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Régulation de l’activité des membres de la famille IL-1 par les protéases

I- L’INFLAMMATION : SIGNAUX DE DANGER, CYTOKINES IL-1 ET PROTEASES INFLAMMATOIRES

3. LES PROTEASES EN TANT QUE REGULATEURS DE LA REPONSE IMMUNE

3.3. Régulation de l’activité des membres de la famille IL-1 par les protéases

Les membres de la famille IL-1 sont produits sous formes de pro-peptide contenant un domaine N-terminal en amont du domaine de type IL-1. Si certains membres de la famille comme l’IL-1β et l’IL-18 nécessitent la perte de la partie amino-terminale (N-ter) pour activer leur récepteur, d’autres comme l’IL-1α et l’IL-33 sont actifs sous leur forme entière.

3.3.1. Clivage de l’IL1-β et l’IL-18 par la caspase-1

Le mécanisme de clivage et d’activation de l’IL1-β et de l’IL-18 le plus décrit est celui dépendant de l’inflammasome et de la caspase-1. L’IL-1β et l’IL-18 sont synthétisées sous la forme de précurseurs inactifs de 31kDa et 24 kDa respectivement et la caspase-1 clive ces précurseurs après l’acide aspartique D116 et D35 respectivement, générant les formes actives de 17 et 18 kDa contenant le domaine de type IL-1 (Ghayur et al., 1997; Thornberry et al., 1992). Le clivage nécessite deux stimuli différents :

- l’activation des TLRs à la membrane qui permet la production des cytokines sous leur forme entière (précurseur)

- l’activation de l’inflammasome qui va permettre l’activation de la caspase-1. Nous avons vu précédemment les différents signaux capables de stimuler l’inflammasome : ils aboutissent à

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l’activation des NLRs (NOD Like Receptors) présents dans le cytosol et peuvent être des signaux de danger d’origine bactérienne ou virale (LPS, flagellin, anthrax, ARN, ADN,…) ou endogènes (ATP, acide urique,…).

Le clivage de l’IL-1β ou de l’IL-18 par la caspase-1 a lieu dans le cytoplasme ou les lysosomes des monocytes et macrophages. Ainsi, de nombreuses maladies auto-inflammatoires sont liées à des mutations dans les protéines de l’inflammasome comme par exemple les cryopyrinopathies (urticaire familiale au froid, syndrome de Muckle-Wells, syndrome chronique infantile neurologique cutané et articulaire ou CINCA). Des mutations dans le gène de NLRP3 conduisent ainsi à une auto-activation de l’inflammasome ainsi qu’une activation et une sécrétion de l'IL-1β anormalement élevée (Yu et al., 2006). Une étude montre cependant que dans les monocytes, l’activation seule des TLRs permet la sécrétion de l’IL-1β, car l’activation de la caspase-1 y est constitutive, ne requérant pas l’activation de l’inflammasome comme dans les macrophages (Netea et al., 2009).

Figure 15 Mécanismes d'activation des inflammasomes et de la caspase-1 - (Rathinam et al., 2012). Le NLRP3 est activé

par 3 évènements cellulaires : activation des récepteurs purinergiques et efflux de potassium, génération des ROS ou déstabilisation du phagolysosome et libération de molécules dans le cytosol. Le NLRP1 est activé par l’anthrax, une toxine bactérienne, le NLRC4 est activée par les protéines NAIP associées à leur ligand (flagelline ou PrgJ, un composant du système de sécrétion bactérien T3SS). L’activation entraîne l’association de l’adaptateur ASC et l’activation de la caspase-1.

Si l’inactivation de la caspase-1 dans certains modèles murins d’inflammation entraîne une inhibition de l’activité de l’IL-1β, les effets observés sont moindres que ceux obtenus dans les souris déficientes pour l’IL-1β. Si l’inflammation induite par l’injection de zymosane est affectée de façon similaire par la déplétion de la caspase-1 ou de l’IL-1β, elle ne l’est pas dans un autre modèle d’inflammation par injection sous cutanée de térébenthine. Ainsi les souris caspase-1 KO répondent de la même manière que les souris sauvages, contrairement aux souris IL-1β KO dans lesquelles

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l’inflammation est significativement diminuée (Fantuzzi et al., 1997). Dans le cas de l’injection de térébenthine, l’activation des cytokines IL-1 est liée à des dommages tissulaires entraînant la libération des cytokines par les monocytes ou macrophages et permettant un clivage extracellulaire.

In vitro, la libération d’IL-1β par des monocytes stimulés avec du LPS associé à de l’ATP peut en effet

avoir lieu en présence d’inhibiteurs de la caspase-1 mais on retrouve dans ce cas uniquement la forme pleine taille dans le surnageant des cellules (Mehta et al., 2001). Ces résultats suggèrent qu’un clivage extracellulaire indépendant de la caspase-1 permet d’activer l’IL-1β ou l’IL-18.

De même pour l’IL-18, les souris déficientes pour l’IL-18 mais pas pour la caspase-1 sont protégées des lésions hépatiques aigües induites par l’injection de FasL recombinant chez des souris infectées au préalable par des bactéries (Tsutsui et al., 1999).

3.3.2. Clivage de l’IL1-β et l’IL-18 indépendant de la caspase-1

Bien que la caspase-1 soit essentielle dans le clivage de l’IL-1β ou l’IL-18 dans les macrophages, des mécanismes impliquant d’autres protéases ont été décrits qui permettent le clivage de ces cytokines. L’IL-1β peut aussi être clivée par les protéases à sérine à différents sites générant des peptides actifs similaires à ceux générés par la caspase-1.

Les protéases des neutrophiles : la cathepsine G et l’élastase clivent in vitro l’IL-1β

recombinante après l’acide aminé Y113 et I103 respectivement, générant des fragments actifs capables de stimuler une lignée lymphocytaire (Hazuda et al., 1990). La protéinase-3 est également capable de cliver l’IL-1β et de générer un fragment actif (Joosten et al., 2009), et s’est révélée être la protéine majeure des neutrophiles responsable du clivage de l’IL-1β dans un système de coculture de monocytes avec des neutrophiles (Coeshott et al., 1999). Le clivage de l’IL-1β peut également avoir lieu intracellulairement dans les neutrophiles comme le montre l’inhibition du clivage par un inhibiteur intracellulaire (Greten et al., 2007).

Les protéases des mastocytes : la chymase clive l’IL-1β in vitro générant le même fragment

que celui généré par la cathepsine G après l’acide aminé Y113. Ce fragment a une activité similaire à la forme générée par la caspase-1 (Mizutani et al., 1991).

Les protéases des cellules cytotoxiques : une étude décrit le clivage in vitro de l’IL-1β par le

granzyme A (mais pas par le granzyme B), après l’acide aminé R120. Le produit de clivage est actif bien que un peu moins que le fragment 117-269 généré par la caspase-1 (Irmler et al., 1995).

Les métalloprotéases : la MMP-9 (gélatinase B), la MMP-3 (stromelysine) et dans une

moindre mesure la MMP-2 (gélatinase A) peuvent aussi générer des fragments actifs de l’IL-1β. Une incubation longue de la forme mature avec les métalloprotéases peut cependant entraîner la dégradation de la cytokine, suggérant un rôle dans une activation ponctuelle limitée dans le temps (Ito et al., 1996).

Autres protéases : l’IL-1β peut également être activée par une protéase à sérine de

l’épiderme, KLK7 (Nylander-Lundqvist and Egelrud, 1997) et des protéases de Staphylococcus Aureus qui clivent l’IL-1β après l’acide aminé E111. La chymotrypsine et la trypsine génèrent enfin des fragments à partir des acides aminés 114 et 76-77 respectivement (Black et al., 1988).

Les sites de clivage, tous à proximité du site de la caspase-1 permettent donc de générer un fragment actif de l’IL-1β (Figure 16). Il semble que des peptides plus grands possèdent une activité réduite comme c’est le cas pour les fragments 71-269 ou 77-269 générés par la trypsine (Dinarello et al., 1986).

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Même si la majorité de ces études ont été réalisées in vitro avec des protéases recombinantes, des fragments de mêmes tailles peuvent être générés avec des fluides synoviaux de patients atteints d’arthrite ou avec les lavages bronchoalvéolaires de patients atteints de sarcoïdose (Hazuda et al., 1990).

La relevance in vivo du clivage par ces protéases inflammatoires, notamment celles des mastocytes et des neutrophiles est démontrée dans des modèles murins d’arthrite dans lesquels des formes clivées de l’IL-1β sont observées dans le lysat cellulaire en absence de la caspase-1 mais ne le sont plus lorsque les souris sont traitées avec des inhibiteurs d’élastase ou de la chymase (Guma et al., 2009; Joosten et al., 2009). Les neutrophiles et mastocytes sont capables de libérer l’IL-1β et l’IL- 18 et les souris déficientes en caspase-1 et en DPPI, l’enzyme qui permet d’activer les protéases à sérine, ne sont plus capables de générer de l’IL-1β actif pendant le développement de l’arthrite. Les souris n’exprimant pas la MMP, la cathepsine G et l’élastase ne montrent pas d’implication de ces protéases dans le modèle, indiquant que la protéinase-3 serait la protéase à sérine responsable du clivage de l’IL-1β dans ces conditions. Les auteurs suggèrent que les différentes protéases seraient nécessaires aux différentes étapes du développement de l’arthrite : durant la phase aigüe, les neutrophiles jouent un rôle important, laissant la place aux macrophages durant la phase chronique. Le clivage de l’IL-1β dépendrait donc dans les premières étapes des protéases des neutrophiles puis de la caspase-1 des macrophages.

D’une manière similaire, l’IL-18 peut être clivée par la chymase des mastocytes après l’acide aminé F56 (Omoto et al., 2006) et par le granzyme B générant le même fragment que la caspase-1 au niveau de l’acide aminé D35 (Omoto et al., 2010).

Figure 16. Clivage des membres de la famille IL-1. Diverses protéases sont capables de cliver et d’activer l’IL-18, l’IL-1β et

l’IL-1α. Les protéases activant les cytokines sont soulignées. La caspase-1, activée par l’inflammasome, clive l’IL-1β et l’IL-18 intracellulairement dans les monocytes ou macrophages alors que les protéases des neutrophiles (en vert), des mastocytes (en bleu) ou des cellules cytotoxiques (en violet) clivent les prodomaines une fois libérés dans le milieu extracellulaire. Les MMPs 3 et 9 clivent l’IL-1β et la calpaïne l’IL-1α. Les sites de clivages en amont du domaine de type IL-1 sont indiqués. Sous le domaine C-terminal le premier acide aminé du premier brin β est indiqué.

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3.3.3. Clivage de l’IL1-α

L’IL-1α n’est pas clivée par la caspase-1 (Howard et al., 1991) et contrairement à l’IL-1β et à l’IL-18 elle peut être active sous sa forme entière de 31kDa (Mosley et al., 1987). Bien que l’IL-1α de pleine taille possède une activité biologique, la protéine peut également être soumise au clivage par différentes protéases.

La calpaïne est capable de cliver l’IL-1α au niveau de l’acide aminé F118 et la forme générée de 17 kDa peut être générée dans des cellules dans lesquelles l’entrée de calcium a été stimulée (Carruth et al., 1991; Kavita and Mizel, 1995; Kobayashi et al., 1990). L’effet du clivage par la calpaïne sur l’activité biologique de l’IL-1α n’a cependant pas été étudié dans ces premières études. Si la calpaïne ne clive pas l’IL-1β, l’entrée de calcium intracellulaire est tout de même importante pour sa libération par les macrophages et monocytes.

Plus récemment l’équipe de Seamus Martin en Irlande a révélé d’autres mécanismes de protéolyse de l’IL-1α : l’activation de l’IL-1α par la calpaïne est confirmée, mais cette activation est également observée avec l’élastase, la chymase et le granzyme B. Ces enzymes sont toutes capables de cliver la cytokine et d’augmenter son activité biologique d’un facteur 5 à 10 environ. Les sites de clivage prédits se situent en amont du domaine de type IL-1 (Figure 16). Le clivage est également observé avec des lignées de cellules tueuses NK et avec des lavages bronchoalvéolaires de patients atteints de maladies inflammatoires (fibrose cystique, COPD, bronchiectasie) suggérant que des protéases capables de générer les formes matures de l’IL-1α sont sécrétées dans le milieu extracellulaire en conditions inflammatoires (Afonina et al., 2011).

3.3.4. Clivage de l’IL-36 et l’IL-37

IL-36 α, β et γ sont capables d’induire une réponse inflammatoire sous leur forme pleine taille mais des fragments ne contenant plus le domaine N-terminal montrent une activité beaucoup plus élevée grâce à une meilleure liaison avec le récepteur. Les protéases pouvant générer ces fragments sont cependant encore inconnues même si la caspase-1 n’est probablement pas impliquée compte tenu de l’absence d’un site consensus dans la région clivée (Towne et al., 2011).

Les cinq isoformes de l’IL-37 sont synthétisées sous forme d’un propeptide. La caspase-1 est capable d’activer l’isoforme IL-37b la plus abondante, clivant la protéine après l’acide aminé D20 (Kumar et al., 2002), ce site étant conservé par toutes les autres isoformes sauf l’IL17a. La caspase-1 n’est probablement pas l’unique protéase capable de cliver l’IL-37 car un fragment dont la séquence peptidique débute avec l’acide aminé V46 a été identifié dans des cellules transfectées avec la forme pleine taille (Pan et al., 2001).

La question de l’activation de l’IL-33 fait l’objet de cette étude et sera rediscutée à partir du paragraphe II-4.2.3 (page 91).

47 II.1) L’interleukine-33 et son récepteur ST2