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Mesure de la force de frottement

5.3 Modèle du collage d’un grain par une interface encombrée

5.3.2 Mesure de la force de frottement

Pour essayer de comprendre la force nécessaire à l’ouverture d’un trou pour coller un grain, nous avons mesuré la force qu’il faut pour déplacer une bille dans une interface composite. L’effet de la pression est nul car elle est homogène. On mesure donc uniquement la friction dans l’interface composite.

Fig. 5.18:Mesure de la force nécessaire pour déplacer un unique grain dans une interface constituée de grains à la surface d’une cuve de Langmuir. Une fibre de diamètre et de propriétés de mouillage équivalentes est plongée verticalement dans la cuve. La cuve est posée sur une platine de translation ce qui permet de la déplacer horizontalement par un chariot. La déflexion de la fibre mesure la force exercée sur elle par les grains.

Le principe de l’expérience est schématisé sur la figure 5.18. La méthode de mesure est inspirée par des expériences de rhéologie des mousses à 2 dimensions [9]. Récemment, des méthodes similaires ont été employées pour la mesure de force sur des intrus dans les granulaires à 2 dimensions [10, 11].

On dispose une monocouche de billes de verre silanisées de 110±20µm de diamètre flottant à la surface de l’eau dans une cuve de Langmuir. En faisant varier la longueur Lcuve de la cuve, on modifie l’aire Scuve de celle-ci ainsi que la densité moyenne de grains à la surface. La fraction φs de la surface couverte par les grains est estimée à partir de la relation

φs= 6ρdSm cuve

où m est la masse totale des grains à la surface, ρ la masse volumique d’un grain et d son diamètre.

Une tige (issue du coeur d’une fibre optique) est plongée verticalement dans la cuve, l’autre extrémité étant fixée. Le diamètre de la fibre est de 125µm et l’angle de contact entre la fibre et l’eau est d’environ 100 de telle sorte que dans le plan de la cuve la fibre soit équivalente à une bille de verre. À l’aide d’une platine de translation, la cuve est mise en mouvement horizontalement à faible vitesse (1mm/s). Grâce à la déflexion de la fibre, on mesure la force exercée par l’ensemble des grains sur un seul "grain" en mouvement.

Lorsque la cuve est mise en mouvement, la fibre est tout d’abord bloquée par les grains qui l’entourent. Elle ne bouge pas relativement à la cuve ce qui provoque sa flexion. Elle exerce alors une force sur les autres grains. À un certain moment, celle-ci est suffisamment forte pour pouvoir sortir la fibre de la cage où elle était piégée. Alors, on rentre dans un nouveau régime où la déflexion de la fibre est en moyenne fixe. Autour de cette moyenne, on observe des fluctuations s’apparentant à du stick-slip dont l’amplitude est de l’ordre de 20% de la valeur moyenne de la force.

En faisant varier la longueur de la cuve, on a mesuré la dépendance de la force nécessaire pour pouvoir créer un trou en fonction de la densité φs de grains à la surface (fig.5.19). Nous avons aussi vérifié que celle-ci est indépendante de la vitesse de déplacement de la cuve dans notre domaine d’étude (de 0, 1mm/s à 10mm/s).

Fig. 5.19: Représentation semi-logarithmique de la force F subie par une fibre se déplaçant dans une interface contenant des billes de verres en fonction de la fraction surfacique φscouverte par les billes. La

ligne en pointillés représente un ajustement par une loi de type Arrhérius (eq.5.4) pour 0, 6 < φs< 0, 9.

On peut distinguer trois comportements différents : lorsque la densité de surface est faible, rien ne se passe : la fibre rencontre des obstacles mais ceux-ci ont une surface spécifique suffisamment grande pour être libres de mouvement. Les forces mises en jeux pour réorga- niser la couche de grains sont alors non mesurables. Puis, dans un domaine intermédiaire (0, 6 < φs< 0, 9), la force nécessaire pour créer un trou augmente très rapidement avec la densité. Dans cet intervalle de densité, l’augmentation est bien décrite par une loi expo- nentielle de type Arrhénius) :

F ∼ F0e

φs

φ0 (5.4)

Le meilleur ajustement donne F0= 0, 6nN , de l’ordre de l’interaction capillaire entre deux grains et φ0 = 0, 075. Enfin, lorsque la densité de surface augmente encore, la force sature.

Cette saturation correspond à l’apparition du flambage de l’interface, qui conduit à φs > 1. L’augmentation de la force nécessaire pour vaincre le frottement et créer un trou a une forme similaire à l’augmentation de la pression (2D) de compression dans le milieu observée par Cicuta et al. [12] (fig.5.20).

Fig. 5.20:Représentation semi-logarithmique de la pression Π entre les grains de Piolite d’une interface composite dans une cuve de Langmuir en fonction de l’inverse de la surface de de la cuve (Π a été corrigé du facteur de Janssen). Mesures issues de [12].

Cela correspond bien à l’intuition : si l’on pense à la loi de Coulomb pour le frottement sec, on s’attend à une relation linéaire entre la force de frottement Ff rott et la force πdΠ comprimant les grains de diamètre d :

Ff rott= µπdΠ

µ est le coefficient de frottement. Par analogie avec un simple frottement verre-verre, on s’attend à ce que µ soit proche de 1.

Nous verrons dans le chapitre 8 qu’une telle loi de friction semble aussi décrire les défor- mations dynamiques des interfaces composites.

Lors de notre expérience, nous n’avons pas mesuré la pression de surface simultanément. La comparaison entre les deux courbes ne peut donc être que qualitative. Cependant, dans la zone où la pression sature, on peut comparer les deux mesures. On connaît alors la valeur de la pression (2D) entre grains : Π = σ. La force de compression vaut donc πσd ≈ 2.10−5N et la force de frottement totale vaut Ff rott ≈ 1, 6.10−4N . Ainsi µ ≈ 8. Or le coefficient de frottement verre-verre est de l’ordre de 1. Le µ élevé que nous déduisons reflète sans doute le fait que pour déplacer un grain, le réseau se déforme à plus longue portée impliquant un nombre de grains de l’ordre de la dizaine.

Une autre conséquence de ce rapport 8 entre la force de pression et la force de frottement est que pour créer un trou, il faut lutter essentiellement contre la friction. L’effet de la pression est négligeable lors de l’enrobage.

5.4 Conclusion

Lorsqu’une goutte est faiblement enrobée, sa forme est celle d’une goutte dont la surface ne contient pas de grains. Cette forme est déterminée par la minimisation de l’énergie de la goutte (énergie de surface et énergie potentielle de gravité). Cependant, lorsque la densité de grains augmente, de la friction entre grains apparaît et de nombreuses formes métastables sont alors possibles. L’histoire de la formation de la goutte détermine quelle forme elle adopte. La couverture de la surface par les grains influe donc directement sur les formes statiques des gouttes enrobées. Lors des expériences de dévalement de gouttes (chap. 4), nous avons vu que ce paramètre influait aussi sur leur comportement dynamique. Dans la suite, en étudiant le spectre de résonance des billes liquides, nous allons étudier en détail le comportement dynamique des gouttes enrobées.

Cependant, il est nécessaire avant cela de savoir comment former une goutte enrobée de fraction surfacique de grains bien définie.

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Masse de grains capturée par une goutte – Erosion d’une surface

hydrophobe

Sommaire

6.1 Capture de grains hydrophobes par une goutte . . . 102