’eau financée par le Conseil Général, des données fiables ont été mises à la disposition de ce comité pouvant servir de base de discussion concrète.

Les réunions du comité ont permis de faire se rencontrer les acteurs de l’eau du territoire ayant parfois des problématiques divergentes quant à l’utilisation de la ressource en eau. En discutant d’un sujet commun, à partir de données fiables et récentes, les problématiques de chacun ont pu être exposées. Ce simple stade permet de lever des idées préconçues et parfois erronées entre

acteur de l’eau et de faire émerger des points de tension et des solutions futures. Par exemple dans le domaine de Val Cenis, un accord a été passé entre EDF et le gestionnaire des remontées mécaniques pour ponctionner une certaine quantité d’eau dans la conduite forcée EDF pour être utilisée pour la neige de culture. Compte-tenu de l’augmentation des besoins en eau pour la neige de culture due à l’augmentation des températures, il a déjà été mentionné qu’une augmentation de ce prélèvement était à prévoir. La présence du responsable de la neige artificielle ainsi que du responsable EDF lors des réunions de comité a permis d’engager en amont de l’émergence de ce problème des discussions par rapport à cette possibilité. Un exemple similaire pourrait être évoqué quant à l’irrigation pour l’agriculture du Val Cenis.

Sans forcément évoquer le sujet en ces termes, cet exemple montre la voie pour l’émergence de gouvernance en faveur de l’adaptation au changement climatique en réunissant autour d’une même table l’ensemble des acteurs de l’eau d’un territoire afin qu’ils réfléchissent sur la durabi-lité de leurs pratiques en se basant sur des données scientifiques. Des initiatives comme celles-ci promulguent le développement de pratiques d’adaptation au changement climatique. Elles per-mettent ainsi aux territoires d’être mieux préparés et donc plus compétitifs face aux enjeux futurs. Cela représente également un bon exemple d’intégration et de dialogue entre scientifiques, collec-tivités locales et acteurs de terrain. Le succès de cette initiative est tout de même à relativiser par rapport au fait qu’elle est fortement soutenue et à l’initiative du Conseil Général. Actuellement en condition de réorganisation totale des collectivités territoriales, la mission de gestion de l’eau du Conseil Général est de moins en moins prioritaire et donc moins soutenue financièrement. Cette absence d’obligation et de financement entraîne un déclin des initiatives comme celle présentée ici qui est regrettable, les acteurs locaux n’ayant pas d’eux-mêmes l’initiative de projet comme celui-ci. L’échelon départemental et/ou régional apparaît donc comme un échelon approprié pour initier des actions locales reprises ensuite par les acteurs du territoire.