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(A.) Arbre phylogénétique des vertébrés à mâchoires. Les traits en pointillés représentent les

groupes éteints. La légende des barres de couleurs est explicitée dans le panel B. (B.) Représenta-tion schématique de l’appariReprésenta-tion des dents et des réseaux de signalisaReprésenta-tion permettant la mise en place des dents au cours de l’évolution des vertébrés à mâchoires. (Adapté de Panafieu & Gries [2007]; Fraser et al. [2009])

Chapitre 1. Evo-devo : comprendre la diversité du monde vivant

1.2.4 Les organismes sont des structures modulaires

L’assemblage en réseaux de gènes permet l’émergence de la modularité. Un module est un réseau d’interaction minimum qui possède sa relative autonomie par rapport au reste de l’organisme [Wagner, 1996; Wagner et al. , 2007]. Il existe plusieurs niveaux de modularité, comme revue par Wagner et al. [2007] : modularité variationnelle, fonctionnelle, développementale. Je vais ici rentrer un peu plus en détail dans le concept de modularité développementale. La modularité développementale peut désigner deux concepts différents, (1) elle peut définir une partie d’un embryon qui a une existence quasi autonome en terme patron de formation et de différentiation (tels que les bourgeons de membre, les dents) ou (2) elle peut désigner une voie de signalisation autonome [Bolker, 2000; Wagner et al. , 2007]. Du fait de l’autonomie de certaines parties par rapport aux autres l’évolution peut alors impacter chaque module indépendamment des autres. Les dents sont un exemple de modularité développementale. En effet la dentition est composée de modules plus ou moins autonomes que sont les dents [Stock, 2001]. Cette propriété de la dentition va avoir des effets sur la façon dont vont pouvoir évoluer les dents au sein de la dentition. En effet, chaque module, du fait de sa quasi-autonomie pourra être vu de façon indépendante par rapport à la sélection. Je reviendrai plus en détail sur l’évolution des dents dans le chapitre 3. Un autre exemple de modularité développementale est la largeur et la longueur du bec des pinsons de Darwin. Ainsi, Abzhanov et al. [2004, 2006] ont montré que la longueur et la largeur du bec chez les pinsons de Darwin sont deux caractères évolutivement découplés qui sont contrôlés par deux réseaux génétiques bien distincts. Ainsi des différences de niveaux d’expression de Bmp4 vont modifier la largeur du bec, alors que ce sont différents niveau de calmoduline qui sont responsables des variations de longueur du bec. Cependant dans certaines espèces, les deux traits longueur/largeur sont corrélés. Wagner et al. [2007], dans leur revue sur la modularité, en concluent que l’indépendance évolutive de deux traits ne garantit pas l’existence de programmes développementaux indépendants.

1.2.5 Le paysage épigénétique de Waddington, un modèle pour penser le développement et l’évolution génétique

Le développement est un processus complexe qui permet la mise ne place des caractères qui seront vus par la sélection. Il est donc important d’avoir une vision globale et de définir un cadre conceptuel qui permettent de penser comment évolue et comment est contraint le dévelop-pement. Dans les années 1940, Waddington propose un cadre conceptuel pour représenter le développement, connu sous le nom de paysage épigénétique. Il utilise la métaphore d’une bille dégringolant dans un paysage vallonné (fig. 1.5 A), dont les reliefs sont contrôlés par les gènes (fig. 1.5 B). Durant son “voyage” à travers ce paysage la bille va suivre un tel ou tel chemin en fonction des obstacles (les reliefs) qu’elle va rencontrer. Ce qui est intéressant de noter dans ce cadre conceptuel c’est qu’il prend en compte la notion d’historique, puisque les décisions de la bille en aval sont influencées par le chemin qu’elle a suivi en amont. Ce paysage est utilisé

pour représenter métaphoriquement une cellule ou un embryon et son parcours tout au long du développement. Les dessous du paysage se composent de l’information génétique, et donc des réseaux de gènes de l’embryon (fig. 1.5 B). L’idée derrière cette représentation est que les gènes ont des effets quantitatifs et que la coordination de leurs actions façonne le paysage. Ce paysage peut être utilisé pour penser les effets des mutations sur le programme développemental. Ainsi, dans ce cadre conceptuel, une mutation ayant des effets sur le phénotype final sera une mutation qui change la topologie du paysage, en cassant un filin par exemple.

1.3 Evolution génétique du développement sans évolution

phénotypique

1.3.1 Évolution cryptique

Une mutation est dit cryptique lorsqu’elle n’a pas d’effet sur le phénotype final. Si l’on se replace dans le paysage épigénétique de Waddington, cela signifie que les mutations cryptiques ne vont pas modifier la topologie du paysage, bien qu’elles puissent jouer sur la tension et/ou la position des filins, comme représenté sur la figure 1.5C (panel du haut). De telle sorte que lorsqu’une mutation non-cryptique va venir perturber le paysage, en provoquant la rupture d’un filin, les conséquences de cette mutation seront différentes en fonction du contexte cryptique dans lequel elle a lieu. Ceci est illustré au niveau de la figure 1.5C (panel du bas), où l’on peut voir que l’effet d’une mutation identique (corde coupée) sera différente en fonction de chaque contexte cryptique [Paaby & Rockman, 2014]. Cet effet contexte ou background est bien connu des généticiens.

1.3.2 La dérive développementale

La dérive développementale, ou Developmental System Drift (DSD), est la divergence entre pro-grammes développementaux malgré une forte conservation morphologique d’un trait (figure 1.6) [True & Haag, 2001; Kiontke et al. , 2007]. L’hypothèse la plus répandue et implicitement acceptée est qu’une morphologie similaire dans deux espèces différentes sous entend une conservation des programmes développementaux permettant de mettre en place cette structure similaire. Félix [1999] résume dans sa revue sur l’évolution des mécanismes développementaux chez les nématodes que dans 5 espèces du genre nématode, il y a 5 mécanismes développementaux met-tant en place les cellules précurseur de la vulve alors que la morphologie finale est similaire. Ces conclusions ont été obtenues par analyse des patrons d’expression des gènes Lim-39 et Hom-c ainsi que l’étude du lignage cellulaire des cellules de la vulve. Kiontke et al. [2007] étudient la mise en place de la vulve de nématode de façon plus systématique, dans 51 espèces de rhabditis pour une quarantaine de caractéristiques du développement (compétence, induction, identité cellulaire. . . ). Cette étude montre une forte variabilité des mécanismes de développement

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