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5. Chapitre 5 : Fatigue et auto-échauffement

5.5. Auto-échauffement et équation de la chaleur

5.5.3. Résolution numérique

5.5.3.1. Conditions initiales et résolution

La résolution de ce problème considérant la sollicitation dans son ensemble, la déformation viscoélastique est donc considérée nulle en début de sollicitation :

𝜀𝑣𝑖(0,0) = 0

En faisant l’hypothèse que la température enregistrée par les caméras thermiques est la température en surface du matériau, une condition aux limites a été appliquée afin d’obtenir le champ de températures dans toute l’épaisseur de l’échantillon :

𝑇(𝑥, 0) = 𝑇

0

+ (𝑒

−𝑥2

− 𝑒

−1.62

)

L’objectif de cette modélisation étant d’obtenir une estimation moyenne de l’élévation de température du matériau induite par la dissipation, une résolution analytique directe a été conduite, à l’aide du logiciel Mathematica. Ce système n’admettant pas de solution exacte de l’évolution de la température, la résolution de ce système a pu être effectuée de manière numérique via la fonction NDSolve. Cette fonction permet la résolution d’équations différentielles à certains points, via l’application d’une méthode basée sur la Backward Differential Formula (BDF), ici d’ordre 3, puis d’une interpolation entre ces solutions via des polynômes cubiques d’Hermite afin d’obtenir une solution continue sur l’entièreté du spectre temporel étudié.

5.5.3.2. Corrélations avec données de la littérature

Le modèle a été testé sur une étude expérimentale exhaustive menée par Benaarbia et al.[64] sur l’influence de la fréquence de sollicitation ainsi que de l’humidité relative sur l’auto-échauffement d’un PA6.6 non renforcé. Les coefficients

⁡𝐶

𝑒 et⁡𝐶𝑣𝑖, définissent le module d’Young du matériau par la relation définie en chapitre 3 :

𝐶

𝑒

𝐶

𝑣𝑖

𝐶

𝑒

+ 𝐶

𝑣𝑖

= 𝐸

Les coefficients sont ainsi obtenus via une estimation avec un algorithme de Newton-Raphson. Le coefficient

⁡𝛿

𝑒 est quant à lui obtenu selon le protocole défini en chapitre 3, c’est-à-dire à partir des courbes de tractions obtenues par Eftekhari [65]. Il est alors possible de remarquer que le PA6.6 est bien plus sensible à la température que le PPS puisque la valeur de

⁡𝛿

𝑒 obtenue en chapitre 3 est environ deux fois moins importante. Une légère incertitude existe cependant sur la définition de ce paramètre ici, car les courbes de tractions utilisées ne proviennent pas de la même étude que le reste des paramètres. La nature du matériau étant la même, cette incertitude reste néanmoins acceptable. Les données matériaux ont été tirées de cette étude et sont synthétisées en tableau 5.4.

(5.14)

(5.15)

144 | P a g e

Ce (MPa) Ci (MPa) k (W/m/K) C (J/K/Kg) δe T0 (K)

3000 3000 0,25 1440 3,77 298

Tableau 5.4 : Paramètres servant à l'estimation de l'auto-échauffement d'un PA6.6

Le modèle se basant sur l’évolution de la déformation viscoélastique, elle-même de la déformation macroscopique, la déformation subie par le matériau pour chaque configuration sert de donnée d’entrée au modèle. Les différentes déformations subies par le matériau sont rappelées en figure 5.20.

Figure 5.20 : Accumulation de déformation d'un PA6.6 pour différentes conditions de sollicitation [64]

La première condition testée est la configuration avec une sollicitation sur un échantillon sec, à 1Hz. Les prédictions du modèle sont confrontées avec la température relevée par caméra thermique en figure 5.21 :

145 | P a g e Figure 5.21 : Corrélation entre la prédiction et le relevé de l'auto-échauffement d'un PA6.6 [64] pour une sollicitation à

1Hz/RH0

La température prédite par le modèle montre une élévation de 3°C en surface, pouvant atteindre près de 4°C à cœur. La mesure expérimentale montre une élévation de 2,5°C avant de ressentir les effets dissipatifs de par les effets de convection avec le milieu extérieur. Les effets d’échanges thermiques avec l’extérieur n’étant pas considérés dans le modèle, la température prédite par celui-ci correspond de ce fait à la température maximale atteinte par l’échantillon. La comparaison de ces résultats montre donc une erreur de 0,5°C entre la température maximale relevée et la température prédite.

La spécificité du système thermomécanique proposé repose sur le fait que la température apparaisse dans l’équation régissant l’évolution de la déformation viscoélastique. Cette expression prend en compte la sensibilité du matériau à la température via le paramètre⁡𝛿𝑒. Afin d’estimer l’influence de cette sensibilité sur la dissipation, le calcul a été relancé en négligeant ce paramètre. Le résultat de cette prédiction est présenté en figure 5.22 :

146 | P a g e

Alors que l’influence de ce paramètre est très importante dans le but de prédire le comportement mécanique des thermoplastiques, son influence sur la dissipation est négligeable. En effet, comme montré en figure 5.22, aucun changement notable ni de la température maximale ni de la vitesse à laquelle cette température est atteinte n’est observé de par la différence d’ordre de grandeur entre le module d’Young et la déformation. Ainsi, même si les paramètres définissant le comportement élastique du matériau comme le module d’Young sont très sensibles à la température, la baisse de ces caractéristiques à cause de la température n’induit pas à elle seule une hausse notable de la déformation viscoélastique. L’influence de ce paramètre ne peut être observée que lorsque ce dernier atteint des valeurs très importantes, loin des paramètres applicables pour caractériser des matériaux réels, comme montré en figure 5.23 :

Figure 5.23 : Evolution de la température maximale prédite en fonction de la valeur du paramètre 𝜹𝒆

Il est à noter que la température maximale atteignable par le matériau pour une même condition diminue au fur et à mesure que le paramètre

⁡𝛿

𝑒augmente.

Une absence d’augmentation significative de la déformation viscoélastique et une stabilisation de la température par la baisse de la température maximale atteignable par un matériau très sensible à la température sont observées par modélisation.

L’absence d’augmentation de la déformation viscoélastique observée n’a pas de réel sens physique puisque la sensibilité du matériau à la température, de par la dissipation, serait observable sur l’évolution de sa déformation macroscopique au cours de la sollicitation. Ici cependant, seule l’étude de

⁡𝛿

𝑒 est considérée pour une déformation globale inchangée. Or, il est fort probable que la déformation globale du matériau varie en fonction de la température, tout comme elle est dépendante de l’humidité et de la fréquence de sollicitation comme observé en figure 5.20. Ainsi, la définition seule du paramètre

⁡𝛿

𝑒ne permet pas de prédire l’évolution de la déformation viscoélastique en fonction de la température.

147 | P a g e

L’autre constatation montre que plus les caractéristiques élastiques du matériau sont sensibles à la température, moins ce dernier va s’auto-échauffer. Ce phénomène s’explique par la définition du pseudo-potentiel de dissipation qui le constitue. En effet, le pseudo-potentiel de dissipation exprimé par l’équation (3.26) étant lié aux paramètres élastiques du matériau, plus ces derniers diminuent par l’effet de la température, moins la dissipation est importante.

Cependant il est également à noter que, comme il a été montré en figure 5.21, sous réserve de connaitre l’évolution de la déformation moyenne du matériau au cours de l’essai, le modèle est capable de prédire l’élévation de température avec une précision satisfaisante pour la configuration étudiée. Une autre configuration a ensuite été testée avec le cas d’un matériau sec mais cette fois-ci sollicité à 10Hz.

Les paramètres sont restés identiques, seule l’accumulation de déformation a évolué. La confrontation de la température relevée et de la prédiction est montrée en figure 5.24 :

Figure 5.24 : Corrélation entre la prédiction et le relevé de l'auto-échauffement d'un PA6.6 [64] pour une sollicitation à 10Hz/RH0

Ici le modèle prédit une évolution négligeable de la température en surface et une hausse d’un degré Celsius tout au plus à cœur. Ce résultat, là encore, est cohérent avec le relevé expérimental qui mesure une élévation de température inférieure à 1°C. Ce résultat s’explique par la très faible évolution de déformation observée en figure 5.20 pour cette configuration.

Enfin, le modèle a été appliqué à une condition où le matériau est sollicité à 1Hz mais présente une absorption d’eau due à une sollicitation dans un environnement comprenant 50% d’humidité relative. Contrairement aux cas étudiés au cours de cette thèse, le matériau n’est pas complètement immergé dans un liquide composé de plusieurs constituants. Ici, la masse d’eau gagnée à saturation varie en fonction de l’humidité relative. De ce fait, une conversion est opérée sur l’équation (3.37a) afin de prendre en compte la masse d’un liquide monophasé et non plus la proportion des constituants dans le liquide :

148 | P a g e

Le coefficient

⁡𝜁

est obtenu via le même protocole que défini en chapitre 3, en se servant des courbes de traction vieillies présentes dans l’étude originale de Benaarbia et. al. Le coefficient

⁡𝜁

vaut ici 11,2 pour ce PA6.6.

Figure 5.25: Corrélation entre la prédiction et le relevé de l'auto-échauffement d'un PA6.6 [64] pour une sollicitation à 1Hz/RH50

Cette configuration induit une élévation de température plus importante que pour les conditions précédemment étudiées. Ce phénomène était attendu de par une déformation plus importante que dans les cas précédents. Cependant, comme montré en figure 5.25, cette hausse de la déformation n’est pas suffisante pour expliquer l’élévation de la température puisque le modèle sous-estime grandement l’élévation réelle de température observée expérimentalement.

En effet, comme abordé dans les chapitres précédents, l’absorption d’eau induit des phénomènes microstructuraux tels que l’insertion de molécules d’eau entre les chaînes moléculaires ou encore un effet plastifiant qui peut favoriser l’endommagement. Bien que ces effets soient visibles sur la déformation globale du matériau, ce dernier n’est plus tout à fait le même qu’étudié jusqu’à présent et voit de ce fait ses paramètres évoluer de par la présence d’eau dans la microstructure. La prochaine section aborde ainsi différents points de vue afin de tenter de considérer les différents effets de l’eau sur le comportement dissipatif du matériau.