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C - II - 1 Le résultat d’un constat : l’atténuation n’est pas suffisante

Lors de la conférence des nations sur le changement climatique de Copenhague en 2009, l’objectif d’une limitation du réchauffement climatique global à 2°C d’ici la fin du siècle avait été discuté par les parties prenantes. Cet objectif passe par une réduction de 40% à 70% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Or, même si un grand nombre de politiques d’atténuation ont vu le jour ces dernières

décen-nies (cf. section C - I ), les émissions de gaz à effet de serre mondiales augmentent toujours

[IPCC, 2014b]). Ainsi, sans une réduction drastique des gaz à effet de serre mondiaux passant par des modifications profondes de nos modes de vie d’ici 2050, il apparaît plus probable que l’augmentation de la température mondiale soit de l’ordre de 3.7 à 4.8°C.

Quand bien même, les États arriveraient à atteindre cet objectif très ambitieux, une augmen-tation de la température moyenne de 2°C entraînera des impacts majeurs dans le monde et en

Europe avec un impact plus rapide sur les zones montagneuses (cf.section B - II page27).

Ce constat a amené les pays à prendre en parallèle des politiques d’atténuation du changement climatique, des politiques d’adaptation à ces changements. L’adaptation aux changements clima-tiques consiste à anticiper ses impacts afin de limiter les dommages potentiels et de tirer partie autant que possible de ces changements inéluctables. Il s’agit de mettre en œuvre des mesures permettant de répondre aux nouvelles conditions imposées par les changements climatiques et ainsi de réduire la vulnérabilité d’un territoire.

Les politiques d’adaptation sont bien plus récentes que celles d’atténuation. Durant la décennie 1990, l’adaptation était complètement ignorée. Lors des négociations internationales sur le climat à cette période, parler d’adaptation était conçu comme un aveu d’échec, une vision défaitiste montrant que malgré tous les efforts fournis pour la réduction des gaz à effet de serre, ces mesures

échoueront [ONERC,2012], [Rousset,2012]. Ainsi c’est seulement en 2005, qu’un programme

de travail sur l’adaptation est lancé par la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. C’est avec les accords de Bali de 2007 que l’adaptation prend presque autant part que l’atténuation aux accords signés. Pour un historique complet de la naissance des politiques

d’adaptation et de leurs rapports avec les politiques d’atténuation, la thèse deRousset [2012]

est conseillée.

La politique climatique d’un pays ne se limite donc pas à l’atténuation mais également à la mise en place de solution d’adaptation. Ces deux axes sont complémentaires bien que pouvant parfois entrer en contradiction. Pour résumer, l’adaptation consiste à réduire la vulnérabilité vis-à-vis des incidences du changement climatique tandis que l’atténuation consiste à réduire les interférences humaines sur le climat, notamment en réduisant les gaz à effet de serre . Il s’agit des deux piliers

d’une politique climatique équilibrée (cf.figure C.3).

C - II - 2 Les politiques d’adaptation en France

La France a été l’un des premiers pays européens à adopter une stratégie nationale d’adapta-tion au changement climatique. Ainsi en 2006, la stratégie nad’adapta-tionale d’adaptad’adapta-tion au changement climatique affirme que l’adaptation doit réduire la vulnérabilité de la France face aux conséquences

du changement climatique avec quatre grandes finalités [ONERC,2012] :

– protéger les personnes et les biens en agissant sur la sécurité et la santé publique – tenir compte des aspects sociaux et éviter les inégalités devant les risques

– limiter les coûts et tirer parti des avantages – préserver le patrimoine naturel

Figure C.3 – Deux réponses politiques aux changements climatiques : l’atténuation et l’adaptation.

La stratégie d’adaptation doit anticiper les situations de crises et diminuer les risques en asso-ciant l’ensemble des acteurs impactés par les changements climatiques. Les assurances même si elles sont un outil de gestion intéressante ne doivent pas être considérées comme l’unique recours. Les aides et subventions pour favoriser les évolutions et diversifications économiques doivent être envisagées. Enfin, les mesures d’adaptation doivent être en cohérence avec la politique d’atté-nuation menée en parallèle.

La stratégie d’adaptation stipule également la volonté d’une démarche intégrée par milieux et non par secteur. Ainsi les vulnérabilités des milieux telles que le littoral et la mer, la ville, la montagne et la forêt doivent être abordées via un prisme global et non sectoriel.

Les principes de la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique française ont été déclinés dans un plan opérationnel approuvé pour la période 2011-2015 : le plan national

d’adaptation au changement climatique (PNACC) [MEDDTL,2011]. Ce plan retrace vingt fiches

actions concrètes dans divers domaines pour l’adaptation au changement climatique. Première européenne, le PNACC identifie les mesures à mettre en place ainsi que les institutions devant les piloter. Il établit une feuille de route pour quatre ans et sera révisé sur les bases des évaluations du plan précédent.

Au niveau local, les politiques d’adaptation au changement climatique sont déclinées à travers trois éléments : les agendas 21, les Plans Climat Énergie Territoriaux (PCET) et les Schémas Régionaux du Climat, de l’Air et de l’Énergie (SRCAE).

Le PCET se fait au niveau des communautés de communes ou d’agglomérations. Il a été rendu obligatoire aux communes de plus de 50 000 habitants en 2010. Les PCET doivent s’intégrer aux politiques territoriales et mettre en place dans tous les secteurs des objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Les PCET ont deux échéances de temps : 2020 avec la fin de la seconde période des engagements de Kyoto et 2050 avec l’objectif de réduction par

quatre des émissions de gaz à effet de serre de la France (cf.sectionC - I ).

Le SRCAE est basé sur le même principe au niveau régional. Il doit définir les orientations et les objectifs régionaux aux horizons 2020 et 2050 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de maîtrise de la demande énergétique, de développement des énergies renouvelables, de lutte contre la pollution atmosphérique et d’adaptation au changement climatique.

Ces deux plans territoriaux permettent donc de décliner le plan d’adaptation et d’atténuation au changement climatique au niveau local. Un de leur point fort est cette projection vers 2020 et 2050 qui permet d’établir un plan et des actions sur le long terme.

C - II - 3 L’adaptation dans les Alpes : rapide état des lieux

Les Alpes ont une vulnérabilité accrue aux changements climatiques tant physique (cf.section

B - I page 19) que socio-économique. En effet, l’économie alpine est largement structurée par

le tourisme notamment hivernal [George-Marcelpoil et Boudières, 2008] qui représente une part

importante de son économie.ODIT [2009] estime à 9,64 milliard € la consommation intérieure

Figure C.4 – Les différentes mesures d’adaptation imaginées pour les Alpes.Source : [Langevin,

2008]

tourisme en montagne est évaluée à 30% environ dans les Alpes.

L’activité touristique alpine est une activité de plein air hautement liée au climat. Ainsi,

l’an-ticipation des changements de ce climat est vitale afin de s’adapter au mieux. Langevin [2008]

a établi une classification des différentes opportunités d’adaptation qui s’offrent pour l’économie

des sports d’hiver dans le massif alpin (figureC.4).

De par ces caractéristiques les Alpes, comme d’autres massifs, constituent une excellente zone pilote pour mettre en place des stratégies d’adaptation aux changements climatiques. Ces dernières années, quelques stratégies d’adaptation ont commencé à voir le jour même si elles restent encore marginales et souvent au stade de la sensibilisation.

La Convention Alpine est un traité de droit international réunissant les huit États ayant une partie de leur territoire dans les Alpes. L’objectif est la promotion du développement durable dans le massif alpin ainsi que la protection des intérêts de ses habitants. Basée sur la constatation que l’environnement alpin possède des spécificités transcendant les frontières ce traité a pour but de coordonner l’action de ses signataires (France, Allemagne, Autriche, Italie, Liechtenstein, Monaco, Slovénie et Suisse) et de l’Union Européenne en matière de développement du massif alpin.

C’est à partir de 2009 que la Convention Alpine se saisit de la question du changement clima-tique dans les Alpes. Elle définit un plan d’actions décliné en 24 objectifs d’atténuation et d’adap-tation. En matière d’adaptation, la Convention Alpine souhaite "promouvoir une approche

inté-grée permettant d’adapter l’espace alpin aux nouvelles conditions climatiques" [Convention

Al-pine, 2009]. La Convention Alpine insiste également sur l’objectif de développer la recherche

appliquée au niveau local, notamment pour les ressources en eau, ainsi que d’améliorer la sensi-bilisation du public en matière de changement climatique.

A l’échelle nationale, le plan national d’adaptation au changement climatique possède une fiche action spéciale montagne. Sa mesure phare est d’intégrer dans les schémas de massif un volet d’adaptation au changement climatique. Les schémas de massif ont été instaurés en 2005. Ils permettent de mettre en place une vision à quinze ou vingt ans de l’avenir du massif. Ils doivent être une référence pour les prochains programmes de développement de la montagne (conven-tion interrégionale de massif, fonds communautaires...). Actuellement, ce document stratégique ne traite pas des changements climatiques. C’est pourquoi le PNACC souhaite intégrer cette dimension car l’échelle du massif constitue une échelle cohérente pour des mesures contre le changement climatique.

La Convention interrégionale du massif des Alpes, négociée entre l’Etat et les régions concer-nées pour 6 ans, évoque succinctement l’adaptation au changement climatique à travers le volet tourisme en souhaitant adapter les investissements touristiques à la nouvelle demande de la clien-tèle et aux évolutions climatiques prévisibles.

Plus localement, certaines régions prennent l’initiative de sensibiliser les populations et les décideurs politiques par le biais de livrets explicatifs. C’est le cas de la région Rhône-Alpes qui en 2007 a publié 40 pages accompagnées d’un CD-ROM sur comment s’adapter en

Rhône-Alpes [RAEE,2007]. Cet ouvrage grand public et facile d’accès permet une prise de conscience

du problème sans aller très en profondeur dans la mise en œuvre effective de l’adaptation au changement climatique sur le terrain. C’est un premier pas dans une démarche locale.

Au niveau européen, différents projets notamment ceux de l’Espace Alpin ont traité des ques-tions d’adaptation au changement climatique dans plusieurs domaines. Ces programmes euro-péens traitent par exemple de l’adaptation dans l’aménagement du territoire (CLISP), dans le domaine de la gestion des risques naturels (AdaptAlp, PERMANET), de la gestion des ressources (Alp Water Scarce, MANFRED, SILMAS), etc.. Suite à ces projets achevés, de nombreuses re-commandations pour la mise en œuvre concrète de l’adaptation au changement climatique ont été élaborées. Un nouveau projet a vu le jour en 2012 pour reprendre et capitaliser les recom-mandations les plus abouties afin de les installer sur des sites pilotes alpins. Il s’agit du projet C3-Alps qui a en partie porté cette thèse.