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1. Éthique des affaires et conformité : vers une gouvernance des risques

1.1 Transformation de la gouvernance d’entreprise : accent mis sur la gestion des risques

1.1.2 Renforcement de la gouvernance d’entreprise et de la gestion des risques

1.1.2.1 Réformes en matière de gouvernance d’entreprise

1.1.2.1.1 Réformes introduites aux États-Unis

La loi Sarbanes-Oxley92 (ci-après « SOX ») constitue la plus importante réforme aux

États-Unis relative à la gouvernance d’entreprise depuis le New Deal93. Elle a été votée par le

Congrès des États-Unis et ratifiée par le président Bush en juillet 2002. Guidée par les principes d’intégrité, de fiabilité et de responsabilité, la loi a pour objectif de protéger les investisseurs et de rétablir la confiance du public à l’égard des marchés financiers94. À cette fin, la loi oblige les entreprises à fournir aux investisseurs toute l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées en matière de placement95. L’exactitude et la fiabilité des documents financiers doivent être certifiées, aux termes de la loi, par le chef de la direction et par le directeur financier, et cela dans le but d’augmenter leur responsabilité à l’égard des actionnaires96.

De manière générale, cette loi à portée extraterritoriale97 comporte cinq axes principaux : la création d’un comité d’audit indépendant98, l’interdiction aux auditeurs externes d’offrir un certain nombre de services à la société dont ils vérifient les comptes99, la constitution

92 Sarbanes-Oxley Act of 2002, Pub. L. No. 107-204; 116 Stat. 745 (ci-après cité: « SOX »).

93 Expression désignant les réformes législatives mises en place aux États-Unis en réponse à la crise économique

des années 1930.

94 Voir SOX; A. NACIRI, préc., note 3, p. 149; Sanjay ANAND, « Sarbanes-Oxley Act », dans Anthony

TARANTINO (dir.), Governance, risk, and compliance handbook : technology, finance, environmental, and

international guidance and best practices, New Jersey, Wiley, 2008, p. 946-947; Stolowy HERVÉ, Eduard PUJOL,

et Mauro MOLINARI, « Audit financier et contrôle interne. L'apport de la loi Sarbanes-Oxley » (2003) 147-6

Revue française de gestion 133, 134, en ligne : <https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2003-6-page-

133.htm> (consulté le 15 février 2017).

95 S. ANAND, préc., note 94.

96 Voir SOX, § 303 et § 404 ; A. NACIRI, préc., note 3, p. 155 ; S. HERVÉ, E. PUJOL et M. MOLINARI, préc.,

note 94, p. 134; S. ANAND, préc., note 94, p. 947; M. T. BIEGELMAN et D. R. BIEGELMAN, préc., note 5, p. 78-79.

97 La SOX s’applique aux entreprises américaines ou étrangères cotées à la bourse de New York. 98 Voir SOX, § 301; A. NACIRI, préc., note 3, p. 154; S. ANAND, préc., note 94.

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du Public Company Accounting Oversight Board100, la certification des états financiers et le contrôle interne101, et l’instauration et le renforcement des sanctions pénales et civiles en cas d’infraction aux règles édictées dans le domaine de valeurs mobilières102. Nous pouvons alors constater une forte volonté du législateur américain non seulement de coordonner les rôles et responsabilités des organes de direction et de contrôle, mais aussi de garantir la transparence financière et conséquemment la prévention des risques financiers. En effet, les mesures du contrôle interne instaurées par loi sont de plus en plus associées au processus de gestion des risques opérationnels.

La bourse de New York (ci-après « NYSE ») a imposé aussi des règles concernant la gouvernance d’entreprises. Ces exigences portent principalement sur la composition et la conduite des conseils d’administration, les comités de vérification, de rémunération, de nominations et de la gouvernance d’entreprise et les codes de conduite et d’éthique103. Ces dispositions de la NYSE ont été conçues dans le but de favoriser une surveillance efficace et active de la direction par les conseils d’administration, en requérant que la majorité des administrateurs des sociétés cotées soient indépendants104.

Il est important de noter que la NYSE a insisté sur la responsabilité des membres du comité de vérification relativement à la surveillance des pratiques d’évaluation et de gestion des risques mises en place par les membres de la haute direction. Concrètement, la réforme de la gouvernance d’entreprise demandée par la NYSE oblige le conseil d’administration à former un certain nombre de comités spécialisés, dont le comité d’audit, pour lui permettre de s’acquitter

100 Voir SOX, § 101-109; A. NACIRI, préc., note 3, p. 151-153; S. ANAND, préc., note 94; Martin T.

BIEGELMAN et Joel T. BARTOW, Executive Roadmap to Fraud Prevention and Internal Control: Creating a

Culture of Compliance, 2 ed., New Jersey, Wiley, 2012, p. 92-93.

101 Voir SOX, § 302 et 404; M. T. BIEGELMAN et J. T. BARTOW, préc., note 100, p. 90-91 ; A. NACIRI, préc.,

note 3; S. ANAND, préc., note 94.

102 Voir SOX, § 802, § 807, § 903-904, § 906, §1106; S. ANAND, préc., note 94.

103 Voir New York Stock Exchange Listed Company Manual (ci-après cité : « NYSE, Manual »), Section 3, en ligne:

<http://wallstreet.cch.com/LCMTools/bookmark.asp?id=sx-ruling-nyse-

policymanual_3&manual=/lcm/sections/lcm-sections/> (consulté le 25 avril 2018) ; E. LÉTOURNEAU, préc., note 2, p. 32; C. M. ELSON et C. J. GYVES, préc., note 2, p. 875 ; A. NACIRI, préc., note 3, p. 221; M. T. BIEGELMAN et J. T. BARTOW, préc., note 100, p. 90-91. Ces exigences se trouvent aussi dans le SOX.

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correctement de ses fonctions. En ce qui concerne le comité d’audit, il a été convenu qu’il doit être composé de trois membres au minimum, tous indépendants, et avoir un mandat écrit qui précise sa mission et ses responsabilités, ainsi que l’évaluation annuelle de son rendement105. Ce comité doit maintenir une fonction d’audit interne qui est chargé notamment d’identifier les risques stratégiques, opérationnels et financiers auxquels l’entreprise est confrontée, et de surveiller le processus de gestion des risques et du système de contrôle interne développés par la direction106. Pour la NYSE, il s’agit là des conditions cruciales afin de prévenir des échecs comme celui d’Enron107.

Finalement, la loi Dodd Frank108 adoptée par le Congrès américain en réponse à la crise

financière mondiale survenue en 2007 est venue réformer le système financier états-unien. Les principaux objectifs de cette législation consistent à promouvoir la stabilité financière par l’amélioration de la responsabilité et de la transparence dans le système financier afin de mettre fin à la notion « too big to fail », et protéger les consommateurs contre les abus financiers109. Des dispositions relatives aux institutions financières, aux valeurs mobilières, aux produits dérivés et à la gouvernance d’entreprise sont incluses dans cette loi110. De plus, elle prévoit le renforcement du programme d’alerte éthique afin d’inciter les personnes ayant des informations sur des actes illégaux commis au sein des entreprises ou sur leur lieu de travail à fournir des informations à la Securities and Exchange Commission (ci-après : « SEC »)111.

105 NYSE, Manual, Section 3, 303A.07 ; SOX, § 301.

106 M. T. BIEGELMAN et J. T. BARTOW, préc., note 100, p. 91; A. NACIRI, préc., note 3, p. 221; NYSE, Manual,

préc., note 103.

107 C. M. ELSON et C. J. GYVES, préc., note 2, p. 876.

108 Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub. L. No. 11-203 (ci-après cité: « Dodd-Frank

»).

109 Id.

110 Ivan TCHOTOURIAN, Gouvernance d’entreprise et rémunération à l’aune de la nouvelle régulation financière

américaine : big bang ou coup d’épée dans l’eau ?, Papyrus, 2010, p. 2, en ligne :

<https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/4035/ReformeUS_IT.pdf> (consulté le 24 novembre 2017).

111 Voir C. COLLARD et al., préc., note 4 , p. 88 ; Louis J. JOHNSON, « Whistling Upon Deaf Ears: Dodd-Frank

Whistleblower Protection of Internal Disclosures », (2016) 727 Law School Student Scholarship 1, en ligne: <http://scholarship.shu.edu/student_scholarship/727> (consulté le 23 mars 2017); Rachel S. TAYLOR, « A Cultural Revolution: The Demise of Corporate Culture through the Whistleblower Bounty Provisions of the Dodd- Frank Act », (2013) 15-1 Transactions: The Tennessee Journal of Business Law 69.

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Pour ce qui est des sociétés cotées, la loi Dodd Frank s’est intéressée particulièrement à la rémunération des dirigeants, aux conseillers en rémunération et aux conflits d’intérêts112. Il a été donné aux actionnaires un vote consultatif sur la rémunération du personnel de la direction et sur tout type de rémunération versée aux dirigeants devant quitter la société à la suite d’une acquisition, fusion, vente proposée ou toute autre modification du contrôle de l’entreprise (parachutes dorés)113. D’autre part, le conseil d’administration doit former un comité de rémunération composé seulement d’administrateurs indépendants114. La société doit en outre fournir des informations sur le modèle de direction choisie, y compris les raisons pour lesquelles elle a décidé de séparer ou de regrouper les fonctions de président et chef de la direction et de président du conseil.

Cet aperçu des réformes mises en place aux États-Unis afin de rétablir la confiance des investisseurs dans les marchés financiers nous permet maintenant de nous pencher sur les réformes entreprises par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ci-après : « ACVM »). Tel que nous pourrons le constater dans les pages qui suivent, ces dernières ont été inspirées en grande partie de celles établies par le gouvernement états-unien.