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B. INTRODUCTION

V. Les réseaux thalamo-corticaux

V. 1. Structure et fonction du thalamus

Le thalamus est une large structure du diencéphale qui est un relai essentiel de l’information périphérique vers les cortex moteurs et somatosensoriels (figure 13). Les projections du thalamus contactent également d’autres structures telles que le striatum et l’hippocampe ce qui le place au centre de nombreux processus cérébraux comme les processus attentionnels, la mémoire ou encore le langage (figure 13 ; Herrero et coll., 2002 ; Latchoumane et coll., 2017). Le thalamus est un relais obligatoire pour les informations sensorielles externes et internes outre l’olfaction (Guillery, 2005). Les noyaux relais et associatifs projettent vers leurs cibles respectives mais également vers le noyau réticulé thalamique (nRT). Le nRT est le seul noyau thalamique constitué uniquement de neurones inhibiteurs, il va réguler l’activité des autres noyaux thalamiques de sa latéralité ainsi que plus faiblement les noyaux thalamiques controlatéraux (Guillery, 1998 ; Halassa et Acsady, 2016). Le thalamus est essentiel dans le transfert de l’information sensorielle tant par l’adressage spécifique mais également par le gain de la fonction de transfert entre les structures thalamiques et corticales. L’organisation du thalamus est topographique et les noyaux thalamiques de relais, tels que le noyau ventro pariétal médian (VPM), qui transfert l’information issue des vibrisses projettent de manière très localisée (Diamond et coll., 2008). Ceci en comparaison des noyaux thalamiques intralaminaires qui projettent vers un grand

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nombre d’aires corticales et permettent d’assurer la complexe mise en place de l’intégration dans les cortex associatifs et secondaires. C’est notamment le cas du noyau POm, qui reçoit les informations issues des vibrisses et qui projette vers les cortex S1, somatosensoriel secondaire (S2) et moteur primaire (M1) (Deschênes et coll., 2005). Le thalamus présente également une importante connectivité avec des projections venues du cortex. Une partie de ces connexions sont réciproques et l’ensemble des connexions joue un rôle dans la sélection et régulation de l’information sensorielle (Wimmer et coll., 2015). Les connexions cortico-thalamiques sont en effet issues des aires corticales associées à la même spécialisation sensorielle. Ces retours touchent autant les noyaux relais que le nRT, permettant la régulation et sélection de l’information provenant des noyaux relais en shuntant toute activité évaluée comme de second ordre par les processus cérébraux associatifs et cognitifs (Mease et coll., 2014 ; Varela, 2014 ; Blumenfeld et McCormick, 2000). Le thalamus sert donc de relai direct et indirect entre différentes structures et régions cérébrales. Ce grand nombre de connexions, quasi toutes unilatérales, le rend essentiel dans la mise en place de différents rythmes et processus cérébraux. Les lésions du thalamus engendrent ainsi des pathologies incluant des altérations de perception sensorielle et des troubles moteurs.

Figure 13 : Schéma

récapitulatif des afférences et efférences pour le thalamus

ventral du singe.

Abréviations des noyaux thalamiques : CL, central latéral ; VL, ventral latéral ; VMp ventral médian postérieur ; VPL-VPM, ventral postérolatéral et postéromédian ; Po, postérieur ; SG, supragéniculé. On peut remarquer ici la présence d’une forte connectivité avec l’ensemble des régions cérébrales. Une topographie étant respectée entre les aires motrices et sensorielles, tout en présentant une association dans certains noyaux et les afférences de ces derniers. D’après Jones, 1975a.

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V. 2. Propriétés des neurones thalamiques de relai

Les neurones thalamiques de relai, glutamatergiques et excitateurs, ont la capacité intrinsèque de décharger selon deux patterns distincts : le mode tonique et le mode

burst (figure 14 ; Andersen et coll., 1964 ; Llinas et Jahnsen, 1982). Ces deux types

d’activités sont en lien avec les rythmes cérébraux et les états de vigilance. Spécifiquement, l’activité tonique correspond à des activités cérébrales « désynchronisés » et associées aux états conscients alors que l’activité en bursts correspond à des oscillations plus amples et souvent plus lentes, classiquement associées aux sommeil lents (Alitto et Ursey, 2005 ; McCormick et Pape, 1990 ; Pape, 1996 ; Destexhe et Sejnowski, 2003 ; Fogerson et Huguenard, 2017). Le mode de décharge des neurones des noyaux relais sont fortement influencé par le potentiel de membrane et donc les afférences synaptiques le régulant. Ainsi, un potentiel de membrane suffisamment dépolarisé (> à –65 mV), engendrera une décharge tonique en raison d’une inactivation des canaux calciques à bas seuil (IT), ainsi que l’activation du courant cationique non spécifique (Ih) (Llinas et Jahnsen, 1982 ; McCormick et Pape, 1990). Une dépolarisation peut être due à d’avantage de glutamate venant des neurones pyramidaux de la couche 6 des cortex associés, ou, à moins d’inhibition de la part des neurones GABAergiques du nRT qui projettent fortement sur les noyaux relais (Steriade et Deschênes, 1984). Les autres neuromodulateurs (Acétycholine, Sérotonine, Noradrénaline, Dopamine, Histamine) ont des rôles plus limités, et différents selon les noyaux relais considérés. Ils sont considérés majoritairement dépolarisant et entrent en jeu dans la régulation d’attention sensorielle, des cycles du sommeil et autres rythmes physiologiques (Varela, 2014). Particulièrement lors de

bursts, l’activité des neurones thalamiques des noyaux relais et autres vont provoquer

un rétro contrôle de la part du nRT, hyperpolarisant le neurone amenant ainsi à la possibilité de générer un nouveau burst. C’est cette boucle thalamique interne associée aux retours corticaux qui permet de recruter des neurones corticaux et aide à la mise en place d’une activité oscillatoire (Llinas et Jahnsen, 1982 ; McCormick et Pape, 1990).

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Figure 14 : Illustration des deux types de décharge,

tonique ou burst, des neurones thalamiques.

A, stimulation d’un neurone thalamique relativement dépolarisé qui décharge en mode tonique en réponse à l’injection de courant dépolarisant. B, stimulation d’un neurone thalamique relativement hyperpolarisé qui décharge en mode burst en réponse à l’injection d’un courant dépolarisant. On voit bien ici la décharge tonique régulière lorsque les neurones thalamiques sont excités à potentiel dépolarisé alors qu’une excitation lorsqu’ils sont hyperpolarisés provoque une activité type burst en raison de l’activation du courant h. Potentiel hyperpolarisé qui peut être généré par les neurones du nRT et donner lieu à des oscillations, les neurones du nRT étant excités par des neurones cortico-thalamiques et des neurones thalamo-corticaux. Modifié de Sherman, 2005.

V. 3. Projections thalamo-corticales V. 3. a. Les noyaux relais

Les noyaux relais ont pour particularité d’avoir une spécificité dans leurs entrées et dans leurs projections corticales, les informations relayées pouvant être du domaine sensoriel ou moteur (Herrero et coll., 2002). Leurs afférences sont elles-mêmes spécifiques des différentes voies sensorielles et motrices. Chaque noyau se projette sur une aire corticale assez précise, elle-même spécialisée en lien avec le sens ou la motricité liée et qui envoient des connexions réciproques. Le VPM, par exemple, reçoit l’information des vibrisses par des afférences issues des noyaux trigéminaux, et projette vers le cortex S1 (Constantinople et Bruno, 2013 ; Diamond et Arabzadeh, 2013).

V. 3. b. Les noyaux associatifs

A la différence des noyaux relais, les noyaux associatifs reçoivent des afférences du tronc cérébral et du système limbique qui envoient des informations issues de diverses sensorialités (Herrero et coll., 2002). Ces noyaux thalamiques vont ensuite projeter vers diverses aires corticales, elles-mêmes interconnectées et ainsi former un large réseau à caractère associatif. Ces aires corticales sont constituées d’aires liées par spécificité de sens et de fonction comme pour le POm, qui reçoit des afférences des noyaux trigéminaux et qui projette aux cortex somatosensoriels primaires et secondaires ainsi qu’au niveau du cortex moteur primaire (Diamond et coll., 2008).

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V. 3. c. Les noyaux non spécifiques

Les afférences desservant ces noyaux sont issus de la formation réticulée et du tronc cérébral. Les connexions sortantes sont non spécifiques et arrivent à de nombreux cortex (Herrero et coll., 2002). Ces connexions et leurs afférences les mettent dans une position idéale pour réguler l’activité corticale (Ketz et coll., 2015 ; Pereira de Vasconcelos et Cassel, 2015). Ces noyaux projettent également vers d’autres régions cérébrales telle que le striatum et vont ainsi complexifier les liens entre différentes aires cérébrales en interconnectant des régions directement connectées.

V. 3. d. Le nRT

Le nRT se situe à l’extrême du thalamus tant par sa localisation extérieure sur la face latérale du thalamus que par sa composition de neurones inhibiteurs GABAergiques (Halassa et Acsady, 2016). Le nRT est également le seul noyau thalamique à ne pas envoyer de projections vers d’autres structures que le thalamus. Il projette vers les autres noyaux thalamiques de sa latéralité et plus succinctement vers les noyaux thalamiques controlatéraux. Sa place de régulateur est renforcée par les afférences issues des aires corticales et sa propre structure est subdivisée selon les noyaux spécifiques auxquels il projette et dont il reçoit des collatérales. Sa connectivité et ses propriétés GABAergiques le rendent apte à permettre aux aires corticales de moduler l’information transitant par le thalamus afin par exemple d’obtenir une attention dirigée vers un système sensoriel spécifique (Guillery, 1998 ; Wimmer et coll., 2015).