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Résonance d’une goutte liquide simple

Lamb a montré qu’une goutte liquide s’apparente en effet à un oscillateur amorti [2]. Cette analogie permet d’étudier simplement les comportements parfois complexes de ces objets [3]. Nous l’utiliserons afin d’étudier l’influence des grains sur l’élasticité et la dissipation d’une bille liquide, en comparaison avec les propriétés de la même goutte sans grains.

7.2.1 Fréquence de résonance d’une goutte posée

Lorsque la surface d’une goutte est déformée par rapport à sa forme d’équilibre, la tension de surface provoque une force de rappel. Une goutte peut donc être comparée à un système masse ressort de raideur σ (la tension de surface) et dont la masse est celle de la goutte

4

3πρR3. Par analogie avec un système masse ressort, on attend que la fréquence de résonance s’écrive comme la racine du rapport entre la raideur et la masse de la goutte :

f ∼ r

σ ρR3

Rayleigh a calculé exactement la relation de dispersion d’une goutte en l’absence de gravité [4]. Cette relation suit bien la loi d’échelle précédente et dépend d’un paramètre supplémen- taire l qui correspond au nombre de noeuds d’un mode (comme pour les cordes vibrantes). Deux indices donnent des fréquences nulles : l = 0 qui correspond à une variation de volume

et l = 1 qui correspond à la translation en bloc de la goutte. Les fréquences de résonance d’une goutte libre sont alors données par la loi :

fRayleigh= 1

s

σl(l − 1)(l + 2) ρR3

Lorsqu’une goutte est posée, sa forme n’est plus sphérique et comme l’ont remarqué Strani et Sabetta [5], le mode d’indice 1 peut alors exister. Le mode de plus basse fréquence d’une goutte posée et d’une goutte libre ne correspondent donc pas au même indice. Il est cependant commode de comparer la fréquence f de ce mode à la fréquence du premier mode libre fRayleigh. Pour une goutte en mouillage nul, il a été montré que le rapport entre ces deux fréquences ne dépendait que du nombre κR, quotient entre le rayon de la goutte R et la longueur capillaire κ−1 [6].

f

fRayleigh = G(κR)

La fonction G est telle que f = 0 lorsque κR devient très petit. Puis, quand κR croît G augmente tout d’abord de manière logarithmique comme l’a calculé F.Chevy [7]. Mais les gouttes que nous allons étudier sont de tailles millimétriques et κR ≈ 0, 3. Dans cette gamme, l’approximation de petite déformation n’est vraisemblablement plus valable. M.Perez et al. [6] ainsi que D.Richard et al. [8] ont étudié expérimentalement la dépendance de la fréquence de résonance en fonction de κR. Ces données sont assemblées sur la figure 7.5. On voit que lorsque 0, 1 < κR < 1, on peut approcher de manière convaincante G par une simple loi linéaire (d’ordonnée à l’origine non nulle).

Fig. 7.5:Dépendance de la fréquence de résonance d’une goutte posée en fonction de l’écrasement par la gravité. κR commande l’écrasement : plus κR est grand, plus l’effet de la gravité est important. Les données sont issues de [6] et [8]. La compilation des deux a été effectuée par F.Chevy [7].

Dans la suite, nous utiliserons la relation empirique issue de l’ajustement :

f = G(κR)fRayleigh (7.4)

avec

G(κR) = 0, 176 + 0, 684κR

L’incertitude sur la pente est de 1% et l’ordonnée à l’origine est obtenue à 5% près. Une fréquence de résonance estimée à partir de l’expression 7.4 sera donc précise à 5% près.

7.2.2 Atténuation

À cause de la viscosité du liquide, l’énergie d’oscillation d’une goutte est dissipée dans son volume. Par analyse dimensionnelle, on trouve que le temps d’atténuation τ de mouvement dans une goutte de rayon R et de viscosité cinématique ν s’écrit :

τ ∼ R 2 ν

Lamb [2] a calculé l’atténuation des oscillations d’une goutte sphérique peu visqueuse dans le régime des petites déformations. Pour le mode de plus basse fréquence, le temps d’atténuation est

τ = 1 5

R2 ν

L’influence de l’écrasement d’une goutte posée sur le temps d’atténuation a aussi été étudié par Perez et al. [9]. Cependant leur étude est réalisée à partir de gouttes en lévitation sur un film d’air. Le glissement à la paroi inférieure est donc libre. Une goutte réellement posée sur un solide a des conditions aux limites différentes : il n’y a pas de glissement dans la zone de contact.

Pour calibrer l’atténuation d’une goutte non-enrobée dans notre système, nous avons me- suré le spectre de résonance de gouttes de mercure sur du teflon (proche du mouillage nul). Le volume des gouttes étudiées s’échelonne entre 3 et 40µL. Il faut noter que le non- mouillage du mercure sur du plastique est aussi un désavantage : le volume prélevé par une pipette est alors peu précis. Par exemple, une goutte non mouillante dans un cône se met spontanément en mouvement [10], ce qui n’est pas sans poser des problèmes pratiques. Sur la figure 7.6, nous avons représenté la largeur ∆f du pic de résonance mesurée en fonction de la valeur ∆fLamb = 1/2πτ prédite par Lamb. On peut décrire correctement les mesures par une relation linéaire de pente 3, 5. Par comparaison aux valeurs mesurées par Perez et al. [9], le pic que nous observons est plus large.

Fig. 7.6: Largeur ∆f mesurée du pic de résonance de gouttes de mercure posées, et de volumes variés, en fonction de la largeur ∆fLamb attendue si les gouttes étaient en lévitation.

La dispersion de nos mesures n’a pas permis d’observer une dépendance claire de ∆f en fonction de κR. À partir de ces constatations, la loi que nous adopterons en première approximation pour la largeur du pic de résonance du premier mode d’une goutte liquide posée est :

∆f = 3, 5 5

ν

R2 (7.5)

L’augmentation de la dissipation est probablement due au frottement sur le solide. On peut estimer l’épaisseur de peau `p typique de nos expériences à [11]

`p r

ν

f ≈ 100µm

`p est dix fois inférieure au rayon de la goutte. Son effet est donc faible mais observable.