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7.4 Et pour la suite

7.4.4 Réponse à l’appel Cosmic Vision 2015-2025 de l’ESA

Laurent, en tant que P.I., a proposé à l’ESA en réponse à l’appel Cosmic Vision 2015- 2025 un projet d’imageur de Fresnel. Cet imageur de Fresnel serait composé d’une grille de 3.6m de côté et d’une optique focale, dont l’optique de champ serait un télescope de 60cm de diamètre. Plusieurs canaux spectraux, allant de l’infrarouge proche à l’ultraviolet, sont suggérés. Cette proposition s’est faite avec le soutien d’autres chercheurs : principalement Alfred Vidal-Madjar (IAP) pour le domaine d’étude des exoplanètes, Ana Ines Gomez de Castro (Université de Madrid) pour le domaine UV, et Roser Pellò (LATT) pour le do- maine des galaxies à hauts redshifts. Mes principales contributions ont été les simulations de la réponse impulsionelle de l’instrument, et le calcul de sensibilité pour la détection des exoplanètes.

Troisième partie

Ouvertures sur l’utilisation de

l’imageur de Fresnel pour l’observation

astrophysique

Chapitre 8

Application à la détection d’exoplanètes

8.1

Position du problème

La détection des exoplanètes est actuellement un sujet d’étude mis en avant dans la communauté astrophysique. La méthode ayant révélé la première exoplanète à l’observa- toire de Haute-Provence (Mayor et al 1995 [30]), et en ayant à l’heure actuelle détecté le plus, est la méthode dite des vitesses radiales : on recherche par spectroscopie si il y a des décalages par effet Doppler-Fizeau des raies du spectre d’une étoile, ce qui peut traduire la présence d’au moins une planète assez imposante pour que le centre de masse du système planétaire soit significativement décalé par rapport au centre de masse de l’étoile.

Une autre méthode de détection est celle dite des transits : l’idée est d’effectuer une courbe de lumière d’une étoile, sachant que si une planète passe devant elle la luminosité de celle-ci baissera au ratio des aires apparentes de la planète et de l’étoile, permettant la détection de la planète. Le satellite Corot permettra notamment l’utilisation de cette technique sur un grand nombre d’étoiles.

Une autre méthode utilise le phénomène de microlensing gravitationnel : lorsqu’une étoile source passe pour un observateur en arrière plan d’un système stellaire dit lentille, sa lu- minosité est amplifiée durant un certain temps, et regagne sa luminosité standard ensuite. Si l’étoile-lentille possède une planète, cette courbe de luminosité peut connaître un ou des pic(s) secondaire(s). La courbe de lumière informe donc sur la présence éventuelle d’une planète autour de l’étoile-lentille.

Une autre méthode encore sera mise en oeuvre avec la mission Gaïa : cette mission ayant pour objectif d’effectuer de l’astrométrie à très haute précision (de '10 à 300 µasec en fct de la magnitude et du type de l’étoile), une conséquence directe sera la possibilité d’au cours du temps observer l’oscillation d’une étoile autour d’une position, révélant la présence d’exoplanète(s).

Ces méthodes de détection sont des méthodes indirectes : on n’observe pas directement la planète, mais "seulement" l’effet de celle-ci sur un autre astre, ou sur la lumière d’un autre astre.

Pour pouvoir effectuer des observations directes, il faut un instrument qui possède plu- sieurs caractéristiques, à savoir au moins d’une part une capacité à imager des objets de forts contrastes, donc une haute dynamique photométrique, et d’autre part une capacité à séparer sur le plan image terminal les images provenant de l’étoile et de sa planète, donc

une haute résolution angulaire. Des projets étudient différentes voies permettant cette détection directe, parmi lesquels on peut trouver :

- des imageurs directs monosatellite tel le projet TPF-C (Terrestrial Planet Finder - Co- ronograph) de la NASA : un télescope spatial de quelques mètres de dimensions permet de séparer dans le domaine visible une étoile et sa planète, et par apodisation et corono- graphie autorise l’imagerie de sources à forts contrastes ;

- d’autres imageurs directs utilisant le vol en formation ; par exemple le projet TPF- Occulter, qui implique le placement d’un masque à plusieurs dizaines de milliers de km d’un télescope spatial non forcément dédié à la détection d’exoplanètes (Hubble, JWST...). Ce masque, de plusieurs dizaines de m de diamètre, est un disque opaque entouré de pé- tales. Il est placé sur la ligne de visée de l’étoile, mais hors de la ligne de visée de la planète : le télescope étant "dans l’ombre de l’étoile", la mesure du flux de la planète est possible (Cash 2005 [7]).

- Enfin, une autre possibilité est la détection par interférométrie, représentée par le pro- jet TPF-Interferometer de la NASA et le projet Darwin de l’ESA : un satellite vole en formation avec typiquement 3 (ou 4, ou 6) autres satellites équipés de télescopes dont les diamètres sont de l’ordre du mètre. Ce satellite recombine les faisceaux provenant des télescopes individuels. Le principe est celui d’un nuller : pour la direction provenant de l’étoile, et par un jeu de déphasages des ondes provenant des télescopes individuels, les fronts d’onde provenant des divers satellites s’annulent. Si il y a une intensité résiduelle, c’est qu’il n’y a pas que la lumière de l’étoile qui arrive. Une configuration donnée des satellites et des déphasages produit une carte de transmission donnée : en fonction de la position d’une source dans le ciel et de cette carte de transmission, la contribution de la source à l’intensité résiduelle sera possible ou non. En recombinant les bases en distances et en orientations et en changeant les déphasages induits entre les ouvertures, le concept permet d’obtenir des cartes de transmission variables. Il est ainsi possible de prendre en compte les possibles contributions des lumières zodiacales et exozodiacales, la dimension non infinitésimale de l’étoile, et autres sources de luminosité. Les grandes distances entre satellites permises permettent de décaler l’observation dans le domaine IR, où un téles- cope monolithique de diamètre de quelques mètres ne peut pas séparer les composantes du fait de la résolution angulaire variant en diamètreλ . De plus, ces longueurs d’onde IR autorisent un relâchement des contraintes d’égalité de chemins optiques à respecter entre les satellites, par rapport à de l’interférométrie qui se ferait dans le domaine visible. Et l’imageur de Fresnel, comment se situe-t-il ? Il est destiné à effectuer de l’imagerie à haute, voir très haute résolution angulaire. En ce qui concerne la dynamique, il est assez performant comme exposé au chapitre 5, même s’il ne l’est pas autant à l’heure actuelle que peut l’être un télescope monolithique comme le TPF-C. Enfin, il part a priori avec un handicap : son taux de transmission.

Du coté du taux de transmission : comme exposé auparavant, le faible taux de transmis- sion peut être compensé par une dimension de grille plus grande que la dimension d’une optique pleine qui serait envisagée pour effectuer le même travail. En revanche, ce flux ne sera pas forcément inférieur à celui collecté par les ouvertures diluées d’un interféromètre à longues bases. De plus, un plus faible flux peut se compenser par un temps d’exposition plus grand, bien que cela réduise alors la quantité de résultats attendus d’une mission possédant un temps de vie donné.

Estimation des flux du signal et des sources de bruit 135

Du côté de la dynamique, je rappelle ici que pour détecter une planète à par exemple 1e-9 de contraste il n’est pas besoin d’obtenir une image possédant une dynamique de 1e-9 : en effet, pour effectuer la détection on ne va pas comparer le signal de la planète au signal des autres sources lumineuses (notamment la luminosité résiduelle de l’étoile), mais au bruit de ces autres sources, soit à l’écart-type de la luminosité résiduelle. Le fait que la dynamique de l’imageur de Fresnel ne soit pas aussi bonne que celle d’un télescope à optique pleine est certes un désavantage, mais pas un défaut rédhibitoire.

Quels atouts pourrait avancer le concept de Fresnel, en complément des TPF-C et Darwin (ou autre TPF-I) ? Par rapport à un concept d’interféromètre, il pourrait amener que en seulement deux expositions entre lesquelles seule la grille aura été tournée de 45 degrés autour de l’axe optique d’une pose à l’autre, l’ensemble du champ du système stellaire observé est couvert, évitant les difficultés de repositionnement des divers satellites, et en grande partie les possibilités que la configuration du système observé ait évoluée. De plus, si un système observé est multiple (dans le sens une étoile + plusieurs planètes), l’infor- mation du nombre des planètes et de leurs positions relatives pourra grandement aider la déconvolution de données interférométriques, en plus d’apporter des informations dans le domaine du visible ou du proche IR.

Par rapport à un concept de coronographie, comme vu en chapitre 2, la tolérance élevée de fabrication de la grille associée au faible poids de cette optique par rapport à une optique pleine peut autoriser de grandes dimensions de la grille, et donc la séparation d’astres par imagerie directe même dans un domaine IR.

Je rappelle à présent que le concept d’imageur de Fresnel est relativement multi-tâches, permettant d’effectuer de l’imagerie à haute résolution angulaire et haute dynamique. D’autres possibilités d’apports dans le domaine astrophysique seront évoquées dans la dernière section de ce chapitre.