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3. Revue de littérature

3.3. Réglementation

Jusqu'à tout récemment, la réglementation bancaire en vigueur considérait seulement le risque de marché, le risque de crédit et le risque opérationnel dans l'accord de Bâle II. Depuis peu, l'accord de Bâle III réglemente le risque systémique et le risque de liquidité. Cet accord commence tout juste à être implanté dans les institutions financières qui ont jusqu'en 2019 pour effectuer les changements. Cette nouvelle réglementation risque d'apporter davantage de stabilité au système financier dans les années qui suivent puisque les banques devront réserver des fonds pour les charges de capital supplémentaire et pour les surcharges71 de capital reliées au risque systémique.

71 Dans les pages qui suivent, les surcharges de capital seront abordées en lien avec les SIFIs, les G-SIBs

©Line Drapeau, 2015

Acharya (2009) prétend que la réglementation actuelle mise sur des contraintes de diversification individuelle. Comme le démontre le modèle de l’auteur dans un contexte multi-banques, les politiques réglementaires qui se restreignent à mesurer le risque individuel et à exiger des charges de capital en ce sens ont l’effet pervers d’accentuer le risque systémique. En effet, ce phénomène s’explique par la décision des banques de choisir des actifs dont la corrélation entre les rendements est élevée72, ce qui signifie que les actifs sont sensibles aux mêmes forces et que les rendements des actifs fluctuent fortement dans la même direction, à la hausse ou à la baisse. De cette façon, les banques augmentent leur chance de survivre et de faire faillite ensemble. Ainsi, l’auteur présente le risque systémique comme étant une conséquence endogène lorsque les banques prêtent aux mêmes industries. De son côté, Wagner (2010) aborde l’idée que la diversification individuelle des banques accentue un risque systémique par la diminution du risque idiosyncratique des entreprises qui conduit les banques à être plus sensibles aux chocs systématiques. L'auteur se penche sur les niveaux de diversification individuels et globaux dans un cadre sociétal agrégé afin de déterminer si le niveau de diversification global est optimal. Ce qui diffère principalement d'Acharya (2009), c’est que la faillite d’une banque est reliée à la vulnérabilité des banques aux mêmes chocs et à l'externalité négative du risque systémique relié au dépassement du niveau de diversification global optimal, ce qui augmente leur chance de faire faillite au même moment.

Aussi, Allen et Saunders (2004) abordent le phénomène de procyclicalité qui est observé dans les expositions aux différents risques des banques. Cette procyclicalité est reliée à des cycles systémiques d’expositions qui peuvent grandement affecter l’économie en entier. Cela s’explique par les modèles de risque de crédit, de risque opérationnel et de risque de marché utilisés par les banques afin de calculer les charges de capital à l’interne, qui surestiment les charges de capital requises lors d’une récession et qui les sous-estiment lors d’une expansion. Cette situation accentue l’importance des cycles économiques puisqu’elle diminue l’offre de fonds pour prêter lors d’une récession et qu’elle accentue cette offre lors de périodes d’expansion.

©Line Drapeau, 2015

Enfin, Turner (2000) explore la complexité du phénomène de procyclicalité des expositions aux risques des banques en abordant la procyclicalité des ratios de capital réglementaire. Il explique que la principale cause de la procyclicalité des expositions aux risques des banques est la procyclicalité même des marchés. Les fluctuations des ratios réglementaires sont tout d'abord expliquées par le moment et la durée sur laquelle s'échelonnent les mesures de resserrement de crédit puisqu'il en découle la reconnaissance de pertes financières et une diminution de l'équité. Également, elles sont expliquées par la réglementation en vigueur qui tend à favoriser un comportement d'emprunteur à court terme plutôt qu'à long terme chez les banques, ce qui rend les ratios réglementaires plus sujets à être affectés par les forces cycliques du marché. Ensuite, l'établissement de ratios réglementaires minimaux conduit les banques à vendre des actifs risqués ou à chercher du capital supplémentaire en temps de récession, soit lorsque le seuil minimal des ratios à maintenir n'est plus rempli, ce qui engendre des fluctuations des ratios réglementaires. Enfin, la trop grande confiance des banques face aux cotes de crédit des agences de cotation engendre aussi des fluctuations des ratios réglementaires puisque ces cotes sont plus ou moins sensibles aux fluctuations cycliques du marché et que les changements de cote de crédit engendrent des comportements moutonniers chez les banques73, ce qui accentue les fluctuations cycliques.

Une solution proposée dans l'article de Turner (2000) afin de limiter la procyclicalité des ratios réglementaires est d'accumuler une provision de capital réglementaire en période d'expansion. Pour plusieurs raisons, en pratique, cette solution est peu observée sans une réglementation en ce sens. Entre autres, les banques sont peu motivées de réduire leur offre de prêts en période d'expansion, ce qui aurait bien sûr comme conséquence de réduire à la baisse leur rentabilité actuelle. Toutefois, Bâle III considère maintenant la procyclicalité dans la réglementation, ce qui aura nécessairement des conséquences pour la procyclicalité des ratios réglementaires au cours des prochaines années.

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©Line Drapeau, 2015

En résumé, Acharya (2009), Allen et Saunders (2004) et Turner (2000) étudient différents aspects d'un phénomène complexe. Acharya (2009) aborde la décision des banques de choisir des actifs fortement corrélés par leurs rendements, ce qui sous-entend un comportement moutonnier dans le choix des investissements. Allen et Saunders (2004) ajoutent que l'exposition à différents risques est intrinsèquement cyclique et découle de modèles de calcul de charges de capital réglementaire peu adaptés aux périodes distinctes d'expansion et de récession. Turner (2000) renchérit sur la procyclicalité en abordant les ratios réglementaires. Allen et Saunders (2004) expliquent que les prix des actifs sur les marchés fluctuent de façon cyclique, influençant les charges de capital nécessaires à l'interne, alors que Turner (2000) soutient que la cause de la procyclicalité des ratios réglementaires est la cyclicalité des marchés et que cette procyclicalité est présente quel que soit le système réglementaire en place. De plus, les banques exacerbent la procyclicalité des ratios réglementaires en se fiant aux cotes de crédit proposées par les agences de cotation. Ainsi, les comportements moutonniers des banques et les cycles économiques interagissent mutuellement créant un environnement propice à l'accentuation du risque systémique.

3.4. Risque systémique et de contagion

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