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Etudes expérimentales sur une surface de molybdénite

6.3 Régulation sur le signal de dissipation

La régulation en distance sur le courant tunnel trouve ses limites dans l’utilisation de substrats conducteurs. Une autre voie possible pour observer notre système ou bien des surfaces isolantes est d’utiliser le signal d’erreur provenant de la boucle de régulation en amplitude (AGC). Ce signal nommé signal d’entretien de l’oscillation, signal de dissipa- tion ou “Damp” ou “Damping” en anglais est directement lié à l’énergie requise par la sonde pour garder son amplitude d’oscillation constante. Nous avons mis en évidence à la page 109 sur une surface d’alumine (isolante) qu’il existe un domaine de distance où les interactions à courte portée entrent en jeu. Ce domaine de distance apparaît à quelques dizaines de rayons atomiques de l’apex de pointe, que nous avons nommée nanopointe, et la surface. Ce signal de dissipation est généralement monotone en fonction de la dis- tance [HJP+01, AGF+99]. On remarque que ce signal de dissipation, présent sur tous les

signal pour asservir la distance pointe-surface. Ainsi, on ne fait que remplacer le courant tunnel préamplifié en tension par ce signal d’erreur d’entretien de l’oscillation du cantile- ver sur la carte d’acquisition du microscope [San01]. On définira désormais une consigne en dissipation qu’on nommera “Damp”. Les images obtenues en mode topographie seront acquises à signal de dissipation constant sous réserve du temps de réaction des boucles de régulation en amplitude et en distance. En parallèle des images en topographie, on continuera à mesurer le signal d’écart en fréquence ∆ f . Bien qu’encore très peu utilisé à cause des instabilités du signal de dissipation, notons que R. Bennewitz et al., page 105 de [MWM03], ont fait des essais avec ce mode de fonctionnement pour observer des dépôts de NaCl sur une surface de Cu(111).

Les figures 6.13 montrent l’image (a) en ∆ f et l’image en dissipation (b) acquises dans ce mode de fonctionnement sur le système îlots d’or sur surface de molybdénite avant le dépôt de molécules.

FIG. 6.13 – Régulation en dissipation sur le système : Damp = 177 meV/cycle, Vt =-1 Volt,

A =3.2 nm. (a) image en ∆ f avec l’agrandissement (a’) on trouve un contraste de 7.3 Hz entre les

extrema de cette image. (b) image en dissipation.

Comme le montre l’image (b), la régulation sur le signal de dissipation fonctionne bien : le signal est à peu près constant sur toute l’image bien que l’on ait sur l’image (a) un contraste en hauteur d’environ 4 nm à cause de la présence de deux gros îlots d’or. La forte dépendance en distance de ce signal de dissipation nous permet d’obtenir la résolution atomique de la maille hexagonale de la surface de MoS2 (gros plan (a’) de

l’image (a)).

Après dépôt des molécules d’octanedithiols, on obtient les figures 6.14 où on note la présence d’un gros cluster d’or au bas de l’image. Sur les images (a) et (b), on note la présence de petits clusters. Certains sont assez mal définis quoiqu’ayant des diamètres de 3 à 2nm. D’autres présentent des sous structures mieux définies avec toujours des hauteurs apparentes de l’ordre de 2 à 3 Å. Pour mieux comprendre la structure et sous-structure de ces petits îlots, nous en avons fait une image à plus petite échelle comme on le voit sur les figures 6.15.

FIG. 6.14 – Damp = 177 meV/cycle, Vt =-1 Volt, A =3.5 nm. (a) image en topographie, (b) image en ∆ f , (c) image en dissipation.

La consigne en dissipation Damp est plus grande de 3 meV/cycle par rapport à l’image précédente. Si l’on compare cette valeur au bruit thermique à température ambiante de l’ordre de 26 meV, on note la sensibilité remarquable de la machine due aux effets de filtrage des boucles d’asservissement (voir chapitre 4). L’apex de la pointe est donc plus proche des objets en surface. On commence à distinguer sur ces images (a), (b) et (c) le maillage atomique hexagonal de la surface. Sur l’agrandissement d’un des petits îlots à gauche de l’image en topographie (a), nous avons réhaussé l’échelle des gris de l’image pour mettre en évidence le réseau atomique que l’on devine sur l’image en dissipation (c). Cet îlot est donc un îlot d’or à une couche atomique dans son état le plus stable [BRW+03] avec structure hexagonale (111). A droite de l’image, nous discernons deux

autres îlots d’or (haut et bas de l’image) entre lesquels on discerne des lobes similaires à ceux observés en imagerie STM (figures 6.5 et 6.6).

En observant une autre zone, en augmentant une nouvelle fois la consigne en dis- sipation Damp de 20 meV/cycle pour rapprocher l’apex de la surface (figure 6.16), la distinction devient nette entre les petits clusters d’or (taches blanches diffuses) et ces lobes apparaissant comme des taches plus constrastées sur les images en topographie (a) et en écart en fréquence (c). Un gros plan de l’image en topographie (a) nous permet de constater que ces lobes sont appairés avec une distance d’écart de l’ordre de 13 à 14 Å. On retrouve donc les dimensions de la molécule d’octanedithiol (figure 6.4). Cette image montre clairement trois ou quatre molécules (ellipses vertes) isolées et piégées entre les petits îlots d’or environnants. La régulation sur le signal de dissipation est donc une mé- thode adaptée pour observer des molécules sur un substrat isolant.

FIG. 6.16 – Damp = 200 meV/cycle, Vt =-1 Volt, A =3.5 nm. (a) image en topographie avec agrandissement d’une zone de molécules, (b) image en dissipation, (c) image en ∆ f .

Quand on compare cette image des molécules avec celles obtenus en STM, il semble y avoir un lien entre l’électronégativité des atomes de soufre et la dissipation moléculaire. Cette constatation mériterait une étude plus poussée pour comprendre les mécanismes de dissipation à l’échelle de la molécule unique.

Remarque

L’imagerie à signal de dissipation constant place l’apex de la pointe à quelques ang- ströms des objets observés, comme en régulation sur le courant tunnel. Nous avons noté qu’en augmentant légèrement plus que nécessaire la consigne Damp du signal d’excita- tion, la pointe touche les clusters d’or et peut même les déplacer comme on le voit sur la figure 6.17(II). Ce phénomène peut apparemment améliorer, de temps en temps, la ré- solution d’une pointe ne donnant plus de bons résultats d’imagerie. En effet, les figures 6.17 montrent chronologiquement de l’imagerie en mode AFM Non-Contact régulé sur

l’écart en fréquence (I), de l’imagerie AFM régulé sur le signal de dissipation (II) et à nou- veau de l’imagerie en mode AFM Non-Contact régulé sur l’écart en fréquence (III) sur la même zone de l’échantillon pour les trois images. On voit clairement le gain en résolution obtenu en provoquant le contact de la pointe sur un gros îlot d’or. Nous interprétons ce phénomène comme une reconstruction de la nanopointe fournissant la résolution en AFM Non-Contact comme nous l’avons mentionné à la page 114.

FIG. 6.17 – Amélioration de la résolution en trois étapes. (I) mode NCAFM ∆ fc=-80 Hz, (II)

régulation sur Damp =210 meV/cycles, (III) mode NCAFM ∆ fc=-120 Hz. Vt =-1 Volt, A =4.2 nm.