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4. La chromatine des gènes ribosomaux

4.2. Composition de la chromatine des gènes de l’ARNr

4.2.1. Les histones

Récemment, l’absence d’histones dans la chromatine activement transcrite des gènes de l’ARNr a été réévaluée. Des expériences d’immunoprécipitation de la chromatine menées chez la levure ont montré une faible présence d’histones au niveau des gènes de l’ARNr (Jones et al., 2007). Ces expériences ont été conduites dans des souches de levure dans lesquelles les gènes ribosomaux sont supposément tous transcriptionnellement actifs. De plus, le profil de digestion avec des nucléases montre une protection caractéristique des nucléosomes. Il a été donc postulé que la transcription de l’ARNPI se fait à travers une chromatine nucléosomale dynamique. Toutefois, le photo-pontage au psoralène de l’ADN provenant de ces souches de levure montre la présence de quelques gènes fermés, nucléosomaux (Merz et al., 2008), ce qui remet clairement en question ce postulat. De plus, les expériences de « Chromatin Endogenous Cleavage », ou ChEC, couplées au photo- pontage au psoralène, montrent que la chromatine ouverte des gènes de l’ARNr est dépourvue de nucléosomes (Merz et al., 2008; Wittner et al., 2011; Tremblay et al., 2014). En particulier, la protéine de fusion de l’histone H3 avec la MNase ne provoque pas de

dégradation du fragment des gènes ribosomaux ouverts tandis que les fragments issus de gènes fermés sont totalement digérés. Cette étude n’a pour l’instant été réalisée que chez la levure et on peut toujours débattre de la validité de l’absence d’histones au niveau de la chromatine des gènes ribosomaux ouverts chez les eucaryotes supérieurs. Néanmoins, la solution technique à cette question est disponible puisqu’il existe une variante au ChEC : le ChIC (« Chromatin Immuno-Cleavage ») (Schmid et al., 2004). En effet, cette variante repose sur l’utilisation d’un anticorps spécifique, sur lequel se fixe une protéine A de Staphylocoque fusionnée à la nucléase micrococcale (MNase). Après induction de la MNase par ajout de calcium, celle-ci coupe l’ADN de part et d’autre de la protéine reconnue par l’anticorps primaire. Cette technique permet de s’affranchir de l’expression d’une protéine de fusion endogène et de mener le même type d’étude chez différents organismes.

4.2.2. Les protéines « High Mobility Group box »

Un des premiers indices que les protéines HMG jouent un rôle dans la formation de la chromatine transcriptionellement active des gènes de l’ARNr vient du fractionnement biochimique de gènes de l’ARNr de Physarum (Amero et al., 1988). De ces travaux, il a été postulé qu’une protéine, presque autant abondante que les histones au niveau des gènes de l’ARNr, pourrait être HMG 14/17.

Un exemple clair de protéine HMG ayant une fonction dans la mise en place et le maintien de la chromatine ouverte, non-nucléosomale du locus ribosomal chez les vertébrés, est UBF. Outre son rôle dans la formation du complexe de préinitiation (tel que décrit dans la section 3.3.2.3.), il a été montré que cette protéine se retrouve sur la région codante des gènes de l’ARNr (O’Sullivan et al., 2002). L’importance d’UBF dans l’architecture de la chromatine des gènes ouverts est appuyée par le fait que la production endogène de cette protéine détermine le nombre de gènes ouverts chez la souris (Sanij et al., 2008). De plus, la diminution de l’expression d’UBF par ARNi réduit le nombre de gènes ribosomaux ouverts et augmente la présence de l’histone H1 au niveau de la chromatine ribosomale (Sanij et al., 2008). De façon analogue, lors du processus de différenciation en granulocytes, on peut observer une diminution du nombre de gènes ouverts (Fig. 16D) ainsi qu’une diminution de l’expression d’UBF (Sanij et al., 2008).

Saccharomyces cerevisiae ne possède pas d’homologue d’UBF. Toutefois, la protéine HMG Hmo1p semble partager certaines caractéristiques fonctionnelles avec UBF (Albert et al., 2012). Hmo1p fut identifié lors d’un criblage génétique avec une souche mutante pour une sous-unité de l’ARNPI (Gadal et al., 2002). De façon intéressante, le retard de croissance observé dans une souche mutante pour RPA49 pourrait être la conséquence d’une diminution de la vitesse d’élongation de l’ARNPI, qui peut être compensée par Hmo1p. Ceci montre que Hmo1p joue un rôle similaire à UBF dans la transcription des gènes ribosomaux. De plus, tout comme UBF, Hmo1p s’associe à la région codante des gènes de l’ARNr et plus spécifiquement au niveau de la chromatine des gènes ouverts (Merz et al., 2008; Hall et al., 2006; Kasahara et al., 2007; Berger et al., 2007). La transcription par l’ARNPI semble nécessaire pour le recrutement de Hmo1p au niveau de la chromatine ouverte. Toutefois, cette transcription n’est pas requise pour maintenir la chromatine ouverte ou l’association d’Hmo1p à cette dernière (Merz et al., 2008; Wittner et al., 2011; Kasahara et al., 2007). Ceci est une différence majeure entre Hmo1p et UBF qui, pour sa part, est nécessaire au recrutement de l’ARNPI (Mais et al., 2005). Une autre similitude entre Hmo1p et UBF est qu’ils s’associent à l’ADN dans des régions dépourvues d’histones (Wittner et al., 2011). Il a été d’ailleurs postulé qu’Hmo1p sert à prévenir la formation de nucléosomes (Wittner et al., 2011). Des analyses de localisation d’Hmo1p au niveau du génome entier ont montré que cette protéine se localise également au niveau des promoteurs de gènes fortement transcrits par l’ARNPII (Bermejo et al., 2009). UBF a également été localisé au niveau de promoteur de gènes fortement transcrits chez l’humain (Zentner et al., 2011).

Toutefois, contrairement à UBF, l’absence d’Hmo1p ne provoque pas un changement du nombre de gènes ribosomaux ouverts (Merz et al., 2008; Wittner et al., 2011). Cette différence importante peut s’expliquer, car Hmo1p ne joue aucun rôle dans la formation du complexe de préinitiation chez la levure.