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Régression du co-phénotype glutamatergique des neurones à dopamine chez le

Chapitre 4 – Discussion générale

2 Régression du co-phénotype glutamatergique des neurones à dopamine chez le

2.1 Rappel des principaux résultats

Ayant initialement observé une régression de la co-expression de l’ARNm de la TH et du Vglut2 dans le mésencéphale ventral du raton aux stades embryonnaires tardifs et durant la période néonatale, puis démontré la co-localisation de ces deux protéines dans les terminaisons axonales du NAC chez le raton de 15 jours, il nous est apparu nécessaire de déterminer le devenir du double phénotype à l’âge adulte. À cette fin, des doubles hybridations in situ, ainsi que des doubles marquages immunocytochimiques pour la TH et VGLUT2 ont été effectués chez des rats adultes soumis ou non à la lésion 6-OHDA néonatale. Chez l’adulte témoin ou 6-OHDA lésé, très peu de neurones exprimant à la fois l’ARNm de TH et celui deVglut2 dans l’ATV et la SNc ont été détectés. Aucune terminaison axonale doublement marquée pour la TH et VGLUT2 n’a été détectée dans le NAC du rat adulte normal, alors que celles-ci représentaient 28% de toutes les varicosités TH de ce noyau à P15. Chez le rat adulte lésé à la 6-OHDA, nous n’avons trouvé qu’un très petit nombre de terminaisons doublement marquées dans le NAC, contrairement au 37% des terminaisons résiduelles TH précédemment trouvé dans ce noyau à P15. De la même façon, alors que 17% des terminaisons TH du NS du rat témoin et 46% de celles de la néoinnervation DA de la SN du rat 6-OHDA lésé étaient aussi immunomarquées pour le VGLUT2 à l’âge de 15 jours, aucune terminaison doublement marquée n’a été retrouvée dans ces deux régions à l’âge adulte. Dans chaque région, il a été aussi noté que toutes les terminaisons doublement marquées étaient munies de complexes de jonction membranaire synaptique, contrairement à celles marquées pour la TH seule chez le raton et l’adulte ou pour VGLUT2 seul chez le raton de 15 jours.

2.2 Implications fonctionnelles

Étant donné l’expression précoce de l’ARNm de Vglut2 dans les neurones mésencéphaliques DA au cours de la période embryonnaire, la répression de cette expression juste avant la naissance puis durant la période postnatale, ainsi que la régression du double phénotype TH/VGLUT2 dans les terminaisons axonales des neurones DA chez le rat adulte, il semble des plus probables que la libération de

glutamate par les neurones DA joue un rôle déterminant au cours du développement de ces neurones. Sans avoir tout compris des signaux moléculaires qui activent le double phénotype lors du développement post-natal (ou par suite d’une lésion) et l’inactivent chez adulte, on sait déjà que l’expression de Vglut2 est inhibée in vitro lorsque les neurones DA en culture entrent en contact avec des neurones GABA (Mendez et coll., 2008). De plus, des études en cours montrent que l’application d’antagonistes des récepteurs NMDA réduit de façon significative la survie de neurones DA mis en culture alors que le knockout conditionnel du gène Vglut2 chez la souris s’accompagne d’une réduction de la croissance et la survie des neurones DA mésencéphaliques tant en culture que chez l’animal, diminue la densité des innervations DA et glutamatergique ainsi que la libération de DA dans le noyau accumbens de la souris adulte, et affecte le comportement moteur de l’animal (Fortin et coll., soumis).

L’observation montrant que les neurones DA du mésencéphale du rat adulte soient pourvus de terminaisons axonales pour un tiers synaptiques et pour les deux tiers asynaptiques (Descarries et coll., 1996) soulève la question de ce qui distingue fonctionnellement les deux types de varicosités. Trudeau avait déjà formulé l’hypothèse voulant que le glutamate libéré par les neurones DA le soit à partir de leurs terminaisons pourvues de jonctions synaptiques (Trudeau, 2004). Le fait que toutes les varicosités présentant le double phénotype TH/VGLUT2 soient munies d’un complexe de jonction synaptique chez le rat de 15 jours semble favoriser cette hypothèse. Par contre, le double phénotype régresse avec l’âge, tandis qu’une spécialisation membranaire synaptique persiste sur le tiers des terminaisons DA du striatum. Serait-ce que le double phénotype soit d’une importance particulière lors de la formation de ces varicosités synaptiques, plutôt que du maintien de cette caractéristique morphologique? À moins que ces neurones DA ne soient progressivement le siège d’une ségrégation de la TH et de VGLUT2 dans des branches ou des varicosités différentes de leur arborisation axonale. En microculture d’un seul neurone DA, la majorité des varicosités TH apparait aussi immunofluorescente pour VGLUT2, mais certaines varicosités TH immunonégatives pour VGLUT2 sont observées près du corps cellulaire (Dal Bo et coll., 2004). La question est cruciale, en raison des conséquences fonctionnelles que pourraient signifier l’une ou l’autre configuration. Il faudra bien trouver le moyen d’y répondre expérimentalement, même si cela s’avère difficile.

La présence des VGLUT dans des terminaisons axonales traditionnellement associées à la libération d’un autre neurotransmetteur amène aussi son lot de questions au plan neurobiologique (voir en autres Marder, 1999; El Mestikawy et coll., 2011). Lorsque les deux transmetteurs coexistent dans une même terminaison, sont-ils présents dans les mêmes vésicules synaptiques ou dans des vésicules synaptiques différentes? La résolution présentement obtenue en microscopie électronique limite la capacité de répondre à cette question. Dans le cas de la colocalisation de VGLUT3 dans les interneurones cholinergiques du néostriatum, un rôle de synergie vésiculaire a été proposé à l’effet que la présence du transporteur glutamatergique permette le stockage (et donc la libération) d’une quantité accrue d’acétylcholine dans les vésicules synaptiques de ces neurones (Gras et coll., 2008). Une étude récente a déjà suggéré qu’il puisse en être de même dans le cas de la coexistence de VGLUT2 dans les neurones DA (Hnasko et coll., 2010). Cependant, il faut noter que notre observation d’une absence de colocalisation de la TH et de VGLUT2 dans les terminaisons axonales dopaminergiques chez l’adulte n’est pas compatible avec l’idée d’une synergie vésiculaire via VGLUT2 dans ces terminaisons.

Advenant que le glutamate et la DA soient libérés à partir des mêmes varicosités, on peut aussi se demander si les deux transmetteurs sont co-libérés lors de l’arrivée d’un même potentiel d’action ou si certains mécanismes régulent la libération de l’un plutôt que l’autre transmetteur. En Introduction, nous avons déjà mentionné la possibilité que le double phénotype des neurones DA rende compte de l’émission d’un signal rapide (glutamatergique) suivie d’un signal modulateur plus lent (dopaminergique) (Lapish et coll., 2006; Lapish et coll., 2007). De plus, la double nature de la neurotransmission DA, tonique ou phasique, pourrait être à l’origine d’une régulation différentielle de la libération de glutamate et de celle de la DA par les terminaisons axonales de ces neurones (Trudeau, 2004). Ainsi, lors de décharges toniques à basse fréquence, alors que la libération de DA est réduite, le glutamate pourrait être prédominant. À l’inverse, lors des décharges en bouffée, de plus haute fréquence, la transmission dopaminergique serait favorisée. On conçoit que ces propriétés fonctionnelles prendraient une toute autre signification s’il fallait que le VGLUT2 et la TH se trouvent séquestrés dans des terminaisons axonales différentes des mêmes neurones. Les mécanismes du ciblage différentiel des deux protéines devraient alors être étudiés.