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Capture de grains hydrophobes par une goutte

6.2.1 Grains lourds . . . 104 6.2.2 Grains légers . . . 106 6.2.3 Comparaison des deux expériences . . . 108 6.3 Relation entre volume de la goutte et masse de grains capturée109 6.4 Relation entre diamètre des grains et masse capturée . . . 110 6.5 Enrobage d’une interface encombrée . . . 111 6.6 Conclusion . . . 113

Les gouttes enrobées (ou billes liquides) sont généralement formées en faisant rouler une goutte sur une surface de grains [1] (fig.6.1).

Fig. 6.1:Protocole utilisé pour créer une bille liquide [1] : Une goutte est posée sur une surface recouverte de grains hydrophobes. En inclinant la surface on met la goutte en mouvement. Sur son passage, la capillarité provoque la capture des grains avec lesquels elle est en contact. Une couche de grains entoure la goutte, l’isolant du substrat sur lequel on la dépose.

Il est aussi possible de former autrement des gouttes enrobées : un premier exemple est celui étudié par Esthiaghi et al. [2] qui ont réalisé l’impact d’une goutte sur une surface composée de grains. Lors de l’impact, une certaine quantité de grains se colle à la goutte. Ils observent que plus la goutte s’écrase au moment de l’impact, plus la masse de grains capturés est importante.

Un autre mode de formation original a été étudié par McHale et al. [3]. Une goutte d’eau est déposée sur une couche de grains puis s’évapore. Au bout d’un certain temps, la surface de contact entre la goutte et les grains diminue mais les grains situés initialement sous la goutte restent collés, recouvrant alors progressivement toute la surface liquide (fig.6.2).

Le résultat principal de ces deux dernières études est que, contrairement aux tensio-actifs usuels [4], les grains n’enrobent pas spontanément la goutte : ils se collent au liquide au niveau de la surface de contact entre la goutte et le substrat puis restent immobiles. Même si localement il est favorable que les grains soient capturés il y a besoin, les grains étant athermiques, d’un apport d’énergie pour les disperser.

La méthode qui consiste à faire rouler une goutte sur des grains hydrophobes est la plus simple. C’est celle que nous adopterons. Le protocole est le suivant (fig.6.1) : on dépose des grains sur une surface où on fait ensuite rouler une goutte liquide. La goutte capture alors à sa surface une partie des grains sur lesquels elle roule. Si les grains sont des spores de lycopodes et le liquide de l’eau, il suffit que la goutte ait parcouru une distance de l’ordre de son diamètre pour qu’elle soit recouverte uniformément. On peut alors déposer la goutte sur un autre substrat.

Les premières mesures de la masse de grains capturés à la surface d’une goutte enrobée ont été effectuées par McEleney et al. [5]. Ils ont constaté que la masse déposée est proportion- nelle à la surface de la goutte. Ainsi, la fraction φs de la surface de la goutte couverte par les grains semble être une constante. Cependant, lors de leurs expériences la distance L parcourue lors de l’enrobage n’était pas contrôlée et on peut supposer qu’elle variait peu. Or, nous avons vu au chapitre 5 que même si l’on fait parcourir une longue distance à une goutte sur des grains, elle continue à en capturer. La distance qu’a parcouru la goutte lors de sa formation apparaît alors comme le paramètre déterminant le nombre de grains à sa surface. L’objet de ce chapitre est de discuter la relation entre le nombre de grains capturés et la distance L.

Érosion d’un sol hydrophobe

La capture de grains de taille micronique à la surface d’une goutte peut être vue comme le mécanisme minimal d’érosion (douce) des sols hydrophobes. Ces sols sont très répandus dans toutes les régions de la terre. Ils sont formés suite à des feux de forêt ou à une pollution des sols ou encore par la décomposition d’organismes vivants [6]. L’effet principal de l’hydrophobie est d’empêcher la pénétration de l’eau à l’intérieur du sol. Une image de ce phénomène est donnée sur la figure 6.3 où les premiers instants de la pénétration d’eau dans un sol hydrophile et un sol faiblement hydrophobe sont comparés.

Fig. 6.3:Comparaison de la pénétration d’eau dans le sol entre 1 : une terre hydrophile et 2 : une terre légèrement hydrophobe. Image issue de [7].

Comprendre ces sols est important d’un point de vue écologique car leur présence modifie fortement l’alimentation en eau de la végétation. De plus, il a été montré qu’en présence de tels sols, l’érosion pour des précipitations comparables augmente d’un facteur pouvant aller jusqu’à 100 ! Une revue a été écrite à ce sujet par S.H Doerr et al. [8].

6.1 Capture de grains hydrophobes par une goutte

Pour que des grains soient capturés par une goutte, il suffit que le liquide mouille partiel- lement la matière des grains. Cependant, plus les grains sont hydrophobes, plus la couche de grains est résistante [1]. Pour nos expériences, nous en avons utilisé plusieurs types : Spores de lycopodes (Aldrich)

Fig. 6.4:Image au microscope électronique de spores de lycopode de diamètre 40µm. Image issue de [9].

et le spore est mesuré à 145 degrés. Le diamètre moyen mesuré est 39µm avec une poly- dispersité de 12%. L’asphéricité (moyenne du rapport du grand axe sur le petit axe) est de 1,07.

La définition de la densité d’un spore de lycopode est ambiguë : la matière organique les formant a une densité de 1,175 [10]. Cependant, un spore de lycopode possède une structure très lacunaire (fig.6.4). Si l’on assimile le spore à une sphère, sa densité est alors de 0,48 [11] et suivant le contexte, les pores peuvent être plus ou moins imbibés de liquide et la densité effective est intermédiaire. Comme les spores de lycopodes sont naturellement hydrophobes et que le liquide utilisé est de l’eau, nous considérerons dans la suite les spores de lycopode comme vides de liquide et donc de densité 0,48.

Billes de verres (Silibeads type S)

Le verre étant naturellement hydrophile, nous avons greffé des silanes fluorés à la surface des billes. Nous avons utilisé du tridécafluorooctyltriéthoxysilane en suivant le protocole de Qian et Chen [12]. L’angle de contact entre le liquide et la bille que nous avons obtenu est alors de 110 degrés. Nous avons utilisé différents calibres de billes de diamètre moyen s’échelonnant entre 60µm et 500µm. La densité du verre est 2,6. Leur polydispersité est de 20% et l’asphéricité moyenne vaut 1,11.

Billes de cuivre (Goodfellow)

Leur diamètre vaut 150µm et leur densité 8,9. L’angle de contact eau-bille que nous avons mesuré est de 85 ± 5 degrés.

Influence de la masse volumique des grains

Fig. 6.5:Gauche : goutte enrobée de lycopodes sur une distance comparable. La couverture de la surface par les grains est homogène. Droite : goutte d’eau partiellement recouverte par des billes de cuivre.

La masse volumique des grains influe de manière visible sur l’enrobage comme on peut le voir sur la figure 6.5 qui compare l’enrobage d’une goutte par des spores de lycopodes (gauche) et des billes de cuivre 20 fois plus denses (droite). Pour une goutte millimétrique,

il faut une dizaine de centimètres pour que la couverture par du cuivre soit homogène alors que quelques millimètres sont suffisants pour enrober de manière homogène la même goutte par des spores de lycopode (de masse volumique 20 fois plus petite).

Le mécanisme du début de l’enrobage semble différent : lorsque les grains sont lourds, la gravité s’oppose à leur ascension. Ils s’accumulent au bas de la goutte et le haut de la goutte n’est pas couvert. Au fur et à mesure que la goutte roule, de nouveaux grains se collent et la séparation entre la zone couverte par les grains et la zone non recouverte remonte vers le sommet de la goutte (fig.6.6, droite). Au contraire, des grains légers peuvent être entraînés par la rotation de la goutte. Les grains du sol rencontrent une interface vierge de grains tant que la goutte n’a pas roulé un tour complet sur elle-même (fig.6.6, gauche).

Fig. 6.6:Gauche : premiers instants de l’enrobage d’une goutte par des grains légers. Les grains collés sont entraînés par la rotation de la goutte et tant qu’elle n’a pas effectué un tour sur elle-même, les nouveaux grains sont collés par une interface purement liquide. Droite : premiers instants de l’enrobage d’une goutte par des grains lourds. Ils s’accumulent au bas de la goutte. Pour coller un nouveau grain, il faut écarter ceux qui sont déjà présents.