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6.2 Témoin volcanique de la fusion d’un réservoir très peu radiogénique en

6.2.2 Un réservoir Low µ manquant

Sur la base des coefficients de partage déterminés pour le Pb entre silicate et FeS par Oversby et Ringwood (1971), le noyau a été le premier candidat solide retenu pour ce réservoir manquant, permettant de balancer le Pb trop radiogénique de la BSE. Vollmer (1977) mais surtout Allegre et al. (1982) suggèrent un modèle de pompage préférentiel du Pb dans le noyau, tandis que tout l’U reste retenu dans le manteau. Avec un µ nul et aucune production de Pb radiogénique, le haut rapport207P b/204P b du noyau aurait

été figé à gauche de la Géochrone ce qui résoudrait le paradoxe du Pb. Ce pompage du Pb et non de l’U serait responsable de l’augmentation du rapport U/Pb dans le man-teau et expliquerait le positionnement à droite de la Géochrone des basaltes océaniques. Toutefois, bien que difficilement testable directement en raison de l’estimation difficile des rapports isotopiques du Pb dans le noyau, ce modèle est remis en question, d’abord pour des raisons de chronologie des évènements (précocité et rapidité) de formation du noyau qui selon Kramers et Tolstikin (1997) limite à 30% seulement (si l’on en croit les modèles thermiques d’accrétion et de formation du noyau) la capacité de stockage

KMO Qre6.2 – Illustration de la différence entre le κ mesuré et le κ calculé à partir du rapport

208P b*/206P b* (à gauche), et représentation du modèle de Turcotte et al., 2001 (à droite)

expliquant l’évolution du κ de la BSE depuis l’oxydation de la Terre. L’U est sélectivement érodé depuis la croûte continentale supérieur et réinjecté dans le manteau supérieure, diminuant ainsi son κ à 2.5.

du Pb dans le noyau, et suggèrent que la croûte continentale inférieure soit le réservoir complémentaire. Lagos et al. (2008) montrent également de manière expérimentale que le Pb n’est pas suffisamment sidérophile et chalcophile pour que le modèle de pompage du Pb dans le noyau génère le haut rapport U/Pb du manteau supputé par les basaltes océaniques, et proposent eux aussi l’existence d’un autre réservoir caché potentiellement dans le manteau inférieur.

La croûte continentale inférieure a donc été la seconde candidate retenue pour ce réservoir manquant, d’une part parce qu’elle est difficilement accessible ce qui suggère que l’ensemble des données de la littérature n’est pas représentative de l’ensemble de sa composition isotopique, et d’autre part parce que les nombreux xénolithes issus de ce réservoir ont des compositions isotopiques de Pb très peu radiogéniques (Leeman et al., 1985 ; Clayburn, 1988 ; Kramers et Tolstikhin, 1997 ; Rudnick et Goldstein, 1990) et particulièrement les roches archéennes de la croûte continentale inférieure (Bohlar et al., 2007 ; Murphy et al., 2003). Cependant, d’après Rudnick et Goldstein (1990), la croûte inférieure continentale même dans sa totalité ne serait également pas assez faiblement radiogénique pour contre-balancer à elle seule le manteau et la croûte supérieure, et cela principalement à cause de sa refertilisation ou contamination due aux échanges avec la

que le Pb très peu radiogénique contenu dans la croûte continentale inférieure soit pré-férentiellement stocké dans les régions stables de type cratons.

Murphy et al. (2002) & (2003) suggèrent alors qu’une partie importante de litho-sphères océaniques subduites et de sédiments continentaux pourrait être stockée sous forme de grenatite dans la zone de transition du manteau (entre 400 et 670 km) et consti-tueraient un réservoir à faible rapport U/Pb, source des lamproïtes et autres magmas alcalins associés, identifiés à gauche de la Géochrone. Finalement, c’est surtout l’analyse des péridotites du massif d’Horoman (Japon) par Malaviarachchi et al. (2008) et l’en-registrement des rapports isotopiques du Pb les plus bas pour des roches du manteau qui apportent la preuve matérielle que du Pb très peu radiogénique peut être stocké en grande quantité dans le manteau supérieur, ce qui contribuerait à résoudre le paradoxe du Pb. Les auteurs suggèrent également que ce réservoir jusque là méconnu se trouve sous la forme d’hétérogénéités anciennes (> 1Ga), peut-être ubiquistes, mais réfractaires (Malaviarachchi et al., 2008 ; Malaviarachchi et al., 2010 ; Warren et Shirey 2012), ce qui expliquerait pourquoi il n’est pas observé dans les basaltes.

Néanmoins, une autre explication est c’est celle du "Late Veneer" (Chou, 1978 ; Bre-nan, 2012, Albarède et al., 2013). Le Late Veneer correspondrait à un bombardement tardif, c’est à dire post formation du noyau de la Terre (environ 100 Ma après la for-mation du système solaire) de matériel chondritique qui aurait apporté la quasi totalité (>90%) du Pb terrestre (Albarède, 2009 ; Ballhaus et al., 2013). Ce scénario s’appuie sur la signature en éléments volatils de la Terre. Il est suggéré que l’accrétion de notre planète s’étant effectuée au début de l’histoire du système solaire, la température trop haute à l’époque empêcha les éléments volatils (dont le Pb) de se condenser. C’est plus tard que celui-ci a été ajouté lors du Late Veneer qui aurait en quelque sorte refertilisé la BSE et le manteau. La masse ajoutée par ce bombardement météoritique serait estimée à environ 2.5% de celle de la BSE (Marty, 2012).

Les basaltes de l’EPR entre 15˚37’N et 15˚47’N (là où la chaîne de seamounts des Mathématiciens intersecte l’axe de la dorsale) ont des compositions isotopiques qui défi-nissent une tendance de mélange dont l’extrémité se trouve dans l’espace situé à gauche de la Géochrone (Figure 6.3), et donc échantillonne magmatiquement un réservoir in-connu au Pb très peu radiogénique situé dans le manteau, semblable à celui suggéré par Malaviarachchi et al. (2008). Pourtant alors que le réservoir identifié par Malaviarachchi

opq rre 6.3 – Graphique représentant le rapport 207P b/204P b en fonction du rapport 206P b/204P b de l’ensemble des basaltes océaniques (gris) ainsi que les données de cette étude

(couleurs). On remarquera que les échantillons les plus influencés par ULC se trouvent à gauche de la Géochrone 4.53 Ga.

qu’il peut être fertile. Par conséquent, ces observations indiquent que ce réservoir au Pb très peu radiogénique situé dans le manteau peut se décliner sous plusieurs formes. Il ne faut pas créer d’amalgame en utilisant le vocabulaire. Du point de vue du budget Pb de la Terre entière et en regardant le diagramme 207P b/204P b en fonction de 206P b/204P b,

on considère qu’il existe bien un seul réservoir "manquant" : celui- se trouvant à gauche de la Géochrone, tout comme on considère qu’il existe un seul réservoir à droite. Mais dans le détail (i.e., lithologie), chacun de ces deux réservoirs est un ensemble d’unités différentes mais liées dans le bilan géochimique global.

Les questions posées par les résultats de cette étude et la détection de ULC dans les basaltes de l’EPR sont les suivantes :

– Par quels mécanismes le composant ULC s’est-il formé ? – Dans quel contexte géodynamique ?

– Pourquoi n’a t’-il jamais été échantillonné jusqu’à présent dans les basaltes ?