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5. Gènes ribosomaux et stabilité du génome

5.2. Réparation par recombinaison homologue

La recombinaison fait référence à l’échange d’information entre molécules d’ADN et a été retrouvé chez tous les organismes étudiés. Deux formes de réparation par recombinaison existent : la recombinaison homologue (HR) et la jonction d’extrémités non homologue. La fonction première de la réparation par recombinaison est de prendre en charge les cassures

doubles brins de l’ADN résultant d’un effondrement de la fourche de réplication, du traitement d’une lésion spontanée ou de l’exposition à des agents endommageant l’ADN (Krogh et Symington, 2004).

La recombinaison homologue met en jeu l’interaction entre des brins d’ADN présentant une homologie de séquence parfaite, ou quasi parfaite, sur plusieurs centaines de nucléotides. La recombinaison homologue est également nécessaire à la maintenance de séquences répétées, comme les gènes ribosomaux. Les études de recombinaison induite par les cassures doubles brins entre des plasmides et des séquences génomiques ont permis d’établir un modèle de réparation par recombinaison homologue (Orr-Weaver et Szostak, 1983; Orr-Weaver et al., 1981; Szostak et al., 1983). Dans ce modèle, l’évènement initiateur est une cassure double brins (Fig. 18). Les extrémités sont réséquées pour former une queue simple brins en 3’ qui sera utilisée pour l’invasion au sein d’un duplexe homologue. Après l’invasion du brin, une extension de l’extrémité 3’ est faite par une ADN polymérase. La « D-loop » ainsi formée par l’invasion du brin est capable de s’associer avec l’autre bord de la cassure double brins (seconde capture), tandis que l’extrémité 3’ du brin non-invasif subi également une extension par les ADN polymérases. La synthèse d’ADN et la ligation conduisent à la formation d’une double jonction d’Holliday. La résolution aléatoire de ces jonctions d’Holliday permet d’obtenir un nombre égal de produits recombinés et non-recombinés. Pour expliquer le faible niveau de recombinaison observé au cours d’évènements de réparation des cassures doubles brins, un autre modèle de réparation de ces cassures a été proposé (Ferguson et Holloman, 1996; Nassif et al., 1994; Strathern et al., 1982). Dans le modèle de l’appariement de brin synthèse dépendant, l’une, ou les deux, extrémité du duplexe cassé envahit le brin donneur et permet d’initier la synthèse de l’ADN comme décris pour le modèle précédent. Dans le cas d’une double invasion, les deux brins sont déplacés et aptes à s’associer avec les régions néo-synthétisées (Nassif et al., 1994). Pour l’invasion simple brin, le brin envahissant en élongation est déplacé après synthèse de l’ADN et s’associe avec l’autre côté de la cassure (Ferguson et Holloman, 1996).

Lorsque des cassures doubles brins surviennent dans des séquences répétées, telles que les gènes ribosomaux, un autre mécanisme de recombinaison homologue, appelé appariement

simple brin (Fig. 18). Ce mécanisme a été mis en évidence chez la levure et dans des cellules animales grâce à des séquences répétées artificielles et pourrait être d’une importance cruciale pour le maintien du génome des eucaryotes supérieurs qui contient de nombreuses séquences répétées (Fishman-Lobell et al., 1992; Lin et al., 1984; Maryon et Caroll, 1991). Après la formation de cassures doubles brins, les extrémités sont réséquées pour former des queues 3’ simple brin qui vont s’apparier l’un avec l’autre lorsque la résection est suffisante pour révéler des régions simple brin complémentaires. Les queues simple brin sont dégradées par des exonucléases tandis que les brins complémentaires sont synthétisés. Ce processus s’accompagne de la perte d’au moins une répétition.

Figure 18 : Modèles de réparation des cassures doubles brins.

Les modèles de recombinaison des cassures doubles brins et d’appariement simple brin commence tous les deux par une invasion de l’extrémités 3’. Après la synthèse d’une amorce d’ADN, les extrémités sont de nouveau captées et une double jonction d’Holliday est formée (dans le cas de la réparation des cassures doubles brins). La résolution peut survenir sur n’importe quel plan des deux jonctions pour générer des produits avec enjambement ou sans enjambement. Dans le modèle d’appariement de brin synthèse dépendant, le brin naissant est déplacé, apparié avec une autre extrémité 3’ simple brin et la synthèse d’ADN finit la réparation. Une cassure doubles brins survenant entre deux séquences répétées adjacentes est

sujette à la résection pour produire une queue 3’ simple brin. Lorsque les séquences complémentaires apparaissent grâce à la résection, les brins simple brins s’associent provoquant la suppression d’une répétition. La queue 3’ est ensuite excisée par la nucléase Rad1/10p. S’en suit la ligation des coupures. Les extrémités 3’ sont indiquées par des pointes de flèches, l’ADN néo-synthétisé est représenté par des pointillés (Adapté de Krogh et Symington, 2004)

Chez la levure, la recombinaison homologue répare efficacement les cassures doubles brins, néanmoins, tous les évènements de recombinaison homologue ne semble pas être initiés par ces lésions de l’ADN. L’accumulation d’ADN simple brin lors de l’arrêt des fourches de réplication pourrait également être un évènement initiateur de recombinaison homologue au cours de la croissance végétative chez la levure bourgeonnante (Fabre et al., 2002). Chez E. coli, la formation de cassures doubles brins aux fourches de réplication bloquées surviennent toutes les deux ou trois cycles de réplication (Michel et al., 1997). Chez les vertébrés, il est suggéré que les cassures doubles brins surviennent au cours de chaque phase S, justifiant le rôle essentiel de facteurs de recombinaison tels que RAD51 (Sonoda et al., 1998; Tsuzuki et al., 1996). Plusieurs mécanismes peuvent expliquer la formation de cassures doubles brins au cours de la réplication. 1) Lorsque la fourche de réplication rencontre une coupure simple brin du le brin matrice, ceci mène à un effondrement de la fourche de réplication. En admettant que le brin naissant de l’autre bras se lie avec un brin matrice de la même polarité, le bras cassé peut envahir ce duplexe pour redémarrer la réplication (Fig. 19). 2) Les brins néo-synthétisés peuvent, lorsque la fourche est bloquée, s’associer et former une structure dite de pseudo-Halliday, de fourche régressée ou de « patte de poulet » (Higgins et al., 1976). Cette forme intermédiaire est généralement digérée par une endonucléase spécifique des jonctions de Halliday, provoquant ainsi un effondrement de la fourche de réplication (Seigneur et al., 1998). Cette structure est ensuite réparée par invasion de brin comme décrit précédemment. Des éléments génétiques suggèrent la présence de fourches régressées chez E. coli (Seigneur et al., 1998), mais chez la levure, ces structures n’ont été observées que chez des cellules mutantes pour la kinase de contrôle de la phase S, RAD53, et traitées à l’hydroxyurée (Lopes et al., 2001; Sogo et al., 2002).

Dans le cas où une fourche de réplication se bloque à cause d’une lésion sur le brin direct, la fourche peut régresser de manière à ce que le brin retardé serve de brin matrice pour la

synthèse du brin direct (Higgins et al., 1976). La fourche régressée est ensuite restructurée par migration des brins sans avoir recours à l’invasion de brin direct (Fig. 19). Des études chez E. coli ont montré que la synthèse du brin retardé est maintenue même lorsque la synthèse du brin direct est stoppée, appuyant le modèle de changement de brin matrice (Pagès et Fuchs, 2003). Le changement de brin matrice pourrait intervenir également dans la réparation des lésions bloquant le fonctionnement des ADN polymérases sur le brin retardé. Dans ce cas, la région simple brin peut s’apparier avec le brin parental de la chromatide sœur tandis que le brin direct sert de brin matrice pour le brin retardé afin de passer outre la lésion (Fig. 19) (Fabre et al., 2002). Ces modèles de changement de matrice n’impliquent pas la présence de cassures doubles brins, mais nécessite la présence de protéines de recombinaison homologue pour les appariements et la migration des brins.

Figure 19 : Restauration des fourches de réplication effondrées ou bloquées par la recombinaison homologue.

Les cassures doubles brins provoquées par l’effondrement de la fourche, ou par le processus de régression de la fourche, sont réparées par invasion de brin. Un intervalle sur le brin retardé

peut être utilisé pour s’apparier avec la chromatide sœur homologue pour permettre l’enjambement de la lésion. (Adaptée de Krogh et Symington, 2004)

Les gènes ribosomaux étant des séquences répétées en tandem, ils sont de bons substrats pour la recombinaison homologue et sont donc vulnérables aux évènements de recombinaison qui peuvent survenir en cas d’effondrement de la fourche de réplication. Des lésions de l’ADNr, tels que les cassures doubles brins provoquées par les rayons ionisants, peuvent être réparées par recombinaison homologue en utilisant une autre unité de transcription. Au cours d’un tel évènement (Fig. 18), qui forme une boucle entre le site donneur et le site accepteur, des gènes ribosomaux peuvent être excisés ceci menant à une diminution du nombre de répétitions ribosomales (Kobayashi, 2011). Même en absence de lésions, ces séquences répétées peuvent former des structures secondaires en interagissant les unes avec les autres. Ces structures conduisent au blocage de la fourche de réplication, ce qui nécessite l’action de la recombinaison homologue pour relancer la réplication. Néanmoins ce mécanisme conduit à la réduction du nombre de copies. Or, ce dernier est globalement stable d’une espèce à une autre, ce qui sous-entend donc un mécanisme de maintien du nombre de répétitions ribosomales (Kobayashi, 2008). Le locus des gènes ribosomaux est donc une des régions les plus dynamiques en termes de nombre de copies, faisant de cette région la plus instable du génome.