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Chapitre I : Etat de l’art

3. REGENERATION DU CHARBON ACTIF

3.2. Régénération par oxydation (procédé AD-OX)

3.2.1. Régénération par oxydation à l’air

Le procédé ZIMPRO d’oxydation à l’air humide (Zimmermann, 1950) a ainsi été associé au procédé PACT (Powdered Activated Carbon Treatment) qui combine traitement par boues activées et adsorption sur charbon actif. C’est le mélange de charbon en poudre épuisé et de biomasse qui est traité par oxydation en voie humide (OVH), à des températures comprises entre 150°C et 300°C et des pressions de 10 à 200 bar, assurant simultanément la destruction de la boue en excès et la régénération du charbon. Même à des températures de l’ordre de 200-250°C, la perte en masse du charbon est faible (entre 1 et 5%), car la présence des composés adsorbés le protège de l’oxydation. Autrement dit, l’oxygène attaque les composés adsorbés avant d’oxyder le charbon actif [Mishra et coll., 1995]. Dans ces conditions, les composés organiques complexes sont oxydés en dioxyde de carbone et eau, mais aussi en produits d'oxydation intermédiaires, notamment des acides carboxyliques qui ont tendance à s'accumuler car plus réfractaires à l'oxydation totale

Selon Mundale et coll. (1991), la réaction d’oxydation se déroule en phase liquide et le mécanisme de régénération du charbon implique les étapes élémentaires suivantes :

- désorption des espèces et diffusion intra-particulaire vers la surface externe, - transfert de masse de la surface externe de la particule vers la solution, - transfert de masse de l'oxygène de la phase gaz à la phase liquide,

- réaction entre l'oxygène dissous et les composés désorbés en phase liquide.

Ces auteurs ont traité par OVH des suspensions à 5% de charbon actif pré-saturé par du phénol, pour des températures variant entre 150°C et 200°C et une pression partielle

qu’une régénération partielle (de 70 à 80%) du fait de l’oxydation des fonctions de surface du charbon.

Ce même mécanisme a été repris par Gonzalez et coll. (2002) qui ont étudié la régénération de charbons chargés en p-nitrophénol dans des conditions similaires (T = 150-180°C, PO2 = 0,72

MPa), mais pour des suspensions plus diluées (0,24% en volume). Les auteurs ont constaté une réduction de l’ordre de 25% de l’énergie d’activation de l’oxydation en présence de charbon, ce qu’ils ont attribué à la désorption de la molécule. Ils ont aussi observé une température optimale pour le traitement du charbon, avec jusqu’à 80% de régénération à 170°C. Comme dans l’étude précédente, la perte de capacité est attribuée à l’oxydation des fonctions de surface du charbon à haute température, qui défavorise l’adsorption ultérieure. Dans le même ordre d’idée que le charbon ne participerait pas directement au processus oxydatif, Levec et Pintar (1993 et 1995) ont proposé le procédé CALIPHOX dans lequel la régénération du charbon est assurée par désorption à l’eau chaude et sous pression, suivie d’une oxydation des polluants désorbés dans un second réacteur catalytique (lit fixe d’oxydes métalliques) avant recyclage du liquide dans le lit d’adsorbant.

Cependant plusieurs études s’accordent sur le fait que les charbons actifs peuvent être des catalyseurs efficaces d’oxydation [Knopp et coll., 1978 ; Fortuny et coll., 1998 ; Stüber et coll., 2005 ; Suwanprasop et coll., 2005 ; Ayral et coll., 2010], éliminant a priori la nécessité d’utiliser un second catalyseur pour réaliser la destruction des polluants adsorbés en conditions modérées (T < 200°C, P ≤ 50 bar). C’est le principe du procédé séquentiel AD-

OX qui a été développé au LGC il y a une dizaine d’années [Polaert et coll., 2002 ; Delmas et

coll., 2009 ; Quesada et coll., 2012]. Ce procédé utilise le même lit de charbon actif, successivement comme adsorbant et catalyseur de sa propre régénération. La première étape du procédé correspond donc à l’adsorption des polluants sur le charbon actif à température ambiante : c’est l’étape de production d’eau propre que l’on peut rejeter en milieu naturel ou réutiliser. La seconde étape est une oxydation catalytique à l’air permettant la dégradation des composés organiques adsorbés et même temps la régénération du charbon actif comme adsorbant. Elle est éventuellement précédée d’une étape de drainage/rinçage, permettant le traitement d’effluents salins en milieu moins corrosif [Krou, 2010]. Par rapport à une oxydation directe de l’effluent, la consommation énergétique est bien plus faible car seule une petite partie de l’eau – recyclée une fois le temps de perçage atteint – est chauffée et mise sous pression, la totalité du flux ayant été traité préalablement à froid par adsorption. Par

Le procédé AD-OX à l’air a été étudié au sein de notre équipe dans le cadre de 4 thèses [Creanga, 2007 ; Ayral, 2009 ; Quesada, 2009 ; Krou, 2010] et appliqué à différents polluants (phénol, paracétamol, colorant, mélange de phénols, effluent de STEP) et différents charbons (commerciaux ou issus de la pyrolyse de boue) en utilisant soit un contacteur à lit fixe, soit un réacteur agité pour étudier les phénomènes (adsorption-oxydation) de façon découplée [Manole Creanga et coll., 2009 ; Delmas et coll., 2009 ; Ayral et coll., 2010 ; Julcour Lebigue et coll., 2010 ; Quesada-Peñate et coll., 2012 ; Julcour-Lebigue et coll., 2012]. De l’ensemble de ces travaux il ressort que les capacités d’adsorption ne sont que partiellement restaurées par le traitement oxydatif, du fait de la modification des propriétés de surface du charbon (un pré-traitement à l’air humide du charbon – en l’absence de polluant – conduisant à une réduction d’un peu plus de 10% de sa capacité d’adsorption), mais surtout du dépôt dans les pores de produits lourds formés lors de l’oxydation (condensation des molécules par couplage oxydant). C’est dès la première oxydation, qui suit la première adsorption en lit fixe, que le charbon perd une grande partie de son pouvoir adsorbant (de 60 à 80%) et catalytique. Les séries de cycles suivants (de 3 à 17) ne montrent pas d’évolution ultérieure significative, ce qui laisse une chance de viabilité à ce procédé de régénération à l’air humide. Ses performances sont apparues assez peu sensibles à la nature du polluant organique, même si en oxydation simple les réactivités peuvent être très différentes. La nature du charbon semble jouer un rôle plus important : par exemple, les charbons plutôt acides et mésoporeux conservent mieux leurs propriétés au cours des cycles AD-OX que les charbons basiques et essentiellement microporeux [Ayral et coll., 2010 ; Quesada-Peñate et coll., 2012]. C’est donc peut-être à ce niveau que des améliorations peuvent être espérées. Cela constitue l’un des axes de ma thèse qui a examiné la possibilité de prolonger la durée de vie de l’adsorbant par dépôt d’un oxyde métallique, de préférence peu onéreux comme les oxydes de fer ou de cuivre. Ces derniers devraient accélérer les vitesses d’oxydation (permettant d’envisager des conditions plus douces et/ou des durées réduites de traitement) et ils devraient également limiter la formation d’oligomères en surface du charbon, comme rapporté par certaines études en oxydation continue (détaillées dans la partie 4.2. de ce chapitre).

Des procédés de régénération par oxydation catalytique en phase gazeuse ont aussi été développés, notamment par l’équipe de Sheintuch et coll. [Matatov-Meytal et Scheintuch, 1997 ; Sheintuch et Matatov-Meytal, 1999]. Pour le charbon vierge préalablement saturé par du phénol, le taux de régénération atteint 40% après traitement à 250°C sous air ou 5%

Par contre, l’incorporation dans le charbon d’oxydes métalliques mixtes à base de Fe2O3 (0,9-

1,8%) et CuO (3,7-7,3%) permet de restaurer sa capacité d’adsorption, même après 10 cycles. Cependant, des pertes en métal sont observées ( ≤ 10%) et la régénération est bien plus faible (autour de 25% après 2 cycles) lorsque l’adsorbat est un phénol avec un substituant halogéné. Un traitement préalable par hydrodéchloration permet d’améliorer notablement ces derniers résultats, mais nécessite l’incorporation d’un métal dédié, comme le palladium [Matatov- Meytal et Scheintuch, 2000].