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4. La chromatine des gènes ribosomaux

4.3. Changement d’état des deux structures chromatiniennes

L’existence de deux structures chromatiniennes distinctes pour les gènes de l’ARNr soulève la question des mécanismes impliqués dans leur mise en place et leur maintien. Globalement, il est peu probable qu’un mécanisme aussi fondamental que la transcription des gènes

ribosomaux soit soumis à une régulation radicale au niveau de la chromatine. Ceci corrèle avec le fait que des changements de la transcription de l’ARNPI, en réponse à des signaux extracellulaires, n’induisent pas de changements majeurs du ratio entre les gènes ouverts et fermés. Toutefois, dans certains cas, il a pu être observé un changement du ratio (Fig. 16).

Figure 16 : Analyse de la dynamique de la chromatine des gènes de l’ARNr par photo- pontage au psoralène chez différents organismes.

A) Ouverture et fermeture de la chromatine des gènes ribosomaux au cours du cycle cellulaire chez la levure. Les cellules ont été arrêtées en G1 avec de l’α factor durant 2 h, puis relâchées dans le cycle cellulaire. Des échantillons ont été prélevés à chaque temps indiqué. Les gènes de l’ARNr se ferment au cours de la phase S et se rouvrent en dehors de la phase S (Wittner et al., 2011). B) Ouverture de la chromatine des gènes de l’ARNr de la levure lors de l’arrêt du cycle cellulaire (Wittner et al., 2011). Les levures sont arrêtées en G1 avec de l’α factor à chaque temps indiqué. C) Fermeture des gènes ribosomaux au cours de la différentiation en granulocytes chez la souris (Sanij et al., 2008). La différenciation de cellules MPRO en granulocytes matures est induite par stimulation avec l’agoniste rétinoïque AGN 194204 pendant 4 jours. D) Fermeture des gènes de l’ARNr suite à la diminution de l’expression

d’UBF1/2 par ARN interférence (Sanij et al., 2008). Des cellules NIH3T3 sont transfectées avec un EGFP-siRNA (contrôle) ou un UBF1/2-siRNA. E) Fermeture de la chromatine lors de l’entrée en phase stationnaire (Sandmeier et al., 2002). Des cellules de levure en phase stationnaire sont diluées dans du milieu de culture frais et mises en croissance jusqu’à entrer de nouveau en phase stationnaire. F) Fermeture des gènes de l’ARNr après inactivation de la transcription de l’ARNPI chez la levure (Wittner et al., 2011). Une souche de levure exprimant un allèle thermosensible de rrn3 a été exposée à la température restrictive pour les temps indiqués. G) Fermeture et réouverture de la chromatine des gènes ribosomaux après irradiation et réparation par la réparation par excision de nucléotides chez la levure (Conconi et al., 2005). L’analyse par photo-pontage au psoralène a été réalisée sur des noyaux isolés avant UV (0) et au cours de la réparation (0.5-4 h). H) Ouverture de la chromatine suite à l’inhibition de la méthylation de l’ADN (Gagnon-Kugler et al., 2009). Des cellules HCT116 ont été traitées avec de l’azacitidine pour chaque temps indiqué. (Figure adaptée de Hamperl et al., 2013)

4.3.1. Changement de la chromatine au cours du cycle cellulaire

Depuis plus de 25 ans, il a été montré que les gènes ribosomaux existent sous deux structures chromatiniennes au cours du cycle cellulaire chez la souris (Conconi et al., 1989). Comme la structure ouverte corrèle avec la transcription de l’ARNPI, il est étonnant de constater que la transcription des gènes de l’ARNr est réprimée au cours de la mitose (Johnson et al., 1965; Prescott, 1964). Toutefois, ce résultat corrèle avec le fait que, même en mitose, UBF et l’ARNPI restent associés aux gènes ribosomaux (Gébrane-Younès et al., 1997; Goenechea et al., 1992; Roussel et al., 1993). Malgré le fait que les deux structures chromatiniennes peuvent être observées au cours du cycle cellulaire, de récents travaux chez la levure montrent un changement de ratio des gènes ouverts et fermés au cours de la phase G1 du cycle cellulaire (Wittner et al., 2011). De plus, il a été montré qu’au cours de la phase S, il y a fermeture de la chromatine des gènes ribosomaux après le passage de la fourche de réplication chez la levure et dans les cellules humaines (Lucchini et Sogo, 1995; Scott et al., 1997). La chromatine des gènes ribosomaux est ensuite réouverte, en fonction de la méthylation de l’ADN pour les cellules de mammifère et aléatoirement chez la levure.

4.3.2. Changement de la chromatine au cours de la phase stationnaire et de la différenciation

Comme décris dans la figure 16, au cours de la différenciation en granulocytes, la chromatine des gènes de l’ARNr se ferme (Sanij et al., 2008). Ce processus est accompagné par une

diminution de l’expression d’UBF. De surcroit, l’expression d’autres composants de la machinerie de transcription de l’ARNPI est également diminuée (Fig. 16C) (Sanij et al., 2008). Comme la diminution de l’expression d’UBF par ARNi imite la fermeture provoquée par la différenciation en granulocytes, il a été conclu qu’UBF régule le nombre de gènes ouverts au cours de ce processus. En principe, UBF peut influencer la structure de la chromatine autant par son rôle dans le complexe de préinitiation que par sa capacité à structurer la chromatine ouverte des gènes de l’ARNr. Chez la levure, il y a une fermeture de la chromatine des gènes ribosomaux durant de la phase stationnaire (Fig. 16E) (Fahy et al., 2005; Sandmeier et al., 2002). Il a été observé qu’au cours de la phase stationnaire, il y a une diminution de l’association de Rrn3p à l’ARNPI (Milkereit et Tschochner, 1998). Une fermeture partielle est également observée lorsque Rrn3p est inactivé dans une souche contenant l’allèle thermosensible de rrn3 (Wittner et al., 2011). Il est possible que pendant la phase stationnaire, l’expression des composants de la machinerie de transcription de l’ARNPI soit diminuée alors que la cellule n’a plus besoin d’une transcription robuste.

Il est important de noter que lorsque les cellules entrent en phase stationnaire, la fermeture de la chromatine des gènes ribosomaux ne reflète pas la forte diminution de la transcription de l’ARNPI (Fahy et al., 2005). De manière similaire, l’inactivation prolongée de TOR (« Target Of Rapamycin ») conduit à une diminution du nombre d’ARNPI engagées dans la transcription alors que le nombre de gènes de l’ARNr ouverts varie peu (Claypool et al., 2004; Reiter et al., 2011). De même, dans des fibroblastes de souris ou dans des cellules de neuro-épithéliome humain, la stimulation avec de l’EGF, l’activation directe de Raf, l’hyperacétylation de la chromatine et l’inhibition de la voie des MAP kinases, des signaux qui affectent tous la transcription de l’ARNPI, ne mènent pas à un changement significatif du ratio entre les gènes ouverts et fermés (Stefanovsky et al., 2006). Le changement robuste de transcription par l’ARNPI dans les cellules de mammifères se traduit potentiellement au niveau de l’initiation et de l’élongation (Grummt, 2003; Stefanovsky et al., 2006). Ainsi, la réponse à des stimuli extracellulaires se fait surtout et prioritairement par la régulation de la transcription de l’ARNPI, et moins par le changement du nombre de gènes ouverts.

4.3.3. Changement de la chromatine au cours de la réparation de l’ADN

Un changement dynamique de la structure de la chromatine est également observé en réponse à l’irradiation par les UVC qui conduit à la formation de dimères de pyrimidine. Ces lésions sont retirées par la réparation par excision de nucléotides (Conconi et al., 2002). Peu après l’irradiation, la chromatine des gènes de l’ARNr se ferme et il y a une réouverture de la chromatine au fur et à mesure de la réparation de l’ADN (Fig. 16G) (Conconi et al., 2005; Tremblay et al., 2014). L’inhibition de la réparation n’empêche pas la fermeture de la chromatine, mais prévient sa réouverture (Conconi et al., 2005; Tremblay et al., 2014). Malgré toutes les observations précédentes, à l’heure actuelle, les mécanismes impliqués dans la déposition de nucléosomes sur les gènes ribosomaux restent inconnus.

4.3.4. Autres changements de la chromatine

L’hypométhylation de l’ADN provoquée par le 5-aza-2’-déoxycytidine conduit à une ouverture de la chromatine des gènes de l’ARNr (Fig. 16H) (Gagnon-Kugler et al., 2009). Ceci suggère que la méthylation de l’ADN interfère avec l’ouverture de la chromatine des gènes ribosomaux. Ce mécanisme semble être impliqué dans le contrôle du nombre de gènes ouverts chez les cellules d’eucaryotes supérieurs, en permettant ainsi la stabilité du génome. On peut donc imaginer que ce mécanisme reflète le fait que, lorsque la méthylation de l’ADN des gènes ribosomaux augmente, le nombre de copies de gènes augmente également (Tantravahi et al., 1981 ; Reilly et al., 1982).