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Chapitre 1 : Contexte spatio-temporel de l’étude

1.1 Région d’étude

Si la définition de la géographie de la côte du Labrador ne tenait qu’en un mot, le terme « écotone » serait probablement le plus approprié. Selon la terminologie en usage à Parcs Canada, ce concept se définit comme étant une zone où deux biomes s’interpénètrent et où l’on trouve des espèces liées à chacun d’eux (Bouchard et Gélinas-Surprenant, 1997). Puisque la côte du Labrador se situe à la jonction des zones bioclimatiques arctique et subarctique, son climat, son environnement et sa biodiversité constituent donc un amalgame des caractéristiques de ces deux biomes. La présence d’écotones dans la séquence latitudinale du Labrador est également visible à plus petite échelle, soit entre les différents écosystèmes caractérisant chacune des grandes baies qui longent la côte. Il existe également des transitions climatiques et biogéographiques entre les milieux côtiers et intérieurs de cette région (Payette et Bouchard, 2001). Plusieurs processus et phénomènes géomorphologiques et géologiques ont contribué à modeler le paysage du Labrador. Il a notamment été grandement marqué par l’histoire géologique, glaciaire et post-glaciaire du nord-est de l’Amérique du Nord.

1.1.1 Localisation

Le Labrador se situe au nord-est du Canada et fait partie de la province de Terre-Neuve-et-Labrador (Figure 2). Cette région est bordée par la baie d'Ungava au nord-ouest et par le détroit d'Hudson au nord. À l’est du Labrador se trouvent la mer du Labrador et l'océan Atlantique, alors que le détroit de

Belle Isle et le golfe du Saint-Laurent se situent au sud. La province de Québec se situe à l’ouest du Labrador.

Figure 2: Carte du Labrador

La communauté permanente le plus au nord du Labrador est actuellement le village de Nain, qui se trouve au sud de la baie de Nain. Selon le dernier recensement canadien (Statistique Canada, 2012) en 2011, ce village comptait 1188 habitants, en grande majorité d’origine inuite. De plus, Nain est, depuis 2005, le siège administratif du nouveau gouvernement inuit du Labrador : le gouvernement du Nunatsiavut (2009).

1.1.2 Géologie, géomorphologie et histoire postglaciaire

La côte du Labrador appartient à la province géologique de Nain (Figure 3), qui est caractérisée par une grande variabilité pétrographique (Stockwell, et al., 1972; Mengel, et al., 1991; Payette et Bouchard, 2001). Cette province d’âge archéen (4 Ga à 2.5 Ga) est constituée de roches sédimentaires plus ou moins métamorphisées, d’intrusions d’anorthosite, de granites, de gneiss et de roches volcaniques. Cette région renferme aussi les dykes de Napaktok qui datent du Paléoprotérozoïque (2.5 Ga à 1.6 Ga) (Kranendonk et Ermanovics, 1990; Kranendonk, 1996). La province géologique de Nain est également traversée par la bande de cisaillement de Komaktorvik, qui témoigne d’un cisaillement senestre. Mengel et al. (1991) incluent dans cette région le groupe de Ramah, qui s’étend en une bande parallèle aux monts Torngat (Kranendonk, 1996). Ce groupe est composé de quartzite, de mudstone calcaire à grain fin), de shale et de roches volcaniques et semble être demeuré relativement intact depuis la fin de l’Archéen (Mengel, et al., 1991).

En se basant sur la classification de Hare (1959), la zone d’étude fait partie Massif des monts Torngat, Kiplapait et Kaumajet. Payette et Bouchard (2001) décrivent le nord de la côte du Labrador comme ayant un relief très accidenté caractérisé, entre autres, par des fjords et des chaînes de montagnes telles que celles des Kiglapait, qui se trouve au nord de la baie de Nain. Les monts Kaumajet sont, quant à eux, situés au nord de la baie d’Okak. Les célèbres monts Torngat se trouvent dans la partie septentrionale de la côte du Labrador alors que la chaîne de montagnes des Mealy est plutôt située au sud du Labrador. La côte du Labrador est ponctuée de plusieurs vallées glaciaires, dont l’orientation est généralement est-ouest, et qui sont drainées par de nombreuses rivières (Payette, 2007). Elle est également caractérisée par la présence de nombreuses îles et baies. Le relief du nord de la côte du Labrador semble être le résultat de l’intense activité tectonique

ayant eu lieu lors de l’ouverture de la section nord de l’Atlantique (Hamilton, 1983; Payette et Bouchard, 2001) et de diverses glaciations (Ives, 1978).

Figure 3: Carte des provinces géologiques du Labrador

Source : Traduit de Bell et Liverman, (1997)

Le secteur Labrador de l’Inlandsis laurentidien a atteint son emprise maximale sur la côte du Labrador lors du Pléniglaciaire, peu avant 20 000 AA (Avant Aujourd’hui). Toutefois, l’emplacement précis de la marge du glacier dans cette région fait toujours l’état d’un débat en raison du caractère équivoque et ambigu des dépôts et des traces d’altérations glaciaires. Les datations issues de ces vestiges glaciaires ne font pas, non plus, l’unanimité (Ives, 1978; Vincent, 1989).

Les premiers indices du début de la déglaciation de la côte du Labrador sont datés à environ 8500 AA. Les données indiquent un retrait des glaces qui s’est opéré selon un axe NE-SO, en parallèle avec une transgression marine atteignant jusqu’à 70 m d’altitude (Vincent, 1989; Clark et Fitzhugh, 1990). Le relèvement glacio-isostatique s’est ensuite graduellement réalisé, engendrant une régression marine. Tous ces processus ont contribué au modelage du paysage de la côte du Labrador en y laissant des vestiges glaciaires et postglaciaires tels des moraines, des fjords et des terrasses marines ainsi que des dépôts argileux et sableux (Payette et Bouchard, 2001).

1.1.3 Climat

Le nord de la côte du Labrador est un milieu de transition entre les zones climatiques subarctique et arctique. Il est donc caractérisé par l’action d’une myriade de phénomènes climatiques et environnementaux qui cause la grande variabilité de son climat. Effectivement, des facteurs tels que les vents, le courant du Labrador (D'Arrigo, et al., 2003; Woollett, 2003) et la présence saisonnière de banquise le long de la côte (Woodward-Clyde Consultants, 1980) ont un rôle à jouer dans la détermination du climat labradorien. Cette grande diversité de facteurs se reflète, entre autres, dans la quantité de zones climatiques au Labrador : côtière, intérieure, boréale, arctique et tempérée (Banfield, 1981). Cette variété de types de climat se répercute également sur la présence de pergélisol dans le sol du Labrador. Cette région abrite en effet des zones de pergélisol continu, de pergélisol discontinu ainsi que des zones dépourvues de pergélisol (Woodward-Clyde Consultants, 1980; Payette, 2001; Payette et Bouchard, 2001). Nos sites d’études sont situés dans une zone de pergélisol discontinu (Woodward-Clyde Consultants, 1980) où plus de 50 % de la surface est sous régime pergélisolique (Payette, 2001).

Selon Banfield (1981), le nord de la côte du Labrador fait partie de la zone climatique arctique. Cette région est caractérisée par des températures froides, peu de précipitations (la plus basse moyenne du Labrador) et des étés courts (Banfield, 1981). En fait, les données récoltées à Nain par Environnement Canada (2012) entre 1971 et 2000 indiquent que la température moyenne annuelle à Nain est de -3 °C. La température est en moyenne 10,1 °C en juillet. La moyenne annuelle des précipitations est de 892,7 mm. Environ 492,2 mm de ces précipitations tombent sous forme de neige (Archives nationales d'informations et de données climatiques, 2012) .

1.1.4 Biogéographie

Le nord de la côte du Labrador se situe à l’interface entre la toundra forestière septentrionale et la toundra arctique arbustive et herbacée (Payette et Bouchard, 2001; Payette, 2007). Nos sites d’étude se situent plus particulièrement en zone de toundra forestière septentrionale. Celle-ci renferme quelques espèces d’arbres tels l’épinette blanche (Picea glauca), l’épinette noire (Picea mariana) et le bouleau (Betula glandulosa) (Payette et Bouchard, 2001; Payette, 2007), ainsi que diverses

espèces de lichens, de mousses, de baies et d’arbustes (Payette et Bouchard, 2001). Quant à l’extrémité nord du Labrador et aux zones de plus hautes altitudes, elles sont plutôt caractérisées par une végétation de toundra arctique arbustive et herbacée. Aucun arbre n’y pousse en raison du climat rigoureux de la région, mais on peut y trouver des lichens, des espèces herbacées et arbustives (Payette et Bouchard, 2001).

Le Labrador renferme également une vaste biodiversité animale. De fait, plusieurs espèces terrestres (caribous, renards, lièvres), marines (diverses espèces de phoques et de poissons, morses, baleines) ainsi que plusieurs espèces d’oiseaux y vivent (Kaplan, 1983; Woollett, 2003; Gaudreau, 2011).

Bien entendu, les chercheurs en paléoenvironnement et en paléoécologie ont dénoté plusieurs fluctuations au niveau du climat, de l’environnement et de la biodiversité à travers les derniers siècles. Par conséquent, il est logique de penser que les populations humaines qui ont peuplé la côte du Labrador ont expérimenté un climat et un environnement quelque peu différent de ceux qui prévalent de nos jours. Néanmoins, les données archéologiques et historiques semblent indiquer que les diverses populations passées ont su, chacune à leur manière, tirer profit de la grande diversité de ressources disponibles sur la côte du Labrador.

1.2 Historique de l’occupation néoesquimaude du centre-nord du