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2.2.1 Le projet PaRiSub : mars - avril 2010

PaRiSub (Panache Ride Submersible) est une campagne océanographique qui a eu lieu en mars/avril 2010 (N/O l’Atalante) L’objectif principal de ce projet est de com-prendre l’influence d’un petit panache de manteau sur l’accrétion océanique, pendant

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re 2.4 – Photographies des équipements utilisés lors de la campagne PaRiSub. a) le submersible Nautile, b) l’ Autonomous Underwater Vehicle (AUV) AsterX, et c) le navire Océanographique (N/O) l’Atalante.

une courte période de temps (< 1Ma).

Pour pouvoir étudier la mise en place d’une interaction point chaud/dorsale, l’étude d’un système convergent où le panache est suffisamment proche pour que ses produits dérivés puisse être échantillonnés dans les laves émises par la dorsale, était requis. La région ciblée dans ce projet est localisée à 15 - 16˚N dans les eaux pacifiques mexi-caines, là où le point chaud des Mathématiciens interagit avec l’EPR. Accessible par un submersible habité (contrairement à la zone Foundation-PAR), et ayant fait l’objet de travaux précédents (e.g., Macdonald et al., 1992 ; Macdonald et al., 1996 ; Carbotte et al., 2000 ; Shah et Buck, 2006) qui ont permis de choisir précisément les sites à étudier, cette région est apparue comme un candidat idéal à une étude pluridisciplinaire et à très petite échelle d’une interaction point chaud - dorsale (Gente et al., 2010).

plongées AUV (magnétomètre et néphélomètre embarqués) (Figure 2.4) ont été réalisées selon deux directions : le long (15 km) et perpendiculaire (20 km) à l’axe de l’EPR. Au total 209 échantillons de basaltes et 6 échantillons de cheminées hydrothermales ont été prélevés, en même temps qu’ont été acquises les données géophysiques de fond com-prenant la gravimétrie (19 stations, Scintrex CG3M), le magnétisme (20 plongées), la bathymétrie (4-5 noeuds, sondeur de coque EM122, mode faisceaux serrés), la micro-bathymétrie (18 plongées, AUV ASTER X à 70m au dessus du fond, 1-2m de résolution) et la néphélométrie (18 plongées). L’analyse géochimique des échantillons a pour but de répondre aux questions concernant la nature et la quantification de l’interaction mag-matique entre point chaud et dorsale, et donnera un aperçu de la composition isotopique du manteau sous cette partie de l’EPR. Les données magnétiques quant à elles sont des données clefs pour établir un cadre temporel à l’étude d’aussi jeunes structures magma-tiques. Les mesures de gravimétrie vont permettre de regarder l’impact d’un point chaud sur l’épaisseur et la structure d’une croûte océanique mise en place dans un contexte d’accrétion déjà rapide. Enfin, les données de bathymétrie et microbathymétrie vont donner accès à une image très précise de la morphologie de l’EPR, qui passera par une caractérisation très détaillée de la déformation et des structures tectono-magmatiques, en vue de mieux comprendre comment la dorsale s’accommode et réagit face à une nouvelle source magmatique à proximité (Le Saout, doctorat en cours, univ. Brest).

2.2.2 Contexte général

Historique tectonique de la partie Nord de l’EPR

La zone d’étude appartient à l’histoire de la partie nord de l’EPR entre 10˚et 23˚N. Alors qu’un seul centre d’accrétion principal est visible aujourd’hui, les données bathymé-triques et magnétiques enregistrées depuis 30 Ma témoignent d’une évolution complexe de l’accrétion dans cette partie, alternant périodes stationnaires et grandes phases de réorganisation qui ont fini par translater le système d’accrétion vers l’est. Cela s’est ef-fectué en 3 grandes étapes estimées à il y a 25, 12 et 6 Ma (Figures 2.5 & 2.6 (Klitgord et Mammerickx, 1982 ; Mammerickx et al., 1988).

Initialement plus à l’ouest, le centre d’accrétion était la dorsale Pacifique-Guadeloupe. La première phase de réorganisation a consisté en l’extinction, il y a 25 Ma, de cette dorsale dans sa partie la plus au nord et à une légère rotation horaire de l’ensemble des

³´µ ¶re2.5 –Représentation schématique de la réorganisation tectonique dans la partie nord de l’EPR il y a 25 Ma (en haut) et 12 Ma (en bas) (adapté de Mammericks et Klitgord, 1982). Les lignes fines sont les isochrones et celles plus épaisses les segments de dorsale actifs. Les lignes en pointillés symbolisent les zones de fracture, et les lignes épaisses grisées ou tiretées (en bas) représentent les centres d’accrétions abandonnés.

· ¸¹ º ¸»ts. Au sud, cela correspond également au début de la formation et de la propa-gation de la dorsale Coco-Nazca (direction ouest-est). Au cours du miocène la dorsale s’est progressivement décalée vers l’est tandis que le segment le plus au nord a pivoté dans le sens anti-horaire jusqu’à être subparallèle à la basse Californie. Il y a 12 Ma s’est effectué un très gros remaniement qui a conduit à l’extinction de la dorsale Pacifique-Guadeloupe jusqu’à la transformante de Clipperton (10˚N) à la faveur d’un nouveau système d’accrétion situé un peu plus loin à l’est, orienté NNE-SSO appelé dorsale des Mathématiciens et découpé par nouveau jeu de failles transformantes. Peu de temps après et encore plus à l’est, un deuxième centre d’accrétion s’est formé dans une direc-tion N-S : c’est l’EPR actuelle. Pendant quelques millions d’années, les deux dorsales vont fonctionner en même temps et construire une micro-plaque qui va croître jusqu’à l’abandon de la partie sud de la dorsale des Mathématiciens, il y a 6.5 Ma. A partir de ce moment, l’EPR va commencer à se propager vers le nord jusqu’à se reconnecter par l’intermédiaire de la transformante Rivera à la terminaison nord de la dorsale des Mathématiciens, qui elle, sera complètement abandonnée, il y a 3.5 Ma.

¼½¾ ¿re2.6 –Représentation schématique de la réorganisation tectonique dans la partie nord de l’EPR il y a 6 Ma (à gauche) et 3 Ma (à droite) (adapté de Mammericks et Klitgord 1982). Les lignes épaisses représentent les segments de dorsale actifs. Les lignes en pointillés symbolisent les zones de fracture, et les lignes encore plus épaisses et tiretées représentent les segments abandonnés qui constituent à l’actuel, la dorsale fossile des Mathématiciens.

se trouve un groupement de seamounts indépendants. A l’ouest, se situe une courte chaîne de seamounts connectée au segment le moins profond de l’EPR (15˚4’N), un alignement NE-SE moins dense de seamounts qui se prolonge plus à l’ouest en un haut plateau volcanique (109˚W) proche de la dorsale fossile des Mathématiciens.

Zoom sur le segment d’étude

Le segment ciblé est située entre la zone de fracture de Rivera au nord et celle d’Orozco au sud, là où l’EPR sépare la micro-plaque fossile des Mathématiciens de la plaque Cocos, qui entre très rapidement en subduction sous la côte mexicaine (e.g., Pardo et Suarez, 1995). Entre ces deux transformantes, la dorsale est divisée en trois segments de deuxième ordre. Les deux segments sud sont séparés par un OSC de grande dimen-sion à 16˚20’N (Sloan, 1991 ; Macdonald et al., 1992). Le taux d’accrétion de ces deux segments est identique et d’environ 80-85 mm/a, pourtant leurs morphologies diffèrent énormément. La configuration actuelle du segment Rivera - Orozco a été acquise très récemment. Il y a plus de 600 000 ans ce segment était encore divisé en 4 segments de deuxième ordre par deux OSC, avec un segment central plus petit. Les deux segments les plus longs se sont propagés jusqu’à éliminer le segment central et ne former qu’un OSC à 16˚20’N (Figure 2.7) (Weiland et Macdonald, 1996). Actuellement la propagation du segment nord (45 mm/a) vers le sud domine celle du segment sud vers le nord dont la vitesse est passée de 105mm/a à 10mm/a, ce qui a pour effet de faire migrer l’OSC vers le sud.

Le segment sud situé entre l’OSC et la zone de fracture d’Orozco est la région échan-tillonnée dans cette étude (Figure 2.8). Celui-ci est surélevé de 300 m par rapport au reste de la dorsale et est également 2 fois plus large que le reste de l’EPR (10 km vs 4 km en moyenne) (Scheirer et Macdonald, 1993), formant un plateau sommital inhabituel. Sur son côté ouest, l’axe de la ride est intercepté perpendiculairement, dans sa partie la plus large et haute, par une chaîne proéminente de seamounts (nommée "P1545", Weiland et Macdonald, 1996) appelée ici chaîne des Mathématiciens. Cette chaîne surplombe de 1000 m l’axe déjà très peu profond de la dorsale, et se termine par un petit volcan récent appelé "volcan Split", scindé en deux par l’axe actuel, et venant border le dôme axial de l’EPR.

Les études de sismique réalisées dans cette zone ont révélé la présence du réflecteur de l’AMC deux fois plus épais et moins profond que sous les autres segments,

ÚÛÜ Ýre 2.7 – Reconstruction tectonique de l’OSC 16˚20’N et des segments 16˚et 17˚N au cours des derniers 0.6 ma. Passage progressif d’un système à trois segments et deux OSC à un système à deux segments et un OSC (adapté de Weiland et Macdonald, 1996).

ÚÛÜ Ýre 2.8 – Localisation de la zone d’étude (carré rouge) et repérage des éléments tec-toniques et magmatiques principaux sur fond de carte bathymétrique. (Carte réalisée avec Geomapapp).

al., 2000). De la même manière, les données de gravimétrie indiquent une anomalie de Bouguer négative (12mgal) au centre de ce segment, ce qui suggère plutôt la présence d’un manteau plus chaud sous cette partie de l’axe qu’un épaississement crustal (Wei-land et Macdonald, 1996 ; Shah et Buck, 2006). Ce segment apparaît finalement comme anormalement robuste et à fort potentiel magmatique, et semble interagir actuellement avec la source des seamounts. D’ailleurs, à l’est de l’axe actuel se trouvent deux traces parallèles et rapprochées d’anciens axes (Weiland et Macdonald, 1996). Carbotte et al. (2000) proposent alors que ces deux petits sauts d’axes (7 et 9 km respectivement) ré-cents, dans le sens contraire du déplacement général de l’EPR au cours des derniers millions d’années, soient liés à la présence d’un petit point chaud. Après chacune de ces délocalisations, la ride a augmenté de volume, et le segment s’est allongé. Ces sauts ont contribué fortement à l’augmentation de la longueur de la zone de fracture d’Orozco. Weiland et Macdonald (1996) suggèrent également que le changement récent dans la géométrie du segment (e.g., propagation rapide) au cours du dernier million d’années soit lié à l’influence d’une hétérogénéité fertile dans le manteau (Davis et Karsten, 1986).

Aperçu géochimique de la partie nord de l’EPR

Un certain nombre d’études ont porté dans les années 1980 et 1990 sur la géochimie des MORB de la partie nord de l’EPR située entre Clipperton FZ (10˚N) et Orozco FZ (15˚N), et du nord de la zone de fracture de Rivera (21˚N) (Hekinian et Walker, 1987). Alors que certains auteurs ont tenté de relier géochimie des éléments majeurs/traces et morphologie de la dorsale (e.g Hekinian et Fouquet, 1985 ; Hekinian et al., 1989), d’autres se sont plutôt focalisés sur les compositions isotopiques et le traçage des sources man-telliques (e.g Hamelin et al., 1984 ; White et al., 1987 ; Ito et al., 1987 ; Prinzhofer et al., 1989 ; Reynolds, 1992 ; Niu et Batiza, 1997), mais il existe très peu d’études qui ont es-sayé de corréler cet ensembl à l’échelle adéquate l’ensemble de ces données. Ces travaux ont néanmoins permis de montrer que ces basaltes de la partie nord recouvrent la moitié de la gamme de composition géochimique déjà rencontrée dans les MORB de l’EPR. Ils s’accordent aussi pour dire que malgré cette uniformité isotopique à l’échelle du bassin pacifique (par rapport aux bassins indien et atlantique), la composition isotopique des basaltes sous cette partie de l’EPR varie beaucoup et représente un exemple typique de la fusion d’un manteau de type "marble cake" reflétant le mélange entre une matrice appauvrie (type péridotite) et un matériel enrichi (type pyroxenite) (Prinzhofer et al., 1989 ; Hekinian et al., 1989).

Dans un article couplant les éléments majeurs/traces et les isotopes du Sr, Nd et Pb, 64

ñòó ôre 2.9 – Planche illustrant le fort caractère magmatique du segment 16˚N de l’EPR à partir des données bathymétriques, gravimétriques et sismiques. (A) Carte bathymétrique à 40m de résolution (Le Saout, communication personnelle) et repérage des éléments tectoniques et magmatiques. (B) Profil bathymétrique transversal à l’axe à 15˚4’N (localisé en (A)). (C) Carte gravimétrique de l’anomalie de Bouguer (MBA) (intervalle des contours 2.5 mGal) (tiré de de Shah et Buck, 2006). (D) Interprétation et comparaison des données de sismique axiales entre les segments 16˚et 17˚N (adapté de Carbotte et al., 2000).

et 15˚N (Figure 2.10). Ils mettent surtout en évidence l’existence d’une frontière géochi-mique nette à 14˚10’N qui s’observe dans les changements des compositions isotopiques des basaltes analysés. Ils définissent le domaine 11˚45’N - 14˚10’N comme un mélange entre un composant appauvri (DMM) et un composant enrichi ayant la composition des seamounts à proximité, avec un gradient d’enrichissement progressif du composant sea-mounts du sud vers le nord. A partir de 14˚10’N et jusqu’à la zone de fracture d’Orozco, le manteau semble soudainement changer de composition en étant dominé non plus par le composant seamounts mais plutôt par une signature de type MORB indien, avec une chute du rapport 206P b/204P b et une augmentation des rapports 207P b/204P b.

F re 2.10 –Compositions isotopiques du Sr, Nd et Pb des basaltes de l’EPR entre 11˚et 15˚5’N (Castillo et al. 2000). On remarquera la présence d’une frontière chimique à 14˚N et celle des deux gradients géochimiques différents de part et d’autre de cette limite. L’un tend vers des compositions de type indien (domaine vert) et l’autre tend vers un mélange entre un composant appauvri (type pacifique) et un composant plus enrichi type seamounts (domaine gris). On notera l’absence de données publiées au nord de la zone de fracture d’Orozco.

Au nord de la zone de fracture d’Orozco et ce jusqu’à la zone de fracture de Rivera, il existe une véritable lacune dans les données. En effet, il n’existe aucune publication sur ce segment, et les seules références dans la littérature concernant la géochimie de cette région sont deux présentations à l’"American Geophysical Union Fall meeting" (Langmuir et al., 1990 ; Langmuir et al., 1998). Il existe pourtant un grand nombre d’échantillons collectés par dragages lors de la campagne Panorama Leg1 (1997) le long de ce grand segment et sur les seamounts aux alentours. Certains de ces échantillons ont été analysés et sont présentés dans une partie du mémoire de PhD de Donnelly (2002) portant sur la génèse des E-MORB (Figure 2.11). Ils seront comparés et discutés conjointement avec

l nouvelles données acquises dans cette étude dans la partie discussion de ce manuscrit.

 re 2.11 – Carte d’échantillonnage sur laquelle sont localisés en rouge les échantillons dragués lors de la campagne Panorama (1997), et en noir les échantillons analysés au cours de cette étude et prélevés par submersible lors de la campagne PaRiSub (2010) pour comparaison. On remarquera la différence entre les stratégies d’échantillonnage.