• Aucun résultat trouvé

Régulation des membres anti-apoptotiques

E Régulation de l’apoptose par l’ubiquitination

1 Le système ubiquitine-protéasome participe à la régulation de la perméabilisation de la membrane mitochondriale externe (MEM)

1.2 Régulation des membres anti-apoptotiques

Tout comme les membres pro-apoptotiques, le niveau protéique des membres anti-apoptotiques de la famille BCL-2 est régulé par l’UPS. De plus, l’ubiquitination des membres anti-apoptotiques est souvent dépendante d’un statut de phosphorylation qui régule positivement ou négativement la dégradation protéasomale, ajoutant ainsi un niveau de régulation supplémentaire.

Les six membres anti-apoptotiques de la famille BCL-2 peuvent être subdivisés en deux catégories selon leurs stabilités. Ainsi, on peut distinguer les membres stables avec une demi-vie supérieure à 8h (BCL-2, BCL-xL et BCL-W), des membres instables avec un turnover bien plus rapide (BCL2A1, MCL-1 et BCL2L10) (Tableau 2). Bien que les 6 membres puissent favoriser la croissance tumorale et être impliqués dans les processus de chimiorésistance, il apparait que la capacité protectrice des anti-apoptotiques diffère selon les membres considérés. Ainsi, BCL-2, BCL-xL et BCL-W sont plus enclins à protéger les tumeurs contre les arsenaux thérapeutiques que BCL2A1, MCL-1 et BCL2L10 qui sont moins stables. Etonnamment, à un niveau protéique égal, tous les membres anti-apoptotiques de la famille BCL-2 ont un pouvoir protecteur équivalent en réponse à différents stimuli de mort. Ainsi, ce constat suggère que l’activité anti-apoptotique des membres de la famille BCL-2 est reliée directement à leur niveau protéique et qu’induire la dégradation protéasomale de ces membres est donc une stratégie pertinente pour inhiber leur fonction protectrice dans la cellule (80,184).

73 Membres anti-apoptotiques Demi-vie

(avec un tag GFP) E3-ligases identifiées BCL-2 >8h XIAP, PARKIN BCL2A1 1,5 h ND BCL-W >8h ND BCL-xL >8h PARK2 MCL-1 2h FBW7, SCF-βTRCP, MULE, TRIM17 BCL2L10 4h ND

Tableau 2 : Caractéristiques des membres anti-apoptotiques de la famille BCL-2

1.2.1 BCL-2

Même si BCL-2 possède une demi-vie élevée (supérieure à 8h), sa dégradation est également régulée par ubiquitination (272,273). Une étude a montré que BCL-2 est une cible de PARKIN qui induit une diminution de son niveau protéique et favorise l’apoptose (274,275). De la même façon, une étude récente a montré que XIAP ubiquitine et entraîne la dégradation de BCL-2 en présence du cofacteur ARTS lors de l’initiation de l’apoptose (276). Il est à noter qu’une publication montrant que l’ubiquitination de BCL-2 est catalysée par l’E3 ligase Cul3-Rbx1 en réponse à un stress oxydatif a été rétractée (277).

Tout comme MCL-1, la dégradation de BCL-2 dépend de sa phosphorylation. Ainsi, la phosphorylation des résidus Thr56, Thr74 et Ser87 par des MAPK inhibe l’ubiquitination et la dégradation de BCL-2 et protège les cellules de l’apoptose (272,273). A l’inverse, la phosphorylation des résidus Ser70 et Ser87 induit l’ubiquitination et la dégradation de BCL-2 (278).

1.2.2 BCL-xL

Très peu de choses sont connues sur la régulation de la stabilité de cette protéine par l’UPS. Toutefois, une étude récente a identifié PARK2 comme étant une E3 ligase pouvant ubiquitiner et induire la dégradation de BCL-xL (279). De plus, il semblerait que la phosphorylation du

74 résidu Ser62 par JNK favorise son ubiquitination alors que la déphosphorylation de ce même résidu par PP6 entraine la stabilisation de Bcl-xL en inhibant son ubiquitination (280). Ici aussi, une publication identifiant une E3 ubiquitine-ligase de BCL-xL a été rétractée (281).

1.2.3 BCL2L10

BCL2L10 est une protéine de la famille BCL-2 très instable dont la demi-vie est régulée par l’UPS. Une étude a montré que BCL2L10 peut être polyubiquitinée et dégradée par le protéasome mais les acteurs impliqués sont inconnus à ce jour (282). Toutefois, l’interaction de BCL2L10 avec l’ubiquitilin1 (UBQLN) entraine sa stabilisation via une mono-ubiquitination. Ainsi, des niveaux d’expression importants de UBQLN dans certains cancers pulmonaires sont associés à un mauvais pronostic pour le patient, potentiellement en raison de la stabilisation de BCL2L10 et donc de la résistance à la mort cellulaire des cellules tumorales (283).

1.2.4 MCL-1

MCL-1 est le membre anti-apoptotique de la famille BCL-2 dont la régulation de la stabilité a été la plus étudiée (Figure 40). MCL-1 est une protéine ayant une demi-vie courte (de l’ordre de 2h) (284).

A ce jour, plusieurs E3 ubiquitine-ligases entrainant la polyubiquitination et la dégradation de MCL-1 ont été décrites (Figure 41) : on peut nommer par exemple l’E3 ligase MULE qui favorise la dégradation de MCL-1 en réponse à des dommages à l’ADN (285) ou encore vraisemblablement PARKIN même si aucune ubiquitination directe n’a été démontrée (286,287). Comme mentionné précédemment, la dégradation de MCL-1 peut également être favorisée par une ubiquitination dépendante de la phosphorylation. C’est le cas pour la polyubiquitination de MCL-1 par les E3 ubiquitine-ligases du complexe βTRCP (288), SCF-FBW7 (289) ou encore TRIM17 (290). Dans ces cas-ci, la phosphorylation de MCL-1 est cruciale pour sa dégradation et elle peut avoir des effets opposés en fonction de la kinase impliquée (284). Ainsi, alors que la phosphorylation par la GSK3 des résidus Ser155 et/ou Ser159 et le

75 priming de la Thr163 par JNK sont nécessaires à l’ubiquitination de MCL-1 (291), la phosphorylation de la Thr163 par ERK entraine sa stabilisation (292).

Inversement, MCL-1 peut échapper à sa dégradation protéasomale en étant déubiquitinée par la DUB USP9X (293) et la DUB récemment identifiée USP13 (294) ce qui permet d’augmenter son pouvoir oncogénique. Ainsi, la surexpression de USP9X dans les myélomes multiples est corrélée à un mauvais pronostic pour le patient en raison de la stabilisation de MCL-1 (293) et la présence de USP13 dans les cancers du poumons ou des ovaires et un facteur de mauvais pronostic pour le patient (294).

Figure 41 : Régulation de la stabilité de MCL-1 par l’UPS (284)

1.2.5 BCL2A1

BCL2A1 est un membre anti-apoptotique de la famille BCL-2 ayant aussi une demi-vie très courte régulée par l’UPS (environ 1,5 h). Là encore, les acteurs impliqués sont inconnus à ce jour mais des études ont mis en évidence un schéma global de régulation (Figure 42).

76

Figure 42 : Schéma général de régulation de BCL2A1 par l’UPS

D’abord, des études biochimiques ont montré que la régulation de la stabilité de BCL2A1 est portée par l’hélice α9 C-terminale de la protéine qui peut être apparentée à un dégron (123,124) : d’une part, un mutant de BCL2A1 dépourvu de cette hélice (BCL2A1∆C) est beaucoup plus stable que la protéine entière ; d’autre part, la fusion de la partie C-terminale sur une autre protéine, comme la GFP ou la caspase 3, est suffisante pour la déstabiliser (124). Aussi, il apparait que la partie C-terminale de BCL2A1 est ubiquitinée en particulier sur ses résidus Lys151, 163 et 172 et que la polyubiquitination de ces résidus est suffisante pour induire la dégradation protéasomale de BCL2A1 et pour réguler sa stabilité (123). A contrario, les auteurs de cette étude ont montré que mimer la phosphorylation des résidus Ser152 et Thr156 (ST/DD) de l’hélice α9, au voisinage des lysines ubiquitinées, inhibe la polyubiquitination et entraine la stabilisation de BCL2A1 (Figure 42), suggérant ainsi que le statut de phosphorylation de ces deux résidus (par des kinases inconnues à ce jour) régule négativement la dégradation de la protéine (123).

Il apparait également que la stabilité de BCL2A1 est étroitement liée à son pouvoir oncogénique (80,184). En effet, l’expression ectopique de protéines mutantes non ubiquitinables de BCL2A1 accélère la formation de lymphome dans un modèle murin. Ces données démontrent que l’ubiquitination est un mécanisme critique permettant de réguler l’activité anti-apoptotique de BCL2A1 et suggèrent que des mutations impactant l’ubiquitination et la dégradation de BCL2A1 pourraient prédisposer aux cancers (184).

77