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Chapitre 3 : Méthodologie et traitement des données

4.3 Résultats : Micromorphologie des sédiments archéologiques

4.3.1 Signatures micromorphologiques identifiées dans les différentes zones de la maison

4.3.1.2 Composantes bio-pédologiques

Le caractère « tourbeux » de l’ensemble des échantillons se reflète dans le plasma qui est composé essentiellement de matériel organique et fécal (Figure 26 à 28). La fraction organique est très diversifiée et présente souvent un niveau de décomposition assez avancé ainsi qu’une couleur brunâtre dont la teinte varie entre le jaune, le rouge et le noir. Une portion importante de la matière organique observée au sein des échantillons n’est pas identifiable et consiste donc, en de petits amas épars de cellules végétales (matière organique non différenciée).

Boulettes fécales et restes animaux

Une quantité importante de boulettes fécales moyennement décomposées a été notée; elle témoigne de l’activité intense de la faune du sol dans les dépôts archéologiques échantillonnés (Ellis, 1983). Selon Van Vliet-Lanoë (1998), l’activité de la faune du sol prend principalement place pendant la saison chaude (été). Les boulettes fécales se composent généralement de matière organique humifiée et, parfois, de matière minérale. Le fait que la majeure proportion des boulettes fécales présente une coloration semblable au matériel organique à proximité semble indiquer un faible niveau de décomposition des restes fécaux (Todisco et Bhiry, 2008a). L’arrangement des boulettes fécales consiste en des microagrégats composés de quelques boulettes fécales ou d’amas compacts et massifs comportant plusieurs boulettes fécales. L’arrangement des boulettes fécales parmi les échantillons varie d’aléatoire à regroupé (Figure 26a).

L’homogénéité observée parmi les excréments (boulettes fécales) semble indiquer l’action d’une faible diversité d’espèces de la faune du sol (Pawluck, 1985; Todisco et Bhiry, 2008a). En effet, les boulettes fécales identifiables semblent provenir, entre autres, de mites oribates et, en de plus faibles quantités, de larves bibionidæ. Les mites oribates sont des décomposeurs qui évoluent en milieu arctique (Bunting, 1983; Todisco et Bhiry, 2008a, b). Il peut arriver que leur présence dans un

sédiment soit sous-représentée puisque leurs boulettes fécales sont souvent consommées par des décomposeurs secondaires, tels les enchytréides (Babel, 1975; Fitzpatrick, 1993; Todisco et Bhiry, 2008a). Conséquemment, il n’est pas surprenant de constater que, dans le cadre de notre étude, les excréments d’enchytréides et/ou de collemboles dominent les restes fécaux de l’ensemble des lames minces analysées. Puisque la distinction entre les boulettes fécales de collemboles et d’enchytréides est ardue (Pawluck, 1987), les deux espèces ont été combinées.

Figure 26 : a) Matière organique et boulettes fécales (H2 7S4E 17-27 cm, ~ 24.5 cm/surf., PPL) ; b) Fragment de plume (H2 8S6E 16-26 cm, ~ 23 cm/surf., PPL) ; c) Fragments d’os frais présentant des micronodules minéralisés (flèches) associés à des attaques bactériennes (H2 15S5E 20-30 cm, ~ 23 cm/surf., PPL) ; d) Os frais entouré de matière organique (H2 7S4E 17-27 cm, ~ 22.5 cm/surf., PPL) ; e) Fragment d’insecte couvert de poils (H7 2S8E 40-50 cm, ~ 43 cm/surf., PPL) ; f) Diatomées au sein de matière organique décomposée (H2 15S5E 20-30 cm, ~ 26 cm/surf., PPL)

Des fragments d’insectes ont aussi été identifiés au sein de certains échantillons (Figure 26e). Ces fragments présentent une couleur brunâtre et un aspect relativement diaphane qui pourraient

correspondre à de la chitine. Certains de ces fragments d’insectes sont munis de poils. Des diatomées ont été trouvées dans le tunnel d’entrée de la Maison 2 (15S5E) d’Oakes Bay-1 (Figure 26f). Ces bio-indicateurs indiquent des conditions saturées en eau du milieu dans lequel ils ont évolué (Simpson, et al., 1999). Une plume (Figure 26b) a aussi été identifiée près de la plate-forme arrière de la Maison 2.

À plusieurs reprises, des fragments d’os frais ont été trouvés (Figure 26c et d). Une teinte jaunâtre ainsi qu’une faible biréfringence permettaient de confirmer que ces fragments n’avaient subi aucune carbonisation (Courty, et al., 1989). Puisque des restes fauniques ont été mis au jour à proximité de tous les échantillons par les fouilles archéologiques, il est très probable que les os présents dans les lames minces soient d’origine anthropique. Toutefois, seule la présence de traces de carbonisation ou de traces de boucherie sur ces os pourrait confirmer avec certitude leur origine anthropique. L’observation des canaux harvésiens dans plusieurs des ossements identifiés indique un bon degré de préservation et, conséquemment, un enfouissement probablement rapide de la couche active (Todisco et Bhiry, 2008b). Les traces d’imprégnation d’oxyde de fer observées sur quelques ossements témoignent de processus d’altération biologiques (Figure 26c). Ceux-ci sont généralement causés par des bactéries, des champignons, des cyanobactéries (Jans, et al., 2004) ou par des organismes protozoaires. Cette altération survient généralement lors de la fonte de la couche active et est causée par des organismes envahisseurs du sol. Ces derniers attaquent le collagène, causent une déminéralisation, une solubilisation de l’ossement (Todisco et Bhiry, 2008a) et entrainent l’augmentation de la porosité de l’os (Jans, et al., 2004; Smith, et al., 2007).

Restes de tissus et d’organes de plantes

Une variété de restes végétaux a été identifiée au sein des lames minces étudiées. Ils présentent généralement une teinte brunâtre en lumière polarisée et sont isotropes en lumière polarisée croisée. D’une part, les fragments de feuilles de mousse ont été identifiés, en quantités limitées à abondantes, dans l’ensemble des échantillons (Figure 27c et d).

D’autre part, on a constaté la présence de fragments de racines, d’écorce et d’aiguilles de conifère (Figure 27b, e et f). Certains restes végétaux présentent une teinte rougeâtre (phlobaphène)

résultant d’un processus d’oxydation des tannins (Bullock, et al., 1985; Fitzpatrick, 1993; Todisco et Bhiry, 2008a, b).

Figure 27 : a) Fragment de bois de conifère (H7 2S8E 40-50 cm, ~ 49 cm/surf., PPL) ; b) Coupes transversales de racines entourées de matière organique (H7 2S8E 24-34 cm, ~ 44 cm/surf., PPL) ; c) Feuilles de mousse entourées de grains de quartz et de matière organique (H7 2S8E 40-50 cm, ~ 49 cm/surf., PPL) ; d) Feuilles de mousses (H2 10S7E 17- 27 cm, ~ 25 cm/surf., PPL) ; e) Coupe oblique d’aiguille de conifère (H2 8S6E 16-26 cm, ~ 24 cm/surf., PPL) ; f) Fragment d’écorce d’arbre (H1 T1 32-42 cm, ~ 37 cm/surf., PPL)

La présence de fragments de bois non carbonisé a été notée à de multiples occasions (Figure 27 a). Bien qu’ils ne soient pas carbonisés, ces débris ligneux pourraient fort probablement être attribuables à l’Homme. Effectivement, il est important de rappeler que le bois était couramment utilisé dans la structure des maisons semi-souterraines inuites (Hawkes, 1916; Kaplan, 1983; Woollett, 2003)

Restes fongiques

Les restes fongiques présentent une coloration brun foncé ou même noirâtre et sont isotropes en lumière polarisée croisée. Les hyphes et les fragments de lichen ont été souvent observés dans les échantillons (Figure 28 a et b). On a aussi retrouvé plusieurs manteaux d’ectomycorhize (Figure 28e et f) issus probablement des sclérotes de Cenoccocum geophilum (Fitzpatrick, 1993; Todisco et Bhiry, 2008a, b). Ce type de mycorhize, souvent retrouvé en association à des racines qui se développent en des conditions extrêmes, est généralement indicateur d’un environnement froid et est considéré comme une espèce pionnière dans des sols fraîchement formés. Conséquemment, il témoigne d’un environnement dans lequel le développement d’une diversité de plantes n’était pas possible (Todisco et Bhiry, 2008a).

Quant aux fructifications fongiques, elles consistent principalement en des sclérotes ayant une teinte noirâtre ou brun-orangé (Figure 28c et d). Rarement, des conidies noires ou brun foncé ont été identifiées. Des structures fongiques concentriques, des tissus végétatifs mélanisés et des hyphes présentant des bordures mélanisées ont été identifiés, mais en plus faible quantité. Ces éléments ont été interprétés comme étant des filaments mycéliens et/ou des restes rhizomorphes. Ces structures tendent à s’établir dans un environnement caractérisé par la présence de bois ou de lits de feuilles (Todisco et Bhiry, 2008a).

Figure 28 : a) Fragment de lichen (H7 2S1E 29-39 cm, ~38 cm/surf., PPL) ; b) Hyphes de champignon (H2 10S7E 17-27 cm, ~ 20 cm/surf., PPL) ; c) Sclérote de champignon (H2 7S4E 17-27 cm, ~ 26 cm/surf., PPL) ; d) Fructification de champignon (H1 T1 32-42 cm, ~ 30 cm/surf., PPL) ; e) Manteaux d’ectomycorhize (H7 4S7E 28-38 cm, ~35 cm/surf., PPL) ; f) Manteaux d’ectomycorhize (H1 T1 32-42 cm, ~ 35.5 cm/surf., PPL)