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B La fonction anti-apoptotique de certains BCL-2 est aussi liée à leur stabilité

BCL2A1 est l’une des protéines les moins étudiées de la famille BCL-2 et très peu de choses sont connues sur sa régulation. Toutefois, la surexpression de BCL2A1 est associée à un mauvais pronostic dans de nombreux cancers tels que certains lymphomes diffus, des leucémies ou encore des mélanomes (163–166,174). De plus, l’inhibition de BCL2A1, dans les lymphomes et les mélanomes notamment, est suffisante à resensibiliser les cellules tumorales à la mort induite par la chimiothérapie, suggérant que BCL2A1 est une cible de choix pour le traitement de ces pathologies (174,175). Cependant, à part des peptides thérapeutiques, très difficilement utilisables en clinique (182,183), aucune molécule inhibant spécifiquement BCL2A1 n’a été développée à ce jour, nous poussant à imaginer d’autres stratégies.

Outre leur interaction avec les protéines BH3-only, les protéines anti-apoptotiques de la famille BCL-2 peuvent voir leur activité de survie régulée par leur niveau protéique. A l’inverse de BCL-2, BCL-xL et BCL-W qui sont des protéines stables, MCL-1, BCL2L10 et BCL2A1 ont pour particularité d’être labiles avec une demi-vie courte (environ 1,5 h) régulée par l’UPS ; ce qui permet de classer les membres anti-apoptotiques de la famille BCL-2 en deux catégories en fonction de leur stabilité (Tableau 2) (80). De façon importante, il apparait que le potentiel anti-apoptotique de ces protéines est directement lié à leur stabilité. En effet, à expression constante, les protéines anti-apoptotiques de la famille BCL-2 ont des activités comparables. L’activité anti-apoptotique moindre de MCL-1, BCL2L10 et BCL2A1 observée n’est due qu’à une instabilité intrinsèque (80). De plus, dans le cas particulier de BCL2A1, des études ont mis en évidence que la stabilité de BCL2A1 module son activité anti-apoptotique et son pouvoir oncogénique (184). Ces résultats sont l’illustration que moduler la stabilité de BCL2A1 peut représenter une stratégie prometteuse pour inhiber son activité dans les cellules cancéreuses. Sur la base de ce rationnel thérapeutique, l’identification de plusieurs E3 ubiquitine-ligases (284) et de deux déubiquitinases (USP9X et USP13) (293,294) qui modulent la dégradation protéasomale de MCL-1, a permis le développement de petites molécules (comme WP1130 qui inhibe la DUB USP9X) qui favorisent la dégradation de MCL-1 et resensibilisent certaines tumeurs à la chimiothérapie (428). De plus, la présence de USP9X dans les tumeurs a été associée à un mauvais pronostic pour le patient, ce qui en fait une marqueur théranostique

165 de chimiorésistance (293). Ainsi, identifier les facteurs impliqués dans la régulation de la stabilité des BCL-2 représente une stratégie d’intérêt pour favoriser la mort de cellules tumorales et anticiper la réponse des patients aux traitements.

Avant notre étude, aucun des facteurs régulant la stabilité et la dégradation de BCL2A1 par l’UPS n’étaient connus. Nous savions seulement que la stabilité de BCL2A1 était régulée par l’ubiquitination de son hélice α9 C-terminale sur les résidus Lys et que mimer la phosphorylation des résidus Ser152 et Thr156 inhibe son ubiquitination (123,124). Notre étude a conduit, pour la première fois, à l’identification des E3 ubiquitine-ligases TRIM28 et de TRIM17 comme un rhéostat moléculaire régulant la stabilité et l’activité anti-apoptotique de BCL2A1 dans le contexte physiopathologique des cellules de mélanome. Nous avons en plus montré que la kinase GSK3 est également impliquée dans le processus de régulation de la stabilité de BCL2A1.

C TRIM28 et ubiquitination de BCL2A1

Mes travaux de thèse ont mis en évidence plusieurs points majeurs suggérant que TRIM28 est une E3 ubiquitine-ligase favorisant la dégradation protéasomale de BCL2A1. J’ai d’abord montré que les protéines BCL2A1 et TRIM28 endogènes interagissent physiquement au niveau de la mitochondrie. La surexpression de TRIM28 induit une diminution de la demi-vie de BCL2A1 corrélée à une augmentation de son ubiquitination, alors qu’un mutant de TRIM28 dépourvu d’activité E3 ligase n’a pas d’effet sur la demi-vie de BCL2A1. A l’inverse, l’inhibition de l’expression de TRIM28 par siRNA diminue l’ubiquitination de BCL2A1 montrant ainsi que TRIM28 endogène est impliquée dans l’ubiquitination et la dégradation de BCL2A1.

Bien que la fonction la plus documentée de TRIM28 soit liée à son activité dans la co-répression de la transcription d’une multitude de gènes (374), plusieurs études montrent que TRIM28 possède également une activité enzymatique de type E3 ubiquitine- et SUMO-ligase pour des substrats nucléaires et cytoplasmiques (Chapitre III -E -1.2). Cependant, la plupart des publications montrent que TRIM28 est une E3 ubiquitine-ligase lorsqu’elle est associée à un cofacteur de la famille MAGE (337,398,399,429). Par exemple, bien que TRIM28 n’interagisse pas avec le substrat AMPK, MAGE-A2, en servant de plateforme d’interaction,

166 permet à TRIM28 d’ubiquitiner l’AMPK (398). De même, l’ubiquitination de p53 par TRIM28 nécessite la présence de MAGE-C2 (335). Ici, nos expériences réalisées dans les cellules HEK-293T dépourvues de protéines de la famille MAGE (335), suggèrent que l’action de TRIM28 sur BCL2A1 est indépendante des MAGEs.

A ce stade, une question se pose: TRIM28 est-elle une E3 ubiquitine-ligase directe de BCL2A1 ? Malgré nos essais répétés, nous n’avons jamais pu détecter une ubiquitination in vitro de BCL2A1 par TRIM28. Néanmoins, ces expériences ne nous permettent pas d’exclure que TRIM28 ubiquitine directement BCL2A1. En effet, il se trouve que la protéine recombinante TRIM28 est insoluble et ni nous, ni nos collaborateurs, n’avons réussi à la produire entière. Ainsi, au laboratoire, nous disposons seulement d’une forme tronquée de TRIM28 comprenant le seul motif RBCC seul ou en complexe avec MAGE-C2. La protéine TRIM28 entière, ou un cofacteur autre que MAGE-C2 mais présent dans les cellules HEK-293T, pourraient être nécessaires à l’ubiquitination in vitro de BCL2A1. En outre, nous ne pouvons pas exclure que des modifications post-traductionnelles telles que la phosphorylation ou la SUMOylation soient nécessaires à l’activité E3 ubiquitine-ligase de TRIM28 comme cela a été démontré pour son activité de répression de la transcription (373,374).

Dans le cas où TRIM28 induirait indirectement l’ubiquitination de BCL2A1, TRIM28 pourrait recruter l’E3 ubiquitine-ligase directe de BCL2A1, éventuellement une autre TRIM, au sein d’une plateforme enzymatique (308). Une autre façon indirecte pour TRIM28 de moduler l’ubiquitination de BCL2A1 serait d’opérer via la transcription d’un gène cible. La fonction la plus documentée de TRIM28 étant de moduler la transcription d’une multitude de gènes, TRIM28 pourrait réguler positivement l’expression d’une E3 ubiquitine-ligase de BCL2A1. Pour réfuter cette hypothèse, un mutant de TRIM28 dépourvu d’activité E3 ubiquitine-ligase mais possédant toujours une activité transcriptionnelle devrait être utilisé dans les cellules. Cependant, un tel mutant est difficilement envisageable car le domaine RING porte en même temps l’activité E3-ubiquitine ligase et des domaines de liaison aux protéines KRAB nécessaire à son activité transcriptionnelle (Figure 50 et Figure 52).

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D Un rhéostat TRIM17/TRIM28 module la stabilité de BCL2A1

Nos résultats ont montré que TRIM17, en interrompant l’interaction entre TRIM28 et son substrat BCL2A1, stabilise BCL2A1 en prévenant son ubiquitination par TRIM28. Bien que les résultats de co-immunoprécipitations montrent clairement une perte d’interaction entre TRIM28 et BCL2A1 en présence de TRIM17, le mécanisme moléculaire sous-jacent reste énigmatique. Trois hypothèses sont à tester :

· Soit TRIM17 interagit avec TRIM28 et inhibe son activité catalytique en titrant TRIM28 de BCL2A1 ;

· Soit TRIM17 et TRIM28 possèdent un domaine de liaison commun sur BCL2A1, mais BCL2A1 fixerait préférentiellement TRIM17 ;

· Ou alors, TRIM17 pourrait former un hétérodimère avec TRIM28 empêchant ainsi TRIM28 de s’homodimériser. Or, l’homodimérisation des TRIMs semble nécessaire à leur activité catalytique via la dimérisation des RING et la liaison de l’E2 (22,298). Dans ce cas, un hétérodimère TRIM17/TRIM28 serait catalytiquement inactif et l’interaction entre TRIM28 et BCL2A1 pourrait être affectée.

De façon intéressante, nous avons aussi montré que TRIM17 interagit à la fois avec TRIM28 et BCL2A1, suggérant que ces trois hypothèses ne sont probablement pas mutuellement exclusives.

Afin de faire la lumière sur ce mécanisme, des expériences de « peptides array » sont en cours de réalisation au laboratoire afin de cartographier précisément les sites de fixation entre TRIM28, TRIM17 et BCL2A1. La génération de mutants spécifiques incapables d’interagir avec l’un ou l’autre des partenaires devrait nous permettre d’élucider les mécanismes en jeu. Cependant, l’implication de TRIM17 dans la régulation de la stabilité de BCL2A1 pourrait être un peu plus complexe. Des expériences préliminaires de co-immunoprécipitations in vitro (GST- pull down) utilisant des protéines recombinantes His-BCL2A1ΔC, GST-TRIM28(RBCC) et His-TRIM17 montrent qu’en absence de TRIM17, BCL2A1ΔC n’interagit pas avec TRIM28 (RBCC). Cependant, l’introduction d’une faible quantité de His-TRIM17 permet une interaction forte entre TRIM28(RBCC) et BCL2A1ΔC, alors qu’une quantité élevée de TRIM17 rompt l’interaction entre TRIM28 et BCL2A1ΔC comme nous l’avions observé dans les expériences

168 de transfection en cellules (Figure 54). Ces résultats suggèreraient que TRIM17 favorise l’interaction entre BCL2A1 et TRIM28 mais qu’au-delà d’un certain seuil, TRIM17 interagit préférentiellement avec TRIM28 et inhibe l’interaction entre BCL2A1 et TRIM28.

Figure 54 : Co-immunoprécipitation in vitro de GST-TRIM28 en présence de TRIM17 et BCL2A1∆C

S’il est confirmé, cet effet seuil pourrait avoir des implications physiologiques sur le modus

operandi de TRIM17. En effet, en conditions basales, TRIM17 est très faiblement exprimé dans

les cellules si bien que son niveau d’expression est souvent sous le seuil de détection de nombreuses puces génomiques de type affymetrix. Si l’on peut extrapoler les résultats d’interaction in vitro à ce qui se passe en cellules, cette faible expression de TRIM17 favoriserait l’interaction de TRIM28 avec BCL2A1 et in fine l’ubiquitination et la dégradation de BCL2A1. Cependant, une induction de TRIM17 en réponse à des stress apoptotiques a été observée dans plusieurs études (290,343). Dans ce contexte, TRIM17 pourrait favoriser la

169 survie des cellules en réponse à un stress toxique en stabilisant BCL2A1.Ainsi, cibler TRIM17, dans des conditions où BCL2A1 est fortement exprimé, pourrait représenter une stratégie pertinente pour inhiber l’activité anti-apoptotique de BCL2A1.

Etonnamment, le fait que TRIM17 inhibe l’interaction entre une E3 ligase de la famille TRIM et son substrat ne semble pas être un mode d’action isolé ; ainsi, notre équipe montre actuellement que TRIM17 stabilise des facteurs de transcription NFATC3 et NFATC4 en inhibant leurs interactions avec l’E3 ubiquitine-ligase TRIM39 (résultats non publiés). De la même façon, TRIM41 est une E3 ubiquitine-ligase pour le facteur de transcription ZSCAN21 (impliqué dans la maladie de Parkinson), TRIM17 stabilisant ZSCAN21 en interrompant partiellement son interaction avec TRIM41 (Lassot et al., en révision).

E TRIM28/TRIM17 représente un rhéostat moléculaire pour contrôler la