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3. Chapitre 3 : Modélisation du comportement mécanique de la matrice

3.1.1. Modèles phénoménologiques

Les matériaux plastiques, comme montré en chapitre 1, ont des comportements complexes de par les différentes phases et arrangements moléculaires qui les constituent. Bien que les matériaux polymères puissent se distinguer de par des types de comportements très différents, la modélisation de leur comportement mécanique est généralement rendue possible via la construction de schémas rhéologiques. En fonction du matériau étudié et de la complexité de son comportement, plusieurs schémas peuvent être envisagés.

 Viscoélastiques (VE)

A la différence des matériaux présentant un comportement élastique, les matériaux viscoélastiques vont dissiper de l’énergie, dissipation visible via l’hystérésis induite. La prise en compte de ce phénomène dans les schémas rhéologiques se fait par l’association d’un ressort modélisant le comportement purement élastique et d’un amortisseur considérant la viscosité du matériau. La caractérisation d’un comportement viscoélastique diffère selon l’association du ressort et de l’amortisseur, comme montré en figure 3.1 :

Figure 3.1 : Modèles rhéologiques simples de (a) Maxwell et de (b) Kelvin-Voigt

51 | P a g e

(a) Le modèle de Maxwell, où les composants sont associés en série, induit une déformation totale égale à la somme des déformations de chaque composant, pour une contrainte uniaxiale égale à la contrainte appliquée :

𝜀 = 𝜀

𝑟

+ 𝜀

𝑎

𝜎 = 𝜎

𝑟

= 𝜎

𝑎

Avec

𝜎

𝑟

= 𝐸

0

𝜀

𝑟

et 𝜎

𝑎

= 𝜂𝜀̇

𝑎

Ce système abouti à l’équation différentielle suivante :

𝜀̇ =

1

𝐸0

𝜎̇ +

1

𝜂

𝜎

La résolution de cette équation différentielle peut se faire selon deux philosophies différentes. La première consiste à considérer l’application d’une contrainte constante : c’est la relaxation. La solution de l’équation différentielle devient alors :

𝜎(𝑡) = 𝐸

0

𝜀

0

𝑒

𝐸0 𝜂𝑡

L’autre moyen de résoudre l’équation différentielle (3.2) est de considérer l’application d’une contrainte fixe. Le cas présenté s’apparente alors à du fluage. Cette considération aboutie alors à la solution suivante :

𝜀(𝑡) = 𝜎

0

𝐸

0

+

𝜎

0

𝜂 𝑡

La principale limitation du modèle de Maxwell est que sa prédiction du phénomène de fluage n’est pas précise.

(b) Le modèle de Kelvin-Voigt consiste en un montage de l’amortisseur en parallèle avec le ressort. Ce montage suppose, contrairement au modèle de Maxwell, que la déformation de chaque constituant est égale à la déformation globale et que la contrainte appliquée est égale à la somme des contraintes :

𝜀 = 𝜀

𝑟

= 𝜀

𝑎

𝜎 = 𝜎

𝑟

+ 𝜎

𝑎

L’équation différentielle devenant donc :

𝜎 = 𝐸

0

𝜀 + 𝜂𝜀̇

De même, pour une résolution basée sur un phénomène de relaxation, la solution de cette équation différentielle est alors :

(3.1a) (3.1b) (3.2) (3.3) (3.4) (3.5a) (3.5b) (3.6) (3.7)

52 | P a g e

𝜎(𝑡) = 𝐸

0

𝜀

0

En considérant un phénomène de fluage, la solution devient :

𝜀(𝑡) =

𝜎0

𝐸0

(1 − 𝑒

𝐸0𝜂𝑡

)

La principale limitation du modèle de Kelvin-Voigt, contrairement au modèle de Maxwell, réside dans une prédiction trop imprécise dans la configuration de relaxation, de par sa prédiction constante. Une limitation d’un modèle étant le point fort de l’autre, ces deux modèles sont donc complémentaires. Ainsi, les études portant sur la modélisation du comportement de thermoplastiques viscoélastiques se basent sur des schémas généralisés, considérant des branches de Maxwell en parallèle ou des branches de Kelvin-Voigt en série, permettant de tirer le meilleur parti des deux modèles. Pour la plupart des matériaux utilisés cependant, la simple considération d’un comportement viscoélastique peut ne pas être suffisante pour rendre compte de son comportement réel.

 Elasto-viscoplastiques (EVP)

La considération de la partie viscoplastique se fait via une redéfinition de la déformation, en y introduisant un membre lié à la déformation inélastique :

𝜀 = 𝜀

𝑒𝑙

+ 𝜀

𝑣𝑝

Dans un cadre général en 3D, la relation contrainte/déformation peut alors s’écrire :

𝜎̇ = 𝐶

𝑒𝑙

: (𝜀̇ − 𝜀̇

𝑣𝑝

)

La vitesse de déformation plastique est déterminée selon les relations constitutives suivantes :

𝜀̇

𝑖𝑛

(𝑡) = 𝜀̃(𝜎(𝑡), 𝑉(𝑡))⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡⁡𝑉̇ = 𝑉̃(𝜎(𝑡), 𝑉(𝑡))

Généralement, les variables internes composant la variable d’écrouissage V(t) comprennent un coefficient d’écrouissage isotrope (p) et un tenseur d’écrouissage cinématique (X).

Une des méthodes les plus utilisées pour la considération de la déformation viscoplastique est la méthode du J2, méthode également utilisée au cours de cette thèse. Cette méthode suppose une réponse viscoplastique isotrope et dont le critère de plasticité est défini via la fonction de charge suivante :

𝑓(𝜎

𝑒𝑞

, 𝑝) = 𝜎

𝑒𝑞

− (𝜎

𝑦

+ 𝑅(𝑝))

Où 𝜎𝑒𝑞 est la contrainte équivalente de Von-Mises, 𝑅(𝑝) est la fonction d’écrouissage et⁡𝜎𝑦 représente la limite d’élasticité initiale. La reconnaissance de ce modèle fait que celui-ci est appliqué dans cette étude, bien que les matériaux plastiques ne présentent pas d’écrouissage [61,63].

(3.8)

(3.9)

(3.10)

(3.11)

53 | P a g e

La partie « pseudo-viscoplastique » que présentent les matériaux plastiques peut néanmoins être modélisée avec précision.

L’expression de la fonction d’écrouissage connait également plusieurs expressions, les deux principales étant la loi puissance simple et la loi puissance de Norton. La loi puissance simple est définie par :

𝑅(𝑝) = {𝑘𝑝

𝑛

⁡𝑠𝑖⁡𝑝 > 0

0⁡𝑠𝑖𝑛𝑜𝑛

Où 𝑘[𝑀𝑃𝑎] est le module d‘écrouissage, 𝑛 en est l’exposant et

𝑝 désigne l’accumulation de

déformation plastique, définie par :

𝑝̇ = (2

3⁡𝜀̇

𝑣𝑝

: 𝜀̇

𝑣𝑝

)

12

La vitesse de déformation viscoplastique est quant à elle définie par :

𝜀̇

𝑣𝑝

= 𝑝̇𝜕𝑓

𝜕𝜎 = 𝑝̇

3

2

𝑠

𝜎

𝑒𝑞

De par la nature elasto-viscoplastique du modèle, la vitesse d’accumulation de déformation plastique 𝑝̇ est défini par :

𝑝̇

= 𝑔𝜐

(

𝜎𝑒𝑞, 𝑝

)

> 0⁡si 𝑓 > 0 et

𝑝̇ = 0 si 𝑓 ≤ 0

Où⁡𝑔𝜐 représente la fonction caractéristique définissant la vitesse d’accumulation plastique.

 Viscoélasto-viscoplastiques (VEVP)

Les modèles de type VEVP représentent les modèles les plus généraux et permettent de considérer les hétérogénéités intrinsèques de la microstructure et la complexité globale du comportement du matériau. Ainsi, il existe deux catégories de schémas rhéologiques : l’un considérant le comportement des phases amorphes et semi-cristallines, tels que le schéma de Détrez [79] qui a été un des premiers à explorer ce point de vue, et l’autre traduisant le comportement macroscopique du thermoplastique.

(3.13)

(3.15)

(3.16) (3.14)

54 | P a g e Figure 3.2 : Schéma rhéologique décrivant le comportement mécanique d'un polymère semi-cristallin en considérant les

différentes phases moléculaires [79]

Les schémas rhéologiques étant par nature modulables, il est possible de définir des branches propres à chaque phase et procéder ainsi à une « homogénéisation » des différentes phases. La définition de tels modèles nécessite cependant une connaissance précise du comportement de chaque phase, ce qui peut s’avérer être très complexe à déterminer. Au niveau macroscopique, une telle « homogénéisation » est également possible pour déterminer le comportement du composite renforcé, pour une orientation de fibre donnée.

Un des objectifs de la thèse étant la considération des effets de l’environnement de sollicitation sur le comportement du matériau et son extrapolation à des pièces réelles, une telle approche n’est cependant pas adaptée. En effet, l’environnement n’ayant d’effets que sur la matrice PPS, le modèle rhéologique doit se concentrer sur la définition du comportement VEVP de la matrice. De même, les schémas rhéologiques étant adaptés à des sollicitations uniaxiales, la modélisation du comportement du composite par un tel biais serait trop imprécise de par son anisotropie.

Ce point de vue adopté par de nombreux auteurs a abouti à l’élaboration de modèles rhéologiques permettant de modéliser le comportement macroscopique de polymères non renforcés. Parmi les modèles les plus récents, le modèle de Kichenin [80, 81] est un des plus pertinents puisqu’il a été développé pour modéliser le comportement sous chargement statique d’un polyéthylène semi-cristallin. Ce modèle se caractérise par la mise en parallèle d’une branche élasto-plastique et d’une branche viscoélastique, comme illustré en figure 3.3 :

Figure 3.3 : Schéma rhéologique proposé pour la description du comportement mécanique d’un polyéthylène sans distinction entre les phases amorphes et semi-cristalline [80]

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L’idée de mettre en parallèle les parties indépendantes du temps avec celles qui en sont dépendantes a été reprise dans d’autres modèles, plus complets, permettant la modélisation du comportement mécanique sous chargement statique et cyclique. Ainsi, il existe énormément d’études basées sur des modèles phénoménologiques, possédants des spécificités propres aux matériaux étudiés [27,82-101]. Un des modèles les plus récents, considérant les chargements statiques et cycliques est illustré en figure 3.4 :

Figure 3.4 : Schéma rhéologique adapté aux sollicitations monotones et cycliques [27]

Ce modèle se caractérise par l’absence de partie « plastique » au profit d’une partie décrivant une viscosité non linéaire. Ce point de vue, bien que pouvant avoir plus de sens physique, nécessite cependant plus d’essais cycliques pour être caractérisé. La présence de deux modèles viscoélastiques est très intéressante puisqu’elle permet au modèle de prendre en considération les effets visqueux de court-terme et ceux de long-terme, ce qui en fait un modèle très complet pouvant s’adapter à plusieurs types de sollicitations.