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Chapitre 1 – Introduction générale

2 Glutamate

2.3 Les transporteurs vésiculaires du glutamate

2.3.1 Le problème de l’identification des neurones glutamatergiques

Contrairement aux neurones DA, les neurones glutamatergiques ne sont pas regroupés en noyaux, mais plutôt dispersés dans la plupart des régions du SNC. Pendant longtemps, la connaissance de ces neurones a reposé sur la mise en évidence de réponses excitatrices rapides détectées en électrophysiologie, ou l’effet de lésions cytotoxiques spécifiques. L’existence de neurones à glutamate locaux et de diverses voies de

si l’on pouvait supposer que plusieurs populations neuronales utilisaient le glutamate comme neurotransmetteur, l’ubiquité même de leur distribution et les propriétés métaboliques du glutamate compliquaient l’identification spécifique de ces neurones (Fonnum, 1984; Broman et coll., 2003).

Les premiers travaux de visualisation immunocytochimique des neurones glutamatergiques ont eu recours à des anticorps dirigés contre le glutamate lui-même (Storm-Mathisen et coll., 1983; Ottersen et Storm-Mathisen, 1984; Storm-Mathisen et Ottersen, 1990; Sulzer et coll., 1998), ou contre la glutaminase dépendante du phosphate, une enzyme impliquée dans la biosynthèse du glutamate (Kaneko et coll., 1990). Étant donné que le glutamate est un acide aminé qui est présent dans toutes les cellules, il était difficile de distinguer son rôle en tant que métabolite de celui de neurotransmetteur, et risqué d’utiliser de tels anticorps pour identifier les neurones glutamatergiques.

On sait aussi depuis plus de 30 ans que le glutamate est enrichi dans les vésicules synaptiques (Disbrow et coll., 1982; Storm-Mathisen et coll., 1983), mais l’identification et la caractérisation des transporteurs vésiculaires qui y permettent son accumulation a été lente à venir. Nous verrons que grâce à la découverte récente de ces transporteurs (Ni et coll., 1994; Takamori et coll., 2000), le problème de l’identification des neurones glutamatergiques est maintenant essentiellement résolu, de nombreuses données antérieures ont pu être confirmées et nos connaissances du phénotype de ces neurones considérablement enrichies.

2.3.2 Identification et distribution des transporteurs vésiculaires du glutamate Au départ identifié comme Brain Na+-Dependent Inorganic Phosphate Co- transporter (BNPI) (Ni et coll., 1994), VGLUT1 est présent en grande concentration dans les vésicules synaptiques de neurones déjà connus comme glutamatergiques, de telle sorte qu’il a été renommé transporteur vésiculaire du glutamate (Bellocchio et coll., 1998; Bellocchio et coll., 2000; Takamori et coll., 2000). La distribution de l’expression (ARNm) de Vglut1 semble cependant confinée à une sous-population de neurones du néocortex, de l’hippocampe et du cortex cérébelleux, si bien que l’absence de VGLUT1 dans les régions sous-corticales laissait supposer l’existence d’un second transporteur vésiculaire du glutamate (Ni et coll., 1995).

initialement nommé Differentiation-Associated Na+-Dependent Inorganic Phosphate Transporter (DNPI), en raison de son homologie (92%) avec la protéine humaine BNPI/VGLUT1 (Aihara et coll., 2000; Bai et coll., 2001; Fremeau et coll., 2001; Hayashi et coll., 2001; Herzog et coll., 2001; Takamori et coll., 2001; Varoqui et coll., 2002). L’expression de Vglut2 est fortement enrichie dans les régions sous-corticales, notamment le diencéphale et autres noyaux sous-corticaux, les noyaux cérébelleux profonds et le tronc cérébral (Hisano et coll., 2000; Bai et coll., 2001; Fremeau et coll., 2001; Herzog et coll., 2001) et apparaît donc généralement complémentaire de celle de Vglut1.

Finalement, un troisième transporteur, VGLUT3, a été découvert en 2002 (Fremeau et coll., 2002; Gras et coll., 2002; Schafer et coll., 2002; Takamori et coll., 2002). Bien que VGLUT3 partage les mêmes caractéristiques structurales et fonctionnelles que VGLUT1 et VGLUT2, il diffère de ceux-ci par sa distribution en bonne partie restreinte à des populations neuronales n’ayant jamais été auparavant considérées comme glutamatergiques : les neurones à sérotonine du raphé dorsal, les neurones à acétylcholine (ACh) du striatum dorsal et ventral, ainsi qu’une sous-classe d’interneurones GABA du cortex cérébral et de l’hippocampe (Gras et coll., 2002; Schafer et coll., 2002; Herzog et coll., 2004a; Somogyi et coll., 2004). De plus, certains sous-groupes de neurones qu’on pourrait qualifier de principalement glutamatergiques expriment aussi Vglut3 (et/ou contiennent la protéine), notamment dans le raphé, l’habenula, l’hypothalamus, les tubercules olfactifs et la cochlée (cellules ciliées internes) (Gras et coll., 2002; Herzog et coll., 2004a; Ruel et coll., 2008; Seal et coll., 2008; Commons, 2009; Jackson et coll., 2009).

Il est à noter que la surexpression de Vglut1 dans des lignées cellulaires ou des cultures de neurones GABAergiques permet à ces cellules de libérer le glutamate, ce qui démontre bien que la présence du transporteur est nécessaire et suffisante pour que le glutamate soit accumulé dans les vésicules synaptiques et subséquemment libéré (Bellocchio et coll., 2000; Takamori et coll., 2000). De plus, les propriétés physiologiques des trois VGLUT correspondent à celles précédemment attribuées au premier transport vésiculaire du glutamate, soit : 1) une affinité pour le glutamate de l’ordre du millimolaire, 2) l’incapacité de reconnaître et transporter l’aspartate, la glutamine ou le GABA, 3) une dépendance au gradient de protons, 4) une dépendance à

biphasique au chlorure (Disbrow et coll., 1982; Naito et Ueda, 1985).

Dans ces conditions, on peut en conclure que la visualisation d’un transporteur vésiculaire du glutamate dans un neurone permet l’identification formelle de ce neurone comme glutamatergique, c’est-à-dire comme neurone utilisant le glutamate comme neurotransmetteur.

2.3.3 Les transporteurs vésiculaires du glutamate au cours du développement Alors que Vglut1 semble peu exprimé lors du développement prénatal du rat et de la souris, son expression augmente graduellement après la naissance pour éventuellement prédominer sur celle des deux autres transporteurs (Boulland et coll., 2004; Nakamura et coll., 2005). À l’inverse, l’expression de Vglut2 est forte à la naissance (Boulland et coll., 2004), mais diminue avec l’âge, alors que l’expression de Vglut3 augmente au cours du développement post-natal (Boulland et coll., 2004; Nakamura et coll., 2005). Dans certaines populations neuronales, il semble y avoir coexistence transitoire de Vglut1 et Vglut2 dans les mêmes terminaisons axonales lors du développement post-natal (Hioki et coll., 2003; Boulland et coll., 2004; Fremeau et coll., 2004; Wojcik et coll., 2004; Nakamura et coll., 2005).

2.3.4 L’invalidation génique des transporteurs vésiculaires du glutamate

La découverte des trois transporteurs vésiculaires du glutamate a non seulement permis l’identification formelle des neurones glutamatergiques dans le SNC, mais aussi d’étudier les conséquences de l’absence de chacun de ces transporteurs chez des souris dont le gène correspondant avait été invalidé dès la conception (knockout, KO). L’invalidation de Vglut1 n’est pas fatale à la naissance, mais seulement après la période de sevrage (Fremeau et coll., 2004; Wojcik et coll., 2004). Comme nous l’avons déjà dit, la quantité d’ARNm de Vglut1 est faible à la naissance et augmente par la suite, pour atteindre un plateau à 2 semaines de vie chez la souris (Boulland et coll., 2004). Par contre, dans le cas de Vglut2, dont l’expression est forte au cours du développement embryonnaire et de la période post-natale avant de diminuer par la suite (Boulland et coll., 2004; Nakamura et coll., 2005), les souris KO meurent à la naissance, en raison d’une incapacité respiratoire (Moechars et coll., 2006; Wallén-Mackenzie et coll., 2006). Les souris dont le gène Vglut3 est invalidé ne présentent pas de dysfonctions motrices majeures (Gras et coll., 2008; Seal et coll., 2008), mais elles sont profondément sourdes

2008).