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Chapitre 1 – Introduction générale

2 Glutamate

2.2 La neurotransmission glutamatergique

Le glutamate engendre une réponse excitatrice sous forme de potentiel post- synaptique excitateur (PPSE ou EPSP, Excitatory Post-Synaptic Potential). Toutefois, étant donné la variété des réponses engendrées par le glutamate, nous nous contenterons ici d’une description très succincte de ses propriétés électrophysiologiques de base.

Lors d’une transmission synaptique faible, ou à basse fréquence, le glutamate va se lier à la fois aux récepteurs AMPA/kaïnate et NMDA, mais ne pourra activer que les récepteurs AMPA/kaïnate, qui feront entrer des ions sodium (Na+) dans le neurone post- synaptique. Les récepteurs NMDA ne sont activés que si le potentiel de membrane est suffisamment dépolarisé, car la présence d’un ion magnésium (Mg2+) bloque leur canal transmembranaire. Lors d’une transmission synaptique à haute fréquence, les récepteurs AMPA/kaïnate sont recrutés en plus grand nombre et le potentiel de membrane se dépolarise. L’ion Mg2+ est alors expulsé du canal NMDA, ce qui permet au récepteur de s’activer, laissant maintenant passer les ions Na+ et calcium (Ca2+).

2.2.2 La potentialisation à long terme

L’entrée massive de calcium dans le neurone post-synaptique est à l’origine du phénomène décrit sous le vocable de potentialisation à long terme (PLT ou LTP, Long Term Potentiation). Ainsi, l’activité synaptique brève mais soutenue d’un neurone glutamatergique sur une dendrite peut provoquer un accroissement durable de l’efficacité synaptique de cette synapse. L’étude de la PTL débuta dans les années 1970, avec la découverte qu’une stimulation électrique à haute fréquence de l’hippocampe de lapin pouvait entraîner une augmentation de la transmission synaptique pendant quelques jours, voir des semaines (Bliss et Gardner-Medwin, 1973; Bliss et Lomo, 1973). Depuis, plusieurs mécanismes moléculaires ont été impliqués. Par exemple, l’activation des récepteurs NMDA et l’entrée de Ca2+ permettrait l’activation des

protéines kinases Ca2+/calmoduline dépendante (CaMK II et IV) et de la Mitogen-

Activated Protein Kinase (MAPK) (Miyamoto, 2006). L’activation de la protéine kinase C (PKC) a aussi été impliquée dans la PLT (Angenstein et Staak, 1997; Van der Zee et coll., 1997).

glutamate semblerait nécessaire pour la formation d’un souvenir durable (Ng et coll., 1997). Plusieurs groupes ont en effet établis un lien entre la PLT et la mémoire, via la plasticité synaptique (Peng et coll., 2011). Ainsi, l’activation des récepteurs métabotropiques mGluR apparaît-elle essentielle pour l’induction et le maintien de la PLT de l’hippocampe à la fois dans des préparations in vitro et in vivo (Riedel et Reymann, 1996; Gravius et coll., 2010). La régulation du nombre et l’activité des récepteurs AMPA à la synapse glutamatergique sous-tend la PLT (Malinow et Malenka, 2002; Bredt et Nicoll, 2003; Collingridge et coll., 2004). Même si la plupart des études portent sur l’hippocampe, il faut souligner que la PLT est aussi présente dans diverses régions, dont le striatum (Lovinger, 2010). Dans l’amygdale, par exemple, la consolidation des apprentissages avec composantes émotionnelles nécessite la synthèse protéique engendrée par la PLT (Nader et coll., 2000).

2.2.3 Une dysfonction de la transmission glutamatergique : l’excitotoxicité

Étant donné la prédominance du glutamate dans le SNC, il n’est pas étonnant que ce neurotransmetteur soit mis en cause dans plusieurs pathologies. Dans le cadre du présent travail, cependant, nous nous contenterons de mentionner, à titre d’exemple, les accidents vasculaires cérébraux, où de nombreuses données renforcent l’hypothèse de l’excitotoxicité en tant que mécanisme pathophysiologique.

La concentration de glutamate peut être relativement élevée dans la fente synaptique, mais le glutamate est normalement éliminé très rapidement par des transporteurs à haute affinité. Par contre, lorsque les neurones sont fortement stimulés, le glutamate peut s’accumuler dans l’espace extracellulaire et activer de façon excessive ses récepteurs post-synaptiques. Ainsi, la transmission synaptique excitatrice est maintenue sur une longue durée, ce qui peut détruire les neurones par sur-stimulation, un concept nommé excitotoxicité. L’excitotoxicité du glutamate a été découverte par hasard, lorsque du glutamate de sodium a été ajouté à la nourriture de souriceaux entrainant une destruction des neurones de la rétine (Lucas et Newhouse, 1957). Quelques années plus tard, des études ont démontré que cette perte de neurones survenait non seulement dans la rétine, mais aussi dans de nombreuses autres régions du SNC (Olney, 1969, 1971). Lors d’accidents cérébrovasculaires, l’ischémie (arrêt ou diminution de l’apport sanguin) et l’hypoxie (réduction de la disponibilité en oxygène)

et la libération excessive de glutamate. Un cercle vicieux serait ainsi engagé par la dépolarisation soutenue, la libération neuronale de glutamate, l’activation constante des récepteurs glutamatergiques et éventuellement la mort neuronale par excitotoxicité (Dreier, 2011).

2.2.4 Un rôle du glutamate au cours du développement?

Au cours des vingt dernières années, diverses données sont venues appuyer l’hypothèse d’un rôle possible du glutamate, sinon de la transmission glutamatergique, au cours du développement du SNC. Ainsi, des études in vitro, en cultures de neurones, ont démontré des effets du glutamate sur la croissance axonale. Tandis qu’une forte concentration de glutamate semble ralentir la croissance axonale dans des cultures de neurones hippocampiques (Mattson et coll., 1988; Brewer et Cotman, 1989; McKinney et coll., 1999), la formation de nouvelles neurites par les neurones embryonnaires spinaux de xénopes in vivo dépendrait d’un gradient de concentration croissante du glutamate (Zheng et coll., 1996). La stimulation locale des récepteurs AMPA/kaïnate pré-synaptique contribuerait à la motilité des terminaisons axonales et des cônes de croissance de neurones hippocampiques en culture ou en tranche (Chang et De Camilli, 2001; De Paola et coll., 2003; Tashiro et coll., 2003; Ibarretxe et coll., 2007). Lors de la croissance des axones, le glutamate pourrait être libéré aux site de pause des granules transportant des protéines impliquées dans la transmission synaptique, contribuant ainsi à la formation des complexes de jonction par son action inhibitrice sur la motilité des filopodes dendritiques (Sabo et coll., 2006). Le glutamate pourrait également favoriser la survie neuronale par la production rétrograde et la relâche de facteurs neurotrophiques, tel que le Brain-Derived Neurotrophic Factor (BDNF) (Lin et coll., 1993; Ho et coll., 1995; Hartmann et coll., 2001).