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4.4.2.2 Régulation transcriptionnelle du bois de tension

Par des approches à grande échelle comme l’analyse d’ESTs, les microarrays ou les

RNA-seq, un certains nombres de gènes, présentant une expression différentielle entre le bois de

tension et le bois normal ou bois opposé, ont pu être identifiés et cela chez différents

angiospermes, tels que l’Eucalyptus (Paux et al., 2005; Mizrachi et al., 2015), le tulipier (L.

tulipifera) (Jin et al., 2011) et le peuplier (Andersson-Gunnerås et al., 2006; Chen et al., 2015).

On retrouve essentiellement des gènes liés à la biosynthèse des parois, à leurs modifications et

des gènes liés aux hormones.

Parmi ces gènes, certains codent des protéines FLAs (Fasciclin-Like

Arabinogalactan-Proteins), appartenant à la sous-classe des protéines AGPs (Arabinogalactan-Proteins). En

réponse à un stress gravitropique, plusieurs gènes FLAs sont surexprimés dans la partie en

tension (Lafarguette et al., 2004; Andersson-Gunnerås et al., 2006; Azri et al., 2014 ; Wang et

al., 2017) et les gènes FLAs sont maintenant considérés comme des marqueurs moléculaires de

la formation de bois de tension. Leur particularité est la présence d’un ou plusieurs domaines

fasciclines, domaine qui se retrouve conservé entre les bactéries, les algues et les animaux et

qui est considéré comme important pour l’adhésion cellulaire (Gaspar et al., 2001; Moody et

Williamson, 2013). Ces domaines fasciclines joueraient le rôle de molécules d’adhésion entre

les différents constituants de la paroi cellulaire. En effet, une étude sur des peupliers

transgéniques sous-exprimant les gènes PtFLAs, a montré que l’expression de certains gènes

de la biosynthèse des parois secondaires était réprimée, altérant la composition des parois

cellulaires et modifiant in fine la biomécanique de la tige, avec une diminution de la résistance

à la flexion et de la rigidité des plantes transgéniques (Wang et al., 2015).

Parallèlement aux études effectuées sur les FLAs, les mécanismes transcriptionnels du

métabolisme et du dépôt des polysaccharides ont également été étudiés. Ainsi, des travaux

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synthase (Paux et al., 2005) et des XET et XTH (Nishikubo et al., 2007; Jin et al., 2011) dans

la formation du bois de tension.

II.4.5 Le bois de flexion

Comme indiqué dans le chapitre précédent, lorsque les arbres sont soumis à des flexions

répétées transitoires (mimant l’effet du vent), le cambium produit un bois spécifique : le bois

de flexion (Telewski, 1989).

II.4.5.1 Réponse en croissance

Comme pour les bois de réaction, le bois de flexion se forme dans la direction du stress

mécanique, c'est-à-dire dans la direction de la flexion. L’application de flexions

bidirectionnelles stimule l’activité cambiale dans le sens de la flexion ce qui conduit à un tronc

de forme elliptique, aussi bien chez les gymnospermes que chez les angiospermes (Figure 24)

(Telewski, 2016). En revanche, contrairement au bois de réaction, aucune excentricité de la

moelle n’a été observée dans les sections d’arbres soumis à des régimes de flexions

bidirectionnelles journalières. Autrement dit, l’activité du cambium est identique entre le côté

en tension et le côté en compression.

Figure 24 : Ovalisation du tronc des tiges fléchis d'Abies fraseri par rapport aux troncs non sollicités.

Les arbres fléchis 20 fois par jour présentent une ovalisation caractéristique du bois de flexion par

rapport aux arbres témoins. La flèche indique que les flexions étaient bidirectionnelles.D'après Telewski

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II.4.5.2 Réponses anatomiques

Contrairement au bois de réaction, peu d’études se sont penchées sur le bois de flexion

qui a été anatomiquement peu décrit. Quelques observations au niveau anatomique ont été

effectuées sur Pinus (Telewski et Jaffe, 1986a), Abies (Telewski, 1989) et sur les angiospermes

(Neel et Harris, 1971; Pruyn, 1997; Kern et al., 2005). Dans ces études, vingt flexions

bidirectionnelles et journalières étaient appliquées de sorte que la tige ne dépasse pas les 45°

par rapport à la verticale.

Chez les gymnospermes, les nouvelles trachéides formées suite à des sollicitations

mécaniques, sont de tailles réduites avec une paroi secondaire plus épaisse et sont plus courtes

en longueur (Telewski et Jaffe, 1986a ; Telewski, 1989). La caractérisation anatomique du bois

de flexion de peupliers hybrides rapporte uniquement une réduction du diamètre des vaisseaux,

de l’aire du lumen des vaisseaux et de leur fréquence (Neel et Harris, 1971; Pruyn, 1997; Kern

et al., 2005).

II.4.5.3 Autres modifications

En plus de ces quelques changements anatomiques observés sur les bois de flexion, des

différences de composition chimique des parois ont également été mises en évidence. Chez les

gymnospermes, une augmentation des lignines insolubles a été observée sur Pinus taeda en

réponse à la flexion (Telewski et Jaffe, 1981). Chez les peupliers, les flexions n’entraînaient

pas d’augmentation du total des lignines par rapport au bois normal, mais une augmentation du

taux des monolignols syringyles a cependant été observée (Koehler et Telewski, 2006). De plus,

les bois de flexion des gymnospermes et des angiospermes sont tous les deux caractérisés par

une augmentation de l’angle des microfibrilles de cellulose.

L’augmentation de la croissance radiale ainsi que les changements anatomiques et

chimiques de la paroi modifient les propriétés biomécaniques du bois. Le paramètre mécanique

caractérisant l’état mécanique de la tige est la rigidité en flexion EI, où E est le module

longitudinal d’élasticité et I le moment quadratique, qui varie à la puissance 4 du diamètre :

𝐼 =𝜋 × 𝐷𝑠𝑒𝑛𝑠 ⊥ 𝑓𝑙𝑒𝑥𝑖𝑜𝑛 × (𝐷𝑠𝑒𝑛𝑠𝑓𝑙𝑒𝑥𝑖𝑜𝑛)

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La plupart des études reportent une diminution du module d’élasticité ce qui augmenterait la

flexibilité. Mais l’augmentation de diamètre observée lors des traitements de flexion augmente

le paramètre I, d’autant plus que l’augmentation de diamètre s’effectue principalement dans le

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entraîne une augmentation de la rigidité en flexion de la tige EI (Telewski et Jaffe, 1986a;

Telewski et Jaffe, 1986b; Telewski, 1989; Telewski et Pruyn, 1998; Pruyn et al., 2000).

Par ces études, les bois de flexion ont été comparés au bois de compression des

gymnospermes et au bois de tension des angiospermes, mais une caractérisation anatomique

plus approfondie est nécessaire pour comparer rigoureusement l’anatomie des bois de réaction

et des bois de flexion. De plus, dans la plupart de ces études les sollicitations mécaniques

appliquées à la tige sont des flexions bidirectionnelles et d’intensité non contrôlées. Or la

déformation étant la variable physique perçue par la plante, il est nécessaire de contrôler

l’amplitude de la flexion appliquée à la tige pour ainsi générer des déformations homogènes, et

également d’appliquer des flexions unidirectionnelles pour décorréler les réponses anatomiques

du côté en tension et du côté en compression. Pour finir, il y a clairement une absence de

données moléculaires pour le bois de flexion, mais l’analyse transcriptomique de Pomiès et al.

(2017) ouvre des pistes sur les acteurs moléculaires impliqués en réponse à une flexion unique.

Dans cette étude, on retrouve les gènes CLE dont certains ont un profil d’expression particulier.

La modulation de leur expression à la suite d’une flexion et leur rôle dans la prolifération et la

différenciation cellulaire chez les plantes laissent à penser que ces gènes seraient de bons

candidats pour expliquer la formation du bois de flexion. Nous allons les détailler dans cette

dernière partie de l’introduction.