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Différentes catégories interviennent lorsqu’il s’agit d’homologuer un nouveau produit sur le marché de la santé. Il faut entre autres distinguer la notion de «médicament» et la notion de dispositif médical (DM). Aujourd’hui, ces catégories tendent à s’harmoniser sur

le plan européen afin d’en faciliter la libre circulation sur le territoire des pays membres. Le code de la santé publique (article L.5111-1, [186]) définit un médicament comme «toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique

ou métabolique.»

De leur côté, les DM sont entendus par le code de la santé publique (article L.5211-1, [187]) comme «tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fa- bricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue

n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabo- lisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. Constitue également un

dispositif médical le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostiques ou thérapeutiques.»

Ces définitions inscrites dans le code la santé publique français sont indexées sur les directives européennes relatives aux médicaments [188] et DM [189]. Ainsi, la frontière entre médicament et DM peut être floue. En effet, un DM ayant une fonction thérapeu- tique peut être considéré comme tel dès lors que son action principale n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques. La nuance, outre sémantique, implique une réglementation différente, notamment dans le cadre de la mise sur le marché. Entre autres, la réglementation des DM est plus souple que celle dont dé- pendent les médicaments. Dans le cadre de pansements thérapeutiques, la fonction pre- mière consiste à protéger la plaie et absorber les excrétions. La libération de principes actifs peut donc être considérée comme secondaire, on peut ainsi parler de dispositif mé- dical [190]. Ainsi, bien que le biomatériau que l’on se propose de développer contienne un principe actif, son action principale est l’absorption des fuites, il relève donc de la ré- glementation des dispositifs médicaux.

1.5.1 Classification

Les DM sont classés en 4 catégories en fonction de leurs risques potentiels pour la santé :

— Classe I (classe de risque la plus faible), qui comprend par exemple les lunettes cor- rectrices, les véhicules pour personnes handicapées, les béquilles, etc. ;

— Classe IIa (risque potentiel modéré/mesuré), qui comprend par exemple les len- tilles de contact, les appareils d’échographie, les couronnes dentaires ;

— Classe IIb (risque potentiel élevé/important), qui comprend notamment les préser- vatifs, les produits de désinfection pour lentilles ;

— Classe III (classe de risque la plus élevée), qui inclut par exemple les implants mam- maires, les stents, les prothèses de hanche, etc.

Ces catégories vont donc du risque le plus faible au risque le plus élevé. La classifi- cation appartient au fabricant dudit DM, en fonction des règles établies par l’Union eu- ropéenne (UE). En 2017, une nouvelle réglementation a été adoptée par l’UE [189] en remplacement des anciennes directives [191]. La nouvelle réglementation intègre de nou- veaux critères de classement (par exemple sur les nanomatériaux), mais reste pour l’es- sentiel très proche de l’ancienne directive, la plupart des articles étant des redites. Bien que destinée à être pleinement appliquée d’ici 2020, c’est cette nouvelle réglementation qui sera décrite ici. Ainsi, dans les textes, les critères pris en compte sont les suivants :

— la durée d’utilisation t , celle-ci étant qualifiée de temporaire (t < 1 H), de court terme (1 H < t < 1 mois) ou de long terme (t > 1 mois) ;

— le mode d’application du dispositif :

— «invasif» s’il pénètre le corps par un orifice naturel. Si la pénétration fait suite à un acte chirurgical, il s’agira alors d’un dispositif «invasif de type chirurgical» ; — «implantable» si ce dernier est destiné à rester dans le corps. Si le dispositif ne pénètre que partiellement le corps, il est considéré comme implantable si la durée de l’implant est supérieure à 30 jours. Sont aussi considérés comme tels les dispositifs destinés à remplacer une surface épithéliale ou la surface de l’œil.

— le mode d’action ou la finalité du DM :

— «actif» s’il utilise une source énergétique, autre que le corps humain lui-même ou la force de gravité. Par exemple, les stimulateurs cardiaques rentrent dans cette catégorie ;

— «actif thérapeutique» s’il est actif et utilisé, seul ou en combinaison avec d’autres dispositifs médicaux, pour soutenir, modifier, remplacer ou restaurer des fonc- tions ou des structures biologiques en vue de traiter ou de soulager une mala- die, une blessure ou une infirmité ;

— «diagnostique» si actif et si, seul ou en combinaison, il est destiné à fournir des informations en vue de diagnostiquer ou de contrôler des états physiolo- giques.

— la localisation, certaines zones étant considérées comme critiques : contact avec le cœur, le système circulatoire centrale ou le système nerveux central, ces zones étant strictement définies dans le cadre de la directive.

S’en suit une vingtaine de règles (contre une quinzaine pour l’ancienne directive) qui déterminent l’attribution de classe des dispositifs en fonction de ces critères (figure1.22).

FIGURE1.22 – Récapitulatif indicatif des règles d’attribution construit à partir de l’annexe VIII du

Règlement 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux [189]. Les dispositifs médicaux actifs ne sont

pas représentés et possèdent des règles d’attribution propres. Des règles spéciales sont aussi à prendre en compte.

Aux règles générales s’ajoutent des règles spéciales, par exemple pour les dispositifs actifs, ceux fabriqués à partir de tissus animaliers ou encore ceux incorporant des sub- stances actives. C’est par exemple par le biais des règles spéciales que les poches de sang bénéficient d’une dérogation, les exemptant d’une classification III pour une classifica- tion IIb. De manière générale, si le dispositif est destiné à être utilisé en combinaison avec d’autres DM, chaque dispositif doit être considéré séparément pour l’attribution de sa classe. De même, si un dispositif peut avoir plusieurs applications ou règles (localisation, indication...), la classification la plus stricte s’applique.

Des pansements utilisés dans le cadre d’interventions chirurgicales, destinés à rester à l’intérieur du corps du patient sont alors considérés comme des dispositifs implantables. Ils sont classés dans la catégorie IIb. Cependant, s’ils sont supposés subir une transfor- mation chimique (dégradation) ou administrer des médicaments (relargage de principe actif ), ces derniers sont de fait classés dans la catégorie III, qui correspond à la classe de risque la plus élevée.

1.5.2 Mise sur le marché

Afin d’obtenir une autorisation de mise sur le marché sur le territoire européen, les DM doivent obtenir le marquage CE. Un certain nombre d’exigences essentielles sont né- cessaires pour obtenir l’approbation du DM. Ces dernières sont définies par l’annexe XI du règlement relatif aux dispositifs médicaux [189]. Les exigences générales, au nombre de 6, comprennent :

1. la non-compromission du patient ou de l’utilisateur, étant entendu que les risques éventuels liés à leur utilisation constituent des risques acceptables au regard du bienfait apporté au patient et compatibles avec un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité ;

2. l’engagement et la volonté du fabricant de réduire autant que possible les risques, à mettre en place les systèmes de protection adéquats le cas échéant, ainsi qu’à informer l’utilisateur des risques ;

3. l’efficacité du DM au regard des performances qui lui sont assignées par le fabri- cant ;

4. le maintien des performances et de la sécurité visées aux points précédents pendant la durée de vie des dispositifs ;

5. le bon conditionnement au vu du stockage et du transport des DM, afin de mainte- nir leurs caractéristiques et performances ;

6. l’acceptabilité de tout effet secondaire et indésirable au regard des performances assignées.

A cela s’ajoutent des exigences qui peuvent dépendre du type de DM concerné. Ainsi, lors de la conception et la construction des DM, une attention devra être apportée au

choix des matériaux, en tenant compte de la toxicité, et ce en considérant la compatibi- lité réciproque entre ces matériaux et les tissus, cellules ou liquides corporels auxquels ils devront être mis en contact. Les risques découlant des substances dégagées par le dispo- sitif doivent aussi être minimisés. Ainsi, dans le cas du présent projet, le développement d’un DM impliquant des étapes de synthèse chimique, le choix des réactifs doit être réflé- chi afin de limiter le relargage de molécules toxiques par le matériau développé. De plus, si un DM incorpore une substance pouvant être considérée comme un médicament au sens de l’article 1er de la directive 2001/83/CE [188], alors la présence de cette substance doit être justifiée, son utilité vérifiée par analogie avec les méthodes appropriées conte- nues dans l’annexe I de la directive 2001/83/CE [188]). Dans les faits, il s’agit de fournir une documentation complète concernant la composition, les essais biomédicaux de la substance et du DM combinés pour consultation par une autorité compétente, nationale (Agence Nationale de sécurité du Médicament et des produits de santé, ANSM) ou euro- péenne (European Medicine Agency, EMA) qui évaluera les aspects relatifs à la qualité, la sécurité et l’utilité de la substance pharmacologique (bénéfice/risque) [190]. Celle-ci pourra alors autoriser les essais cliniques avant de rendre un avis pour le marquage CE.

De plus, en fonction de la classe considérée, le fabricant devra :

— fournir une documentation complète, incluant un dossier de conformité (ou docu- mentation technique) comprenant une description du DM et sa conception, l’ana- lyse des risques, les rapports d’essais cliniques, etc. ;

— et/ou s’assurer de mettre en place des processus obligatoires pour garantir le suivi des DM une fois mis sur le marché ;

— et/ou mettre en place une assurance qualité. Cette assurance qualité prend en compte les systèmes de management attrayant à la qualité et la sécurité des produits com- mercialisés, de sa conception à son contrôle final. Pour se faire, il est recommandé de se faire certifier EN ISO 13485 par un organisme notifié12[192].

Plus la classe est élevée, plus la procédure sera contraignante. Ainsi, les DM de classe III, et donc le DM qui sera développé ici, doivent suivre une procédure complète et rem- plir tous les critères susmentionnés, chacun d’entre eux devant être contrôlé par un or- ganisme notifié qui assurera un suivi au cours du temps. Un certificat d’examen CE de la conception pourra alors être délivré par l’organisme notifié, ce dernier étant valable 5 ans.

Il est à noter que le passage récent (2017) d’une directive (93/42/CEE) à un règle- ment (2017/745) rend la réglementation applicable telle quelle, sans modifications pos- sibles par les Etats membres de l’UE. Quoi qu’il en soit, afin de standardiser les études et contrôles menant à l’obtention d’autorisations par l’UE, il existe des normes internatio- nales pouvant servir de référence.

12. La liste des organismes notifiés est fournie par la commission européenne et disponible sur son site internet http ://ec.europa.eu/growth/tools-databases/nando/index.cfm

1.5.3 Les ISO : une référence sur le plan national et international

L’ISO (étymologiquement dérivé du grec «isos», signifiant «egal») est l’Organisation internationale de normalisation. Cet organisme non gouvernemental et indépendant à pour but de définir des normes uniformisées afin de faciliter le commerce, le contrôle, mais aussi de garantir qualité et sécurité des produits, des services et des systèmes sur le plan mondial. A ce jour, l’ISO a publié plus de 21 000 normes internationales qui couvrent une grande partie des domaines industriels13. Etablies par des experts, les normes ISO font aujourd’hui foi comme références : elles définissent et fournissent des repères, des protocoles et des procédures afin de rendre possible des contrôles plus homogènes et de fait comparables. Dans le monde industriel, c’est un gage de qualité et un outil stra- tégique proposant des procédures optimisées en termes de rendement et de réduction de déchets, par exemple. Ces normes couvrent bien entendu le domaine biologique et médical, avec notamment des ISO portants sur la cytotoxicité (ISO 10993-5 de 2009). Les normes ISO ne sont que recommandatives, le marquage CE nécessite cependant parfois le suivi de ce type de normes14.

Dans ce contexte, la norme ISO 10993-5 de 2009 permet d’encadrer les évaluations cytotoxiques des dispositifs médicaux. Cette norme propose en fait différents protocoles de tests, chacun pouvant être plus ou moins adapté selon le dispositif testé. En premier lieu, il s’agit de distinguer les tests par contact direct, indirect et les tests sur des extraits (extraction liquide d’un matériau), en fonction de l’application finale visée. Plusieurs pa- ramètres peuvent alors être étudiés :

— évaluation de la destruction ou détérioration de l’intégrité cellulaire par des moyens morphologiques

— mesures de la destruction ou détérioration de l’intégrité cellulaire — mesure de la prolifération

— mesure d’un ou de plusieurs aspects spécifiques du métabolisme cellulaire

Dans le cadre de cette thèse, qui concerne le développement d’un dispositif médical implantable pour application directe sur organe, il convient alors de s’intéresser aux tests par contact direct ou par diffusion. Dans ce cas, il est tout d’abord recommandé de stéri- liser, de maintenir et de manipuler dans un environnement stérile ledit matériau, dans le cas où celui-ci devrait être utilisé ainsi dans l’application finale. De manière intéressante, il est recommandé de pré imprégner les matériaux absorbants (ce qui est, par essence, le cas des pansements) dans le milieu de culture avant d’effectuer les tests, afin d’éviter l’ab- sorption de ce dernier lors de la culture cellulaire. La température de stockage des lignées cellulaires, de préférence établies (non primaires), doit être fixée à -80 °C, voire à -130 °C pour de longues durées de stockage. Comme il est communément d’usage, la norme

13. Source et site officiel de l’ISO : http ://www.iso.org/iso/fr/home/standards.htm

14. le règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux demande le suivi de la norme ISO 14155 :2011 pour les essais cliniques

rappelle la nécessité d’utiliser un cryoprotecteur. En effet, lors du refroidissement, la for- mation de cristaux d’eau à l’intérieur ou à l’extérieur des cellules peut endommager ces dernières. La congélation tend aussi à augmenter, localement et de manière critique, la concentration saline du milieu ce qui peut conduire à des précipitations, à l’implosion ou à l’explosion cellulaire par le biais de chocs osmotiques. Les cryoprotecteurs permettent alors de limiter les effets négatifs en diminuant les cinétiques de nucléation et de cristal- lisation de l’eau via la formation de liaisons hydrogène. Les mécanismes en jeux sont en fait complexes et assez mal compris [193]. Quoi qu’il en soit, le DMSO, miscible à l’eau et non toxique, est couramment utilisé en tant qu’agent cryoprotecteur. Enfin, pour en reve- nir à la norme ISO, la bonne santé et l’absence de mycoplasmes dans le milieu de culture, approprié, sont de rigueur. Un protocole détaillé est alors fourni. Succinctement :

1. introduction d’une quantité connue de cellules de manière uniforme dans le milieu 2. vérification de la morphologie des cellules au microscope

3. remplacement du milieu de culture au moment de commencer le test 4. placement de l’échantillon sur la couche cellulaire15,

5. incubation (au moins 24 H)

6. préparation à la caractérisation qualitative ou quantitative

Il est important de noter que l’expérience doit être réalisée au moins 3 fois pour juger de la reproductibilité. Des expériences contrôles doivent aussi être réalisées pour com- parer. Le protocole peut être adapté en fonction des cas si cela est justifié. Quoi qu’il en soit, le protocole doit être consciencieusement rapporté. Une détermination qualitative est possible en étudiant la morphologie cellulaire. Les critères définis par l’ISO sont don- nés tableau1.3. Le comptage cellulaire permet en outre d’avoir une information quan- titative. Il s’agira alors, par exemple, d’éliminer les cellules mortes, par rinçage, puis de compter le nombre de cellules restantes, considérées, après vérification au microscope, comme vivantes. Il est alors défini par l’ISO qu’une réduction de la viabilité cellulaire par rapport à un contrôle de plus de 30 % est considérée comme potentiellement due à un effet cytotoxique.

TABLEAU1.3 – Grades de réactivité (réaction cellulaire) pour les tests de diffusion ou par contact

direct. La réactivité correspond à l’observation comparative du comportement cellulaire (mor- phologie, survie, etc.) entre les cellules en contact ou proche de l’échantillon testé et des cellules contrôles.

Grade Réactivité Zone de réactivité

0 Aucune Pas de zone détectable autour ou sur/sous l’échantillon 1 Légère Quelques cellules mal-formées ou dégénérées sur/sous l’échantillon

2 Moyenne Zone limitée à l’aire de l’échantillon

3 Modérée Zone supérieure (< 1,0 cm) à l’aire de l’échantillon 4 Forte Zone supérieure (> 1,0 cm) à l’aire de l’échantillon

1.6 Développement du biomatériau pour application chi-