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PARTIE II 8 novembre 1942 – 6 juin 1944 : Résister contre l'Allemand, résister contre

Chapitre 3 – Le choc du STO sur la jeunesse scoute, entre « apostolat » et clandestinité

I. De la réquisition à l'organisation des réseaux d'Action catholique

Face à l'instauration du travail obligatoire et aux réquisitions, comment réagissent les jeunes concernés ? En proie aux questionnements, la question de la désobéissance ne l'emporte pas chez

328 A ces 15 individus, nous ajoutons également trois autres requis, présents dans le corpus des 309 individus, ainsi qu'un requis affecté en France. 19 individus sont en tout étudiés dans ce chapitre.

329 Molette Charles, Martyrs de la résistance spirituelle, Victimes de la persécution nazie décrétée le 3 décembre 1943. Dossiers personnels des cinquante candidats à la béatification, replacés dans le contexte de leur apostolat et de la persécution qu’ils ont subie jusqu’à la mort en vertu du décret nazi du 3 décembre 1943 porté contre l’apostolat catholique français, Paris, F.-X. de Guibert, 1999, tomes I et II.

330 L'ouvrage compile effectivement, pour chaque individu, des correspondances, des écrits intimes, des notes personnelles et des témoignages posthumes immédiatement consécutifs à la mort des individus.

ces individus peu habitués à défier l'autorité – autorité de l’État, autorité de l’Église, autorité scoute. En Allemagne néanmoins, ils reconstituent les activités, les unités et la spiritualité scoute qu'ils ont laissé en France, s'approchant d'une première forme d'opposition à l'autorité allemande.

1. Des réactions individuelles : la convocation et le « choix » du départ

a) Départ pour l'Allemagne

Joël d'Auriac, né en 1922, est routier à Toulon331 : il entre au clan Saint-Martin en 1941,

dépendant du l'école où il est scolarisé – il est bachelier en 1942 – et prononce sa promesse scoute le 23 mars 1941. L'été suivant, en août 1942, il participe au pèlerinage du Puy, rassemblant des scouts et des routiers. Le 16 mai 1943, il fait son départ routier, ultime étape de la progression au clan, quelques jours avant de recevoir sa convocation pour le STO – il vient d'avoir 21 ans. Dans son journal, il se questionne le 31 mai sur l'attitude qu'il doit adopter :

Question très grave, problème de conscience, résolu par la 2 e solution [prendre le maquis]. Mais les

possibilités manquent. Enfin, à voir d'ici une semaine […] Mais, à mon grand étonnement, en désaccord avec papa qui dit que je me dérobe à mon devoir. En tout cas, ce que j'ai choisi n'est pas le plus facile. Suis-je capable d'une vie si dure ? Mes amis, la vie est belle. Fiat voluntas tua...332

Face à la réquisition, Joël d'Auriac est donc partagé. En intégrant un maquis, il serait en désaccord avec son père qui estime que ne pas accepter la convocation serait manquer à son devoir – devoir de Français vis-à-vis de Vichy, devoir de chrétien et du routier vis-à-vis du service, devoir de jeune pour ne pas envoyer quelqu'un d'autre à sa place... On ne peut savoir ce que le père de Joël d'Auriac entend par « devoir », mais on peut supposer qu'il s'agit de tout cela à la fois. Le jeune homme a également conscience qu'entrer dans un maquis n'est pas aisé et s'interroge sur les possibilités techniques de ce choix333.

[…] La question théorique est résolue : 2e solution […]. Mais pratiquement c'est plus délicat car on se

heurte à une quasi impossibilité. Si cette solution est impossible, on prendra la 1e solution quoiqu'elle

nous répugne. Que la volonté de Dieu soit faite.334

331 MNSMF, Riaumont, fonds Joël Anglès d'Auriac, Lettre de Amédée de Miribel, 14 mai 1996, p. 1

332 Notes personnelles de Joel d'Auriac, 31 mai 1943, 1 p. dans Molette Charles, Martyrs de la résistance spirituelle, op. cit., tome I, p. 62

333 Spina Raphaël, Histoire du STO, op. cit., p. 133 et p. 305

334 Notes personnelles de Joel d'Auriac, 6 juin 1943, 1 p. dans Molette Charles, Martyrs de la résistance spirituelle, op. cit., tome I, p. 62

Le 6 juin 1943, il semble s’être résigné à partir travailler en Allemagne, bien que ce choix ne l'enchante pas et le « répugne », à en croire ce qu'il écrit. Sa réflexion n'est pas séparée de sa foi : sa résignation se teinte d'une confiance absolue en Dieu335 – feinte ou non. Il attend néanmoins la

troisième convocation pour répondre et se présente le 12 juillet 1943336. Il arrive cinq jours plus tard

à Tetschen-sur-Elbe dans les Sudètes337.

Les questionnements de Joël d'Auriac invitent à s'interroger sur la marge de manœuvre dont ces individus disposent face à l'ordre de convocation. On peut ainsi se questionner sur celle de Gérard Cendrier. Né en 1920, il est scout à la troupe de la paroisse Saint Jean-Baptiste de la Salle à Paris et prononce sa promesse en mai 1934, à 13 ans. Il entre au couvent des franciscains en décembre 1940 à Carrières sous Poissy, après un an de noviciat338. Alors qu'il est requis pour le STO

en juin 1943, avec d'autres frères franciscains, son départ n'est peut-être pas le fruit d'un choix individuel, mais collectif, dans un milieu – les ordres religieux – où l'obéissance à la hiérarchie de l’Église, qui ne s'est pas prononcée ouvertement contre les départs en Allemagne339, demeure

primordiale. Pour Daniel Carlier, le seul du corpus à avoir été requis pour travailler en France – il habite en effet la région industrielle et minière de Valenciennes –, le départ n'est pas évoqué par l'individu lui-même mais par l'auteur de la brochure réalisée en sa mémoire en 1947. L'acceptation du STO se résume ainsi : « Il évite la planque et descend à la mine »340. Le vrai héros – donc le vrai

Français, le vrai chrétien et le vrai scout – est celui qui accepte la réquisition et obtempère, tandis que le réfractaire est un « planqué » manquant de courage pour accomplir ce qu'on lui demande341.

Le dernier cas de figure est celui de Bernard Perrin : né en 1921, routier à Lyon puis chef d'équipe dans le Chantier de Jeunesse du Vercors à partir de novembre 1942, il part pour pour l'Allemagne le 1er juin 1943 : « appelé », ou plutôt raflé, avec d'autres jeunes au sein même du

groupement où il est le 28 mai 1943342, il ne part pas en revanche avec les autres mais demande à

partir en prenant la place d'un père de famille343. Les Chantiers sont effectivement considérés

comme des viviers de main-d’œuvre par les Allemands après l'invasion de la zone sud en novembre

335 Laneyrie Philippe, Les Scouts de France, op. cit., p. 163

336 Molette Charles, Martyrs de la résistance spirituelle, op. cit., tome I, p. 59

337 Les Sudètes sont une région d'Europe centrale annexée par l'Allemagne nazie en mars 1939. 338 Molette Charles, Martyrs de la résistance spirituelle, op. cit., tome I, p. 484

339 Duquesne Jacques, Les catholiques français sous l’Occupation, Paris, Seuil, 1996, p. 361 340 Ricard Michel, Notes et cahiers de Daniel Carlier, op. cit., p. 63

341 Cette notion de héros – notamment de héros chrétien – et de scoutisme comme vecteur d'héroïsme est détaillée au chapitre 6, p. 199

342 Spina Raphaël, Histoire du STO, op. cit., p. 188

343 Lecerf Jean, secrétaire général de la Fédération française des étudiants catholiques de zone sud, « Souvenirs sur Bernard Perrin, », Toussaint 1945, p. 1, dans Molette Charles, Martyrs de la résistance spirituelle, op. cit., tome II, p. 1005

1942 : ils appellent d'ailleurs les Chantiers le Französische Arbeitsdienst, « service français du travail »344. Bernard Perrin est donc confronté à une convocation plus que forcée, où ni l'accord ni

l'adhésion n'ont de place. qui est totalement occultée dans la lettre de la sœur du jeune homme au Mémorial :

Bernard est parti, fin novembre 1942, pour les chantiers de la jeunesse du Vercors, épanoui, heureux ; son idéal était ancré sur la vocation du curé d'Ars ; sa vocation l'a conduit à servir, à partager le sort de ses frères du STO jusqu'à la déportation et à sa mort dans le camp de Mauthausen Gusen […].345

Le jeune homme voit dans le STO un moyen parmi d'autres de « servir » et considère que le travail en Allemagne est une suite à son engagement de routier. Le 26 mai 1943, il donne à un ami du clan une image qu'il a annotée : « Suis la Route, frère, elle chemine toute droite même en terre étrangère. Nous continuons ensemble. »346

Quoiqu'en disent les relectures post-guerre de la vie de ces jeunes, il ne faut pas surestimer l'importance de leur « désir » missionnaire : la plupart du temps, l'acceptation du STO résulte d'une résignation obéissante et légaliste347 – où le scoutisme n'est pas étranger puisqu'il forme à cette

obéissance et à ce respect des règles et des ordres –, d'une impossibilité de s'y dérober, de rejoindre un maquis, de se cacher, ou bien de la peur des représailles ou pour préserver un père de famille348.

Le STO ne prend un sens missionnaire qu'après l'acceptation et la résignation à répondre à la convocation. Il faut également souligner que le STO ne peut signifier qu'apostolat ou évangélisation, notamment parce que l’Église refuse de se questionner sur le bien-fondé du mécanisme – cela lui permet d'éviter une remise en cause du régime de Vichy.

b) Le STO en France : le cas de Daniel Carlier

Daniel Carlier est le seul exemple dont nous disposons pour le STO effectué en France. Vivant entre Lille et Valenciennes pour ses études et le scoutisme, et étant né en avril 1922, il fait partie des hommes convoqués comme requis pour partir en Allemagne. Cependant, il reste en France, affecté à la Compagnie des mines d'Anzin non loin de Valenciennes, dont la production sert l'occupant349. Il ne quitte ni sa terre natale, ni son milieu de vie, puisqu'il continue le scoutisme en

344 Spina Raphaël, Histoire du STO, op. cit., p. 187

345 MNSMF, Riaumont, fonds Bernard Perrin, lettre de Françoise Andriot, s.d., p. 2 346 Ibid., p. 3

347 Bédarida Renée, Les catholiques dans la guerre 1939-1945, op. cit., p. 188-190 348 Spina Raphaël, Histoire du STO, op. cit., p. 275

devenant chef de la troupe Charles de Foucauld, de Valenciennes350. On ne parle pas de départ, mais

la convocation et la réquisition demeurent. Voici ce qu'écrit l'intéressé, cinq mois après avoir été requis, dans une lettre du 20 décembre 1943 à un ami :

Ma vie est profondément différente de celle que je menais il y a un an encore. Appartenant à la classe 42, je devais partir en Allemagne, mais finalement l'attraction des mines toutes proches a été plus forte. Depuis le 1er juillet, ne me contentant plus de vues superficielles (au sens propre du mot) j'appartiens au

personnel de la Cie des Mines d'Anzin, Fosse Cuvinot, et j'ai commencé une nouvelle expérience que je ne regrette pas. Pour la première fois de ma vie ''je prends contact avec le réel'' sans l'intermédiaire d'un livre. Je vois fonctionner dans ses moindres détails une grande entreprise, me durcit un peu le corps et apprend à connaître le monde ouvrier, le prolétariat, une immense foule pas toujours misérable, mais jamais très heureuse, ignorante de Dieu parce que jusqu'ici personne ne lui en parle. Et pourtant... Je voudrais te parler à ce sujet et non t'écrire, ce qui est trop long : faillite des catholiques ; je ne dis pas du catholicisme, les délégués de la Lumière ne la propagent pas. L'élite est un vase clos. - L'élit lit, parle et dort. - Le problème du mal est une énigme pour les ouvriers, c'est cela qui les empêche de voir et de croire. Pour l'élite, Dieu est bon : elle a le confort ; pour eux non. […] Je suis convaincu qu'il y aura beaucoup d'élus chez les ouvriers que dans les classes bourgeoises. Je commence à avoir plus d'amis (ami : celui dont on connaît l’âme) à la mine qu'à la ville. Le scoutisme, l'Art dramatique, la Mine absorbent tout le temps dont je dispose. […]351

Daniel Carlier loue le STO pour la découverte qu'il fait du monde ouvrier et du « réel », selon ses propres mots ; travailler pour l'Occupant ne semble pas le déranger outre mesure donc. Il y voit également les limites de l'évangélisation et les possibilités missionnaires du travail obligatoire – sans pour autant qu'il ne parle de possibles actions à mener pour transformer ses paroles en actes. Contrairement aux hommes envoyés en Allemagne, il n'espère évidemment pas un retour en France, mais s'interroge sur l'avenir : dans une lettre du 3 février 1944 à L., il évoque la future libération de la France et son désir de s'engager dans un corps franc notamment352.

Le départ en Allemagne ne semble pas réjouir les requis ; ils s'y soumettent pourtant, peu habitués à désobéir, et dès leur choix pris ils entreprennent, consciemment ou non, une relecture de leur réquisition : travailler en Allemagne s'apparente à un « apostolat » et une mise en œuvre de la notion de service qu'ils ont appris du scoutisme. Cette soumission à l'ordre donné est d'ailleurs largement plébiscitée et encouragée par l’Église de France et par le mouvement scout.

350 Ricard Michel, Notes et cahiers de Daniel Carlier, op. cit., p. 63 351 Ibid., p. 68-70

2. Réaction de l’Église, du scoutisme, les prêtres clandestins

Refusant d'interroger le bien-fondé du travail obligatoire, la haute hiérarchie de l’Église se concentre sur les possibilités apostoliques du STO ; les cadres des Scouts de France partagent le même esprit. Les jeunes, directement concernés par les réquisitions, sont bien plus partagés.

a) Une réaction du scoutisme ?

La notion de service est un des piliers de la pédagogie scoute, avec l'effort et le dévouement notamment. Comment, dès lors, le mouvement appréhende-t-il et réagit-il au STO ? D'un part, les lois du travail obligatoire sont prises et votées par Vichy, cas unique en Europe occupée. L'obéissance est un autre pilier important du scoutisme353, et donc la déférence vis-à-vis de Vichy

persiste, même si elle s'est teintée, chez les catholiques, de méfiance après l'invasion de la zone sud354. Sachant qu'il est impossible de désobéir au STO sans contester la légitimité de Vichy355, les

jeunes doivent-ils refuser de partir et dans ce cas désobéir au régime, ou bien obéir à Vichy et accepter de travailler pour l'ennemi ? D'autre part, le patriotisme véhiculé et entretenu au sein des Scouts de France commande une fidélité constante à la France – tout l'enjeu étant de savoir quelle France servir : France résistante, France libre, France de Vichy ? Si se compromettre avec l'ennemi semble exclu, comment expliquer alors la réaction du scoutisme face au travail obligatoire ?

Le débat demeure vif dans les mouvements de jeunesse, agitation logique puisque les jeunes – hommes – sont les premiers concernés par ces lois. L’aumônier national de l'Action Catholique est par exemple favorable au départ pour le STO356, considéré comme une mission pour les militants

catholiques concernés par le départ. Le 10 mars 1943, la Fédération française des Étudiants catholiques prend par exemple position sur le STO, insistant dans son journal Étudiants sur l'aspect apostolique du départ en Allemagne357. Chez les Scouts de France, si les hésitations et les dilemmes

peuvent apparaître chez les routiers et les chefs, premiers visés du fait de leur âge, les encadrants – aumôniers, dirigeants nationaux, commissaires – sont quasiment unanimes358, et le mouvement parle

d'une seule voix lorsqu'il s'agit de présenter le STO comme le fameux « service » du routier, la bonne action (B.A.) scoute :

353 Rappelons que le septième article de la loi scoute érige l'obéissance en valeur cardinale ; loi en annexe, p. 216 354 Duquesne Jacques, Les catholiques français sous l’Occupation, Paris, Seuil, 1996, p. 63

355 Spina Raphaël, Histoire du STO, op. cit., p. 255 356 Ibid., p. 258

357 Bédarida Renée, Les catholiques dans la guerre 1939-1945, op. cit., p. 196-197 358 Laneyrie Philippe, Les Scouts de France, op. cit., p. 163-164

''En face de l'inévitable (…), a écrit La Route le 1er mars 1943, tel sera votre service dont vous n'avez

choisi ni le lieu ni les conditions.'' Le père Forestier, aumônier général des Scouts de France et aussi des Chantiers de jeunesse, écrit : ''En dehors de l'obéissance aux autorités constituées, c'est l'aventure.''359

Dans le scoutisme – mais pas seulement – être réfractaire n'est ni envisagé ni envisageable. Le départ en Allemagne, même s'il n'est pas choisi – le père Forestier n'omet pas le caractère obligatoire de la convocation, auxquels l'obéissance et le fatalisme commandent de se soumettre – est un « service » que les jeunes se doivent de rendre pour leur pays qui les appelle à partir et pour le milieu ouvrier, à « évangéliser », dans lequel ils sont plongés dès leur arrivée. S'y déroger serait un manquement à leur devoir de scout – devoir d'obéissance et devoir de rayonnement spirituel.

b) La réaction de l’Église

L’Église est également concernée par cette notion d'obéissance à la hiérarchie et au pouvoir établi, malgré une séparation avec l’État effective depuis plus de 35 ans. L'arrivée du Maréchal Pétain au pouvoir en 1940 et les fondements du régime de Vichy et de la Révolution nationale donnent à l’Église l'espoir de reconquérir la capacité d'influence et l'ascendant qu'elle avait dans la société avant 1905. Face au STO cependant, si la haute hiérarchie et les évêques ne s'indignent pas et d'ailleurs ne protestent pas particulièrement, l'inquiétude transparaît quant à l'impact du STO sur la population : il nuirait en effet à la stabilité de la famille et à la natalité puisqu'il sépare les couples et les familles360. L’Église ne peut éviter le débat, notamment sur la légitimité de l'obéissance à la loi

sur le STO361 – mais non sur le bien-fondé du travail obligatoire – et les départs en Allemagne. Les

réfractaires et la création des maquis sont autant de défis pour la hiérarchie ecclésiastique, dont émanent les grandes orientations de l’Église de France, et pour les curés et aumôniers, au contact de la population pour qui le débat est d'autant plus vif que c'est elle qui est directement concernée par la loi. Le bas clergé reste en effet difficilement insensible à l'hostilité massive de la population – perplexe face aux divisions de la hiérarchie catholique362 – vis-à-vis du STO, d'autant que les prêtres

sont souvent issus des mêmes milieux sociaux que leurs paroissiens :

Là où [le bas clergé] était demeuré fidèle au gouvernement, la loi du 16 février 1943 le fait basculer de l'hésitation à l'opposition ouverte […]. En juillet, selon les préfets, le clergé, réservé, ''semble cependant

359Duquesne Jacques, Les catholiques français sous l’Occupation, Paris, Seuil, 1996, p. 317

360Cointet-Labrousse Michèle, L’Église sous Vichy : 1940-1945  : la repentance en question, Paris, Perrin, 1998, p. 499 361Spina Raphaël, Histoire du STO, op. cit., p. 183

assez généralement professer, à l'égard du STO, la même hostilité que l'ensemble du pays.''363

Ainsi, l'opposition du clergé au travail obligatoire devient massive à partir de février 1943, mais elle ne s'exprimerait pas publiquement. Et si la balance penche du coté de la désobéissance, il reste ponctuellement des curés qui encouragent le départ dans leurs sermons ou en confession et refusent les sacrements à ceux qui refusent d'obéir ; ils sont rares à le faire dans une logique collaborationniste mais considèrent plutôt le refus comme une remise en cause de l'autorité légitime, celle l’État comme de l’Église364. Néanmoins, la parole des prêtres, qui jouent également

la carte de la liberté de conscience et du choix individuel, ne doit pas être survalorisée :

Même résistants, les prêtres directeurs de conscience tiennent à laisser au candidat au réfractariat et au maquis la responsabilité du choix : par respect de sa liberté, pour lui éviter une décision prise à la légère, et pour fortifier sa résolution. […]365

La liberté de choix est vraisemblablement laissée aux jeunes venus se confier, peut-être davantage du coté des prêtres résistants que ceux qui encouragent au départ. Henri Grouès, plus communément appelé abbé Pierre de son nom de résistant, scout à Lyon et CP de Théodose Morel, est vicaire de la cathédrale de Grenoble pendant la guerre. Il fonde le maquis de Malleval au Vercors, peuplé particulièrement par les réfractaires au STO, que l'abbé cache puis encourage à