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Etudes expérimentales sur une surface de molybdénite

6.5 Phénomènes de gradient d’écart en fréquence sur les clusters d’or

6.5.2 Méthodes numériques

Au cours de ce travail nous avons développé un outil numérique, nommé BaryMesh, permettant de résoudre des systèmes à géométrie quelconque, tant au niveau de la surface que de la pointe, pour estimer les forces et gradients de force ressentis par la pointe du microscope. La première étape de l’outil est de “mailler” les objets en éléments finis. Deuxièmement, celui-ci crée la surface de balayage de la pointe au dessus des objets en surface. Troisièmement, on aboutit au calcul de la force ressentie et de l’écart en fréquence de la sonde oscillante en chaque point de la surface de balayage.

Le maillage

Nous avons utilisé le noyau d’un programme de maillage (libre de droits) développé par C. Geuzaine et J. F. Remacle [Geu01, Gms] qui utilise l’algorithme de maillage de Delaunay-Bowyer [Deb04, She03, Tho02] permettant de mailler proprement un objet tri- dimensionnel quelconque à l’aide de tétraèdres. Le barycentre et le volume dVj[ZT91] de

chaque tétraèdre sont ensuite calculés. Le graphe 6.24 montre la distribution en volume des tétraèdres composant le cluster modélisé de la figure 6.22.

FIG. 6.24 –Distribution en volume des éléments finis composant le cluster d’or de la figure 6.22. On note, comme nous l’avons souligné en remarques du précédent paragraphe, les

Surface de balayage

Celle-ci est créée en définissant la distance h minimale entre le bout de la pointe et l’objet considérée qui est soit la surface soit un élément de volume dVj. Cette distance

h équivaut, dans notre modèle, à la distance tunnel mesurée sur les profils des images topographiques expérimentales (voir courbes bleus en traits discontinus des figures 6.21). La construction de cette nappe de balayage de la pointe au dessus des objets et de la surface est simple à comprendre en faisant l’analogie suivante : on lâche une nappe en tissu au dessus d’une table de cuisine comportant des assiettes, des verres et d’autres ustensiles. Cette nappe va donc épouser les formes des objets par gravité. Si on remplace le maillage du tissus de la nappe par les coordonnées tridimensionnelles de l’apex de la pointe, l’épaisseur de la nappe en tissu par la distance rayon+distance tunnel b1+h, la table de cuisine par notre surface et les ustenciles par nos îlots d’or, on obtient l’algorithme de création de la surface de balayage.

Calcul de l’écart en fréquence ∆ f

En chaque point de la nappe de balayage, la pointe oscille à la fréquence f0 avec

une amplitude A. Ainsi pour une période d’oscillation, divisée en mille pas de temps, le programme calcule la force totale 6.3 ressentie par la pointe. En utilisant ces valeurs de la force en fonction de la distance pointe-surface pour une période d’oscillation, on trouve, pour ce point de la nappe de balayage, l’écart en fréquence ∆ f grâce aux relations 3.38 et 3.40 à la page 59 donnant : ∆ f (Zboule) = f 2 0 kcA Z 1/ f0

0 Ftotale[s(t),Zboule]sin(2π f0t) dt (6.4)

avec l’oscillation de la sonde s(t) = A sin(2π f0t) et kcla raideur du cantilever. Dans

toutes les simulations suivantes, nous avons utilisés les paramètres communs : A =5 nm, kc=30N.m−1 et f0=270 kHz. Ces valeurs sont similaires à nos conditions expérimen-

tales.

6.5.3 Résultats

Les paramètres libres dans nos simulations sont la distance tunnel h que l’on a fixée à 7 Å , la constante de Hamaker qui varie de 1 eV à 2.5 eV, conformément aux ordres de grandeurs que l’on trouve dans [Isr92,FCDC95] (voir annexe A), le rayon b1de la pointe

et le paramètre a de taille du cluster. Ce paramètre a correspond à l’arête du triangle équilatéral unité qui nous a permis de construire le cluster d’or (figure 6.22) par des jeux de symétries six et trois.

Ainsi, on obtient les profils des figures 6.25 dont la localisation est indiquée par la flèche rouge en traits discontinus au dessus de l’îlot sur la figure 6.22.

Les courbes en traits pointillés mauves correspondent à la taille réelle du cluster en fonction de a, les courbes en traits discontinus bleus correspondent à la nappe de balayage de l’apex de la pointe au dessus de l’îlot, en fonction de b1 et h. Les courbes en trait

plein correspondent à l’écart en fréquence ∆ f obtenus : en rouge pour une constante de Hamaker de 1 eV, en noir pour une constante de Hamaker de 2.5 eV. Notons que dans ces simulations numériques, nous avons pris Hpointe−dV égal à Hpointe−sur f ace.

Si on rapproche ces résultats numériques des profils des images expérimentales 6.21, on constate que l’on obtient bien l’effet de cuvette en écart en fréquence, du même ordre de grandeur, au dessus du cluster bien que le profil en topographie soit plat.

(a) (b) (c)

FIG. 6.25 –Résultats de simulation de l’écart en fréquence ∆ f sur un cluster. Le profil est indiqué

par la flèche en traits discontinus rouges sur la figure 6.22. f0=270 kHz, A0=5 nm, kc=30N.m−1. En utilisant les paramètres du profil (b) de la figure 6.25, avec une constante de Hama- ker de 2 eV, correspondant le mieux aux cas expérimentaux on peut obtenir, sur la figure 6.26, une image en écart en fréquence complète au dessus d’un îlot d’or. Cet aspect très similaire avec les résultats expérimentaux, nous permet de rendre compte que l’effet de gradient en écart en fréquence est bien dû à un effet géométrique de la force d’interaction entre la pointe et l’objet.

FIG. 6.26 – Résultat de simulation de l’écart en fréquence ∆ f sur un cluster dont l’étendue spatiale vraie est indiquée en traits discontinus rouges sur la figure. Mêmes paramètres que la figure 6.25 avec b1=3.9 nm, h =7 nm, H =2 eV et a =2nm.

Nous avons superposé, en traits discontinus rouges, sur cette figure 6.26 la taille réelle de l’ilôt d’or. On met donc en évidence un effet de convolution de pointe [SHRG94] lié à son rayon effectif. L’encombrement apparent des clusters sur la surface sur les images

bords des gros clusters d’or comme on le voit sur les images du paragraphe 6.3. En effet, l’effet de convolution peut empêcher la nanopointe, responsable de la résolution en AFM dynamique [FGA+03, GNIR05], d’approcher suffisamment la surface de l’îlot. C. Barth

présente cette difficulté à obtenir la résolution sur des îlots d’or déposés sur une surface de KBr(001) [BH04].

FIG. 6.27 –Résultats de simulation de l’écart en fréquence ∆ f sur deux clusters pour différentes distances base à base. (a) distance de 6.5 nm, (b) distance de 3.5 nm, (c) les bases des deux clusters se touchent et (d) les clusters ont fusionné. Mêmes paramètres que la figure 6.26.

Certains ilôts apparaissent sur la figure 6.21 très proches les uns des autres tout en présentant toujours le même profil en écart en fréquence ∆ f . Or, on pourrait s’attendre, sur la base des arguments qualitatifs présentés ci-dessus, à ce que l’effet disparaisse au voisinage de la région où deux ilôts paraissent en contact. C’est la raison pour laquelle nous avons simulé l’approche de deux îlots, identiques à celui de le figure 6.26, jusqu’au contact et à la coalescence comme on le voit sur les figures 6.27 (a), (b), (c) et (d). En comparant ces quatres simulations avec les images expérimentales 6.21, on constate que la plupart des îlots contigus ne se touchent pas en réalité comme on le voit sur la figure 6.27(b) où les bases des clusters sont distantes de 3.5 nm.

Au contact des deux bases, on obtient la figure 6.27(c) avec les deux cuvettes sombres en écart en fréquence très proches l’une de l’autre mais pas jointes. Nous n’avons pas rencontré ce cas sur les images expérimentales.

Le dernier cas simulé sur la figure 6.27(d), correspond à la coalescence des deux îlots. La tache sombre devient alors commune aux deux aggrégats métalliques. Dans les images d’écart en fréquence ∆ f , cette cuvette sombre à l’intérieur des gros îlots d’or est donc une

bonne signature pour savoir si le contact réel est avéré ou pas.

Conclusion

Au cours de ce paragraphe, nous avons vu différentes stratégies d’utilisation de la machine AFM. Ces différents systèmes de régulation qui rendent le microscope complexe à comprendre et à régler, comme nous l’avons vu au chapitre 4, font la force de cette machine. Ils laissent à l’utilisateur une grande liberté de moyens pour analyser un système physico-chimique. En combinant différents systèmes de régulation classiques, comme la régulation en écart en fréquence ou sur le courant tunnel statique, ou non communs, comme la régulation sur le signal de dissipation ou sur le courant tunnel oscillant, nous avons pu recouper différentes informations pour aboutir à des conclusions physiques et chimiques sur le système octanedithiol/Au/MoS2.

La piste de la régulation sur le signal de dissipation semble prometteuse pour obtenir la résolution moléculaire et atomique sur des surfaces conductrices et isolantes. La difficulté provient de l’explication des phénomènes non-conservatifs.

Ces études nous ont aussi permis de mettre le point sur la clé de la résolution en AFM, et en champ proche en général : l’apex de la pointe. Les constatations sur les instabilités de pointe ou les phénomènes de convolution nous ont permis de tirer des conclusions en ce qui concerne la pointe idéale pour obtenir de bonnes images.

En ce qui concerne la manipulation de molécules, nous avons commencé cette étude sur une surface de rutile TiO2(110) réduite. La molécule étant un acide carboxylique éla-

boré par les chimistes du CEMES. Le cahier des charges de cette molécule (modélisée sur la figure 6.28(a)) est le suivant : assez grosse pour être facilement visible en AFM dyna- mique (groupe 4-[Tris-(3,5-di-tert-butyl-phenyl)-methyl]-phenoxy nommé R), posséder une ancre (un groupe carboxylique ) pour se chimisorber sur les atomes de titane des rangées de la surface de TiO2(110) [OSUI02] en libérant un hydrogène et ainsi limiter la

diffusion. On voit la disposition de la molécule isolée sur la surface sur la figure 6.28(b) : l’objectif des rangées de la surface étant de contraindre un mouvement en translation de la molécule.

Nous avons obtenues les images expérimentales 6.28(c) et (d) de la molécule isolée sur le substrat, en STM statique avec une pointe en tungstène. Les quelques tentatives d’observer la molécule isolée en AFM dynamique ont été infructueuses jusqu’à mainte- nant. Néanmoins, nous avons pu réussir à manipuler, en STM, la molécule le long des rangées dans les directions indiquées par les flèches vertes.

Cette étude mérite donc d’être poursuivie en AFM dynamique pour montrer la fai- sabilité de nanomanipulation d’une molécule isolée à température ambiante. La dernière étape étant de manipuler la molécule sur un isolant tel que l’alumine αAl2O3.

FIG. 6.28 – Manipulations de molécules sur TiO2(110) (réduit) en STM statique. (a) la molé-

cule (A. Gourdon (CEMES-CNRS, Toulouse)), (b) disposition de la molécule sur la surface de TiO2(110), (c) It =20 pA, Vt =+1.2 Volt, (15x15) nm2, (c) mêmes paramètres (25x20) nm2.

Chapitre 7