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La réforme de septembre 2018 constitue une première étape indispensable

ANNEXE 2 LA PROTECTION SOCIALE GENERALISEE ET SA GESTION

4 LA REFORME DES RETRAITES DE 2018 AMELIORE LES PERSPECTIVES DE MOYEN TERME,

4.2 La réforme de septembre 2018 constitue une première étape indispensable

Face à ces problèmes de soutenabilité, de premiers ajustements ont été réalisés au cours de la décennie en cours : le principal levier a porté sur le taux de cotisation, relevé à plusieurs reprises depuis 2010 (de 14,46 % à 20,85 % en 2018). L’âge de départ anticipé a été reculé et le calcul du salaire moyen de référence a été modifié (moyenne des cinq meilleures années parmi les 10 dernières passée à la moyenne des 10 meilleures années parmi les 15 dernières). Pour autant, ils étaient encore largement insuffisants pour garantir la viabilité du système à un horizon suffisamment

lointain. Ces réformes ont permis de réduire la dégradation du ratio cotisants/pensionnés depuis 2013.

La réforme des retraites en cours avait été présentée initialement par le gouvernement d’Edouard Fritch au début de 2018. Face à une mobilisation intersyndicale nombreuse, au moment où la campagne des élections territoriales d’avril 2018 était en cours, elle avait été reportée, mais le mouvement du président Fritch avait annoncé qu’elle serait mise en œuvre si sa majorité était reconduite.

Après l’élection qui a reconduit le mouvement Tapura Huiraatira avec une majorité forte à l’assemblée territoriale (39 sièges sur 57), la réforme des retraites a été réintroduite, et votée par l’assemblée de Polynésie le 21 septembre 2018 par 39 voix sur 57. Les manifestations d’opposition ont été beaucoup plus réduites qu’au printemps. Trois recours auprès du Conseil d’État ont été formulés à l’encontre de la loi du Pays du 21 septembre 2018, mais le Conseil d’État dans sa décision du 30 janvier 2019 a validé la loi, à l’exception des deux articles 9 et 72.

Le dernier alinéa de l'article LP 6 de la " loi du pays " contestée renvoie à un arrêté la définition des conditions dans lesquelles une réduction de la période minimale d'exercice d'un travail manuel ouvrier exigée pour bénéficier du dispositif de retraite pénibilité peut être accordée aux " femmes assurées sociales ayant eu un nombre minimum d'enfants, au titre de l'incidence de la maternité sur leur vie professionnelle ". Le CE a estimé que « si ces dispositions pouvaient, sans méconnaître le principe d'égalité, réserver aux seules femmes la réduction en cause à raison des incidences de la période de grossesse et, notamment, de la période correspondant au congé maternité, elles ne pouvaient prévoir au bénéfice des seules femmes une réduction de la période minimale d'exercice d'un travail manuel ouvrier à raison des incidences de l'éducation des enfants. D'autre part, elles ne pouvaient davantage, sans méconnaître le même principe, prévoir qu'une telle réduction ne pouvait être accordée à une femme ayant au moins un enfant, mais seulement aux femmes ayant eu un nombre minimum d'enfants ».

Par ailleurs, l'article LP 72 de la " loi du pays " ajoute, après l'article 20 de la délibération du 26 octobre 1995 modifiée instituant un régime de retraite tranche B au profit des ressortissants du régime général des salariés, un article LP 20-1 ainsi rédigé : "Le taux de cotisation visé à l'article 20 est déterminé à partir du taux d'acquisition des points et d'un taux d'appel. Les cotisations afférentes à 100 % du taux d'acquisition sont génératrices de droits. Les cotisations afférentes à la fraction du taux d'appel excédant 100 % ne sont pas génératrices de droits. Elles ont pour objet de contribuer à l'équilibre financier du régime. Le taux d'appel et le taux d'acquisition sont fixés par arrêté pris en conseil des ministres". Le CE a annulé cet article au motif que « s'il était loisible au législateur du pays de prévoir, pour certains revenus, un complément de cotisation sans prestation supplémentaire, les dispositions précitées instituent un prélèvement obligatoire dont l'objet consiste exclusivement à contribuer à l'équilibre financier du régime d'assurance vieillesse. Un tel prélèvement ne revêt pas le caractère d'une cotisation sociale mais doit être regardé comme une imposition de toute nature. Dès lors, en s'abstenant d'en définir l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement, le législateur du pays a méconnu l'étendue de sa compétence ».

4.2.1 La retraite « tranche A »

Comme le détaille le tableau ci-après, les principales évolutions ont porté sur l’âge de départ en retraite (porté progressivement à 62 ans d’ici à 2023), l’âge de départ à la retraite anticipée (de 55 ans à 57 ans) et le minimum d’années de cotisations requis (30 années au lieu de 20), et le calcul des années de référence (désormais porté aux 15 meilleures années sur les 20 dernières).

Evolution du régime de retraite polynésien tranche A suite à la loi du 21/09/2018

gouvernement de la Polynésie.

L’impact d’une réforme des retraites sur le moyen et long terme est fonction d’une multitude de paramètres : de nature économique (inflation, évolution des salaires, du plafond et du taux de cotisation, modalités de revalorisation des pensions, … ), démographiques (mortalité, nuptialité, différence d’âge du conjoint, nombre de nouveaux entrants, caractéristiques des nouveaux entrants selon l’âge et le niveau de rémunération, évolution annuelle de leurs salaires…) et comportementales (âge de départ à la retraite, turnover des salariés, …). La mission n’a pas expertisé de nouveau les hypothèses sous-jacentes retenues par la CPS, mais à titre d’illustration de la sensibilité du modèle, lui a demandé de modifier deux des paramètres, d’une part le rythme d’évolution de la population active (retenu à +2 % par an jusqu’en 2021 dans le modèle, puis +1,5 % par an jusqu’en 2030, et +1 % au-delà) et d’autre part l’âge légal de départ en retraite (62 ans dans le modèle).

Dans le scénario central retenu par les autorités polynésiennes, l’effet de la réforme sur les retraites de la tranche A permettrait de reporter à 2027 la réapparition d’un déficit.

Graphique 14 :Projection à 2030 des résultats de la retraite tranche A après réforme

CPS.

Pour le régime de retraite de la Tranche A, l’augmentation de 0,51 point du taux de cotisation est poursuivie en 2019. Il passera donc de 20,85 % à 21,36 %. L’assiette de cotisation dont le plafond mensuel actuel est de 258 000 F CFP (2158 €) sera augmentée de 5 000 F CFP pour atteindre 263 000 F CFP (l’effet induit sur la tranche B devrait être compensé par l’augmentation des salaires).

Enfin, le financement des allocations complémentaires de retraite pour les cotisations de moins de 15 ans sera assuré par une participation du Pays dans son budget primitif à hauteur de 2,890 MdF CFP (24,2 M€), dont 1,190 milliard F CFP (10,0 M€) au titre de l’apurement du déficit cumulé, et 1,7 milliard F CFP (14,2 M€) pour l’ACR -15 ans. Le besoin complémentaire en 2019 sera traité par la voie du collectif budgétaire.

Le ratio cotisants/retraité, qui aurait été inférieur à 1 en 2030 sans réforme, serait de 1, 35 à cette échéance.

Dans les hypothèses de modélisation demandées par la mission :

 en cas de report de l’âge légal de la retraite à 63 ans par progression d’un semestre par an jusqu’en 2025 (scénario « IGAS positif ») l’horizon de retour au déficit serait prolongé de 2027 à 2030 ;

 en cas de non croissance de la population active à partir de 2020 (scénario « IGAS négatif »), il n’y aurait pas de retour à l’équilibre et la pente des déficits serait proche de la projection sans réforme.

Ces scénarios sommaires illustrent la sensibilité des projections, et donc la nécessité d’un suivi régulier pour mettre en œuvre si nécessaire des mesures correctrices rapides.

Graphique 15 :Projection à 2030 en modifiant la croissance de la population active et l’âge légal de départ en retraite (scénarios demandés par la mission)

CPS.

4.2.2 La retraite « tranche B »

La retraite a aussi concerné la retraite « tranche B », à laquelle cotisent 38 % des assurés du RGS57, et dont le montant des pensions servies (estimation 2018) représente 20 % de celles de la tranche A.

L’âge légal a également été porté à 62 ans par paliers d’un semestre par an à compter de juillet 2019 comme pour la tranche A et la durée d’assurance, actuellement de 35 années, portée à 38 années, par augmentation successives de neuf mois au 1er janvier à partir de 2020 (dans la limite de l’âge

« suffisant » de 65 ans). Le régime des retraites anticipées a été aligné sur celui de la tranche A.

Selon les simulations effectuées par la CPS, la retraite « tranche B », aujourd’hui équilibrée mais dont le déficit sans réforme se serait rapidement accentué (3,8 MdF CFP en 2023, soit 31,8 M€), serait ainsi maintenue proche de l’équilibre jusqu’en 2023 (-800 MF CFP, soit -6,7 M€), mais le solde se dégraderait ensuite significativement, pour atteindre -13,9 MdF CFP (- 116 M€) en 2030.

Comme pour la retraite tranche A, les simulations faites à la demande de la mission montrent qu’un report de l’âge de la retraite à taux plein à 63 ans permettrait d’améliorer légèrement les résultats, sans suffire à trouver un équilibre. A l’inverse, un arrêt de la création nette d’emplois à partir de 2020 génèrerait un déficit annuel supplémentaire de l’ordre du milliard de F CFP (8,4 M€).

57 Le nombre des pensionnés tranche B est passé de 11 224 en 2015 à 13 378 en 2018 (+ 4,8 %/an). Le montant des pensions servies passe de 5 985 MF CFP en 2015 à 6 973 MF CFP en 2018, et devrait atteindre 7 362 MF CFP en 2019.

Graphique 16 :Évolution du solde de la retraite « tranche B » à l’horizon de 2030 (taux d’appel 100 %)

Source : CPS.

La « tranche B » est un système de retraite complémentaire par points, et dépend donc à la fois du prix d’achat du point et de la valeur du point lors de la liquidation des droits à retraite.

Comme c’est le cas pour l’AGIRC-ARRCO en métropole, il peut exister une différence entre la cotisation qui permet d’acquérir des points de retraite (le taux contractuel de cotisation), et la cotisation prélevée sur le salaire (le taux d’appel de la cotisation). Si le taux d’appel des cotisations de la tranche B était relevé à 125 % au lieu de 100 %, les différentes hypothèses à l’horizon 2030 en seraient améliorées, mais sans redresser suffisamment les comptes du régime.

Graphique 17 :Évolution du solde de la retraite « tranche B » à l’horizon de 2030 (taux d’appel 125 %)

CPS.

Environ 38 % des pensionnés du RGS cumulent une retraite « tranche A » et « tranche B » (cf. 2.5.3).

Le fait qu’il ait été décidé à la création du régime d’accorder des points sans contrepartie de cotisations pour la période 1987-1996 pèse et continuera à peser sur l’équilibre du régime à long terme. Les polynésiens déjà retraités sont les principaux bénéficiaires de cette décision ; au 31/12/2018, les points gratuits représentaient 42,7 % des pensions liquidées de la tranche B, soit un engagement annuel de l’ordre de 3,2 MdF CFP (26,8 M€).

Les points gratuits acquis non encore liquidés représentaient en sus 5,8 % du nombre total de points non liquidés, soit un engagement futur de l’ordre de 674 MF CFP (5,6 M€). Ce sont les générations qui ont aujourd’hui plus de 50 ans qui bénéficieront encore significativement de cette acquisition de points gratuits non cotisés :

Part des points gratuits dans le total des points acquis par tranche d’âge

Valorisation annuelle F CFP 674 387 104 11 027 490 739 CPS. Données 2018.

Comme l’indique le graphique 18 supra, un taux d’appel de 125 % ne sera pas suffisant pour rétablir l’équilibre du régime, et la décision du Conseil d’État du 30 janvier obligera le Pays à prévoir cette mesure dans une loi. D’autres mesures sont envisagées (décorrélation du plancher de la tranche B du plafond de la tranche A, augmentation de la valeur d’acquisition du point, diminution de la valeur de liquidation, abondement du fonds de sauvegarde des retraites par une participation d’équilibre du Pays…), mais n’ont pas encore fait l’objet de simulations et de négociations.

Recommandation n°3 : Evaluer au sein du nouveau Conseil d’orientation et de suivi des retraites les réformes nécessaires au rétablissement de l’équilibre de la tranche B du régime de retraite du RGS

4.2.3 Les autres aspects de la réforme des retraites

Dans chacun des deux régimes tranche A et B, est institué un compte d’affectation spéciale « fonds de sauvegarde vieillesse » qui a pour objet de garantir l'équilibre financier du régime et d'assurer à ses bénéficiaires la pérennité du service des prestations prévues. Les deux comptes sont notamment alimentés par une cotisation d’équilibre, versée à parité par l’employeur et le cotisant (et d’éventuels impôts et taxes affectées, ou subventions du budget du Pays ou de l’État), et doivent garantir un niveau de réserves conforme aux nouvelles règles (un an de pensions).

La loi du 21 septembre 2018 traite aussi du régime de retraite des agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, aquiculteurs et artisans, en alignant ses conditions sur celles des retraites des salariés. Elle porte également la limite d’âge des fonctionnaires de la fonction publique polynésienne et de l’assemblée territoriale de Polynésie à 62 ans.

Comme pour tous les systèmes de retraite confrontés à un changement des structures démographiques, et notamment dans un système par répartition basé sur un pacte intergénérationnel, l’adaptation du modèle ne peut être considérée comme définitive une fois une réforme votée : le système métropolitain en est une parfaite illustration.

Il était donc indispensable que la Polynésie se dote également d’une instance permanente de suivi des régimes de retraite, à même d’alerter le gouvernement, les partenaires sociaux et plus largement la population sur les risques futurs de déséquilibres, et d’objectiver les différents paramètres

d’évolution envisageables. Cela a été fait avec la création, par la même loi du 21 septembre 2018 (article 103) d’un conseil d’orientation et de suivi des retraites « dont la vocation est de suivre l'évolution des régimes de retraites, de formuler des propositions pour assurer leur solidité financière et leur fonctionnement solidaire ou de rendre des avis sur toute modification du cadre réglementaire applicable aux régimes de retraites concernés ».

Ce Conseil, composé de cinq représentants des organisations syndicales de salariés, de cinq représentants des organisations syndicales d’employeurs, de deux représentants des organisations de retraités, et d’un représentant de la jeune chambre économique, devra remettre un rapport annuel et public sur les systèmes de retraite, et, au moins tous les cinq ans, d’élaborer des projections sur leur situation financière.

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ORGANISATION ET LE FINANCEMENT DU RISQUE SANTE